En Ethiopie, Yonatan Tesfaye Regassa, ancien porte-parole du parti d’opposition Semayawi (Blue Party), a été condamné, jeudi 25 mai, à six ans et demi de prison par un tribunal d’Addis-Abeba après avoir été reconnu coupable, la semaine passée, d’« incitation au terrorisme ». Il avait été arrêté en décembre 2015 après avoir accusé la coalition au pouvoir, le Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien (EPRDF), « d’user de la force contre le peuple plutôt que de privilégier le dialogue pacifique avec le public ».

Les onze commentaires incriminés avaient été postés sur Facebook du 15 au 17 novembre, peu de temps après le début de manifestations populaires d’étudiants, de lycéens et de paysans oromo, l’ethnie la plus nombreuse du pays, pour protester contre un projet d’expansion géographique de la capitale, Addis-Abeba, qui devait selon eux déboucher sur des expropriations en masse. Ces manifestations, couplées à d’autres dans la région Amhara, dans le nord du pays, ont été violemment réprimées par le régime, faisant près de 700 morts selon les autorités. Elles ont conduit le gouvernement à décréter l’état d’urgence en octobre 2016 et à le reconduire pour quatre mois en mars.

Loi antiterroriste

D’après un document de la Haute Cour de justice, les commentaires postés par Yonatan Tesfaye affirmaient qu’« utiliser des objets pour des manifestations pacifiques, bloquer des routes avec des pneus ou brûler du matériel plastique dans les rues […], ce n’est rien comparé aux vies des gens que le gouvernement détruit ». Il écrivait aussi : « Cher EPRDF, le temps est venu pour vous de partir. Si vous vous souciez vraiment des citoyens, quittez vos sièges [au Parlement], laissez-leur vos sièges. Sinon, ils les prendront par la force, même s’il faut verser du sang. »

Yonatan Tesfaye encourait une peine pouvant aller jusqu’à vingt ans de prison, en vertu d’une loi antiterroriste dénoncée comme un moyen de faire taire toute dissidence par les associations de défense des droits de l’homme mais aussi par les Etats-Unis, pourtant alliés de l’Ethiopie. Le président du Blue Party, Yeshiwas Assefa, a indiqué que Yonatan Tesfaye ferait appel de cette condamnation, en invoquant son droit à « la liberté d’expression ».

« Détentions arbitraires »

Dans une lettre publiée jeudi, treize ONG, dont Reporters sans frontières (RSF) et Human Rights Watch (HRW), ont appelé le Conseil des droits de l’homme de l’ONU à faire pression sur l’Éthiopie pour qu’elle autorise une enquête indépendante sur « les atrocités commises par les forces de sécurité pour supprimer les manifestations pacifiques et l’expression d’opinions indépendantes ». Elles ont aussi demandé la libération immédiate des journalistes, défenseurs des droits de l’homme, dirigeants d’opposition et autres manifestants « arbitrairement détenus » pendant et depuis les manifestations.

Lors d’une visite en Éthiopie, début mai, le Haut-Commissaire aux droits de l’homme de l’ONU, Zeid Ra’ad Zeid Al-Hussein, a regretté ne pas avoir été autorisé à se rendre dans les régions où la contestation a été la plus marquée. Le premier ministre éthiopien, Hailemariam Desalegn, avait clairement indiqué, fin avril, qu’il refusait toute enquête indépendante sur la répression des manifestations.