Les chefs d’Etat des pays membres du G7 avec le président du Conseil européen et celui de la Commission européenne, à Taormine, le 26 mai. | Evan Vucci / AP

Le défi migratoire devait être au cœur des travaux des chefs d’Etats et de gouvernement du G7 de Taormine, vendredi 26 et samedi 27 mai. Pays de première ligne, l’Italie avait décidé d’organiser ce sommet des pays les plus riches en Sicile, où des migrants arrivent chaque année par dizaines de milliers depuis les côtes africaines et notamment de Libye, afin de souligner l’urgence d’une réponse globale. Les autorités de Rome souhaitaient même, au début, une déclaration spécifique en annexe au communiqué final. Mais comme sur le climat ou sur la libre concurrence, la nouvelle administration américaine a joué seule contre tous sur cette question, et semble avoir réussi.

Le projet de texte initial, discuté les 26 et 27 avril à Taormine et appuyé par les chefs négociateurs des six autres pays membres du G7, fut bloqué par le représentant de Washington. Une seconde version, proposée mi-mai, a été encore édulcorée et ramenée à deux paragraphes insipides. Voilà un passage en force sous forme de « c’est à prendre ou à laisser » sans précédent dans de tels sommets. « Un seul dirigeant ne doit pas paralyser le reste du G7, qui ne doit pas se dédouaner de ses propres responsabilités », relève Friederike Röder, la directrice internationale de l’ONG One, qui, tout en espérant encore des modifications dans ce texte, s’inquiète de « ce signal terrible d’un retour en arrière ».

Un texte beaucoup plus court

La première version du « projet de conclusions » proposait une approche globale des migrations, et en général de la mobilité humaine. Quelque 95 % des migrants restent dans des pays du Sud et seule une minorité vient en Europe. Le document de six pages – que Le Monde a pu consulter – insistait sur la nécessité d’une gestion de ces mouvements, sur les mesures à prendre pour créer des « canaux pour une migration légale » et sur les moyens de « combattre le racisme et la xénophobie ». « Un bon management des migrants et des réfugiés doit permettre de restaurer la confiance et de rassurer les citoyens » des pays d’accueil, soulignait le texte, affirmant deux grands principes, « le partage de la responsabilité et le partenariat avec les pays d’origine ». Il soulignait la nécessité d’y investir aussi bien que dans les pays de transit et de destination. Il appelait à « valoriser les aspects positifs de la mobilité humaine ».

Kenneth Juster, le « sherpa » – représentant – américain, qui depuis a démissionné, a appliqué fidèlement les consignes reçues de Washington notamment de la part de Stephen Miller, conseiller de Donald Trump et promoteur du « muslim ban », qui, selon la revue Foreign Policy, aurait directement pesé sur ce refus de la proposition italienne.

Les autorités italiennes voulaient à tout prix arriver à un texte de compromis et une seconde version fut soumise à discussion lors d’une réunion extraordinaire des sherpas à Rome, les 15 et 16 mai. Elle est beaucoup plus courte – à peine plus d’une page –, se réduisant à deux gros paragraphes, et Washington a fait nombre d’ajouts, comme a pu le constater Le Monde. C’est le texte qui devrait être intégré dans la déclaration finale du G7.

De « claires limites » aux migrations

A la différence de celui d’avril, il reste dans le vague sur les questions les plus sensibles. Les mots ou les morceaux de phrases imposés par le sherpa américain sont en outre très signifiants. Il souligne la nécessité d’un « contrôle » en plus de la gestion des flux. Il insiste sur la nécessité de tenir compte des différences « entre les réfugiés fuyant les persécutions et les migrants économiques ». Il évoque le nécessaire retour des réfugiés et « de claires limites au niveau des migrations ». Et surtout, comme le soulignent les trois lignes de conclusions, « les pays hôtes, pour sauver l’aspect positif des migrations, ont le droit d’établir des politiques correspondant à leur propre intérêt national ».

Des modifications seront peut-être encore ajoutées. Il n’est pas impossible non plus que, compte tenu des divergences sur des questions clés comme le climat, le sommet de Taormine s’achève sans véritable communiqué final au-delà d’une déclaration forte sur la lutte contre le terrorisme et l’organisation Etat Islamique qui fait consensus. Ce bras de fer sur les migrations n’en reste pas moins révélateur de la nouvelle donne crée par Donald Trump, et d’un G7 devenu un G6 + 1.