« L’OMS s’est affirmée ces dernières années comme un acteur majeur dans la lutte contre le changement climatique, et a joué un rôle clé dans la reconnaissance des menaces que celui-ci fait peser sur la santé publique ». (Photo : La Chinoise Margaret Chan, la directrice générale sortante de l’Organisation mondiale de la santé, donne la main à celui qui va la remplacer à la tête de l’OMS, l’Ethiopien Tedros Adhanom Ghebreyesus, premier Africain élu à ce poste). | VALENTIN FLAURAUD / AP

TRIBUNE. Depuis près de sept décennies, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a joué le rôle d’autorité internationale en matière de santé publique, travaillant sans relâche pour combattre la maladie, promouvoir la santé publique et soutenir les pays et les communautés affectées par des catastrophes naturelles ou d’autres crises sanitaires. Sa tâche n’a jamais été facile, et elle va devenir plus difficile encore à cause de la menace grandissante du changement climatique.

L’Organisation mondiale de la Santé a élu le 23 mai son nouveau directeur général parmi des candidats issus des trois pays que nous représentons. L’Ethiopien Tedros Adhanom Ghebreyesus l’a emporté et sera confronté à des défis aussi nombreux que cruciaux pour la santé publique au niveau mondial.

« Problème déterminant du XXIe siècle »

Au fil des années, et notamment sous la direction du Dr Margaret Chan qui a qualifié le changement climatique de « problème déterminant du XXIe siècle », l’OMS s’est appliquée à mieux comprendre la menace que celui-ci représente pour la santé publique. Le nouveau directeur général devra reprendre le flambeau et accroître les efforts, en augmentant les financements pour aider les pays et les systèmes de santé à faire face au changement climatique, ainsi qu’en intégrant la question du climat dans tous les programmes de l’OMS. Les effets du changement climatique, nous les constatons déjà dans nos pays.

l’on estime que 5,6 millions d’Éthiopiens ont un besoin urgent de nourriture et d’assistance médicale

Ainsi l’Éthiopie connaît actuellement une nouvelle période sans précipitation, et l’on estime que 5,6 millions d’Éthiopiens ont un besoin urgent de nourriture et d’assistance médicale. Dans ce pays qui s’est engagé à faire des efforts importants pour atténuer le changement climatique, alors même qu’il affiche des émissions de carbone par habitant parmi les plus basses au monde, le gouvernement a déjà mobilisé 800 millions de dollars pour répondre à la crise alimentaire et sanitaire.

Au Pakistan, le changement climatique a donné lieu à des vagues de chaleur et des précipitations sans précédent. Des inondations records ont submergé un cinquième du territoire en 2010, touchant plus de 20 millions d’habitants, et depuis, la catastrophe se répète chaque année. Ces inondations servent aussi de terreau à des agents pathogènes dangereux : dans la seule province méridionale de Sindh, plus de deux millions de personnes ont succombé à des maladies diarrhéiques. En 2015, plus de 15 000 vies ont été emportées, et des dizaines de milliers de personnes ont souffert de maladies liées à la chaleur lors d’une forte canicule où le mercure est monté jusqu’à 49 °C.

Tendances préoccupantes

Au Royaume-Uni, sous l’effet des émissions de gaz à effet de serre, la probabilité de pluies torrentielles telles que celles ayant provoqué les crues de l’automne 2000 a déjà doublé. Compte tenu qu’en Angleterre, presque un bâtiment dédié aux soins de santé sur dix se trouve dans une zone à risque d’inondation, la santé publique apparaît doublement menacée.

L’organisation estime que le réchauffement de la planète provoquera 250 000 morts additionnelles par an d’ici 2030.

Ces tendances préoccupantes montrent comment le changement climatique menace de miner la santé publique. Aucun pays – à revenu élevé, moyen ou faible, développé ou en développement – n’est à l’abri des impacts du climat. L’organisation estime que le réchauffement de la planète provoquera 250 000 morts additionnelles par an d’ici 2030. Les victimes, on le sait, seront en majorité des enfants, des personnes âgées et des personnes à faibles revenus. L’OMS s’applique d’ores et déjà à contrer ces menaces environnementales. Par exemple, elle travaille avec les pays les moins développés pour créer des plans nationaux d’adaptation sanitaire afin d’assurer la résilience de leurs systèmes de santé aux impacts du changement climatique.

Acteur majeur

De plus, l’OMS collabore avec The Lancet Countdown (le bilan annuel des impacts sanitaires du climat réalisé par la revue scientifique The Lancet) et l’Organisation météorologique mondiale pour suivre les effets du climat sur la santé, en tenant compte des co-bénéfices liés à la sortie des énergies fossiles.

aider les pays à se prémunir contre les effets du changement climatique et les problèmes de santé associés

Dans le sillage de l’accord de Paris sur le climat, l’OMS doit redoubler d’efforts pour mieux cerner les conséquences du changement climatique sur la santé publique et à aider les pays – surtout les plus vulnérables et les moins équipés pour affronter les défis environnementaux – à se prémunir contre les effets du changement climatique et les problèmes de santé associés. Ainsi, pour prendre pleinement en compte les risques sanitaires liés au climat, il est essentiel que le Directeur général finance de nouvelles recherches sur les impacts du charbon – dont la combustion dégrade la qualité de l’air au niveau local et émet des gaz à effet de serre dans l’atmosphère –, et qu’il formule des recommandations spécifiques pour réduire ces impacts.

L’OMS s’est affirmée ces dernières années comme un acteur majeur dans la lutte contre le changement climatique, et a joué un rôle clé dans la reconnaissance des menaces que celui-ci fait peser sur la santé publique. Le Directeur général devra construire sur ces fondations et redoubler d’efforts pour aider les pays à protéger leur population des dangers liés au réchauffement de la planète.