Le capitaine troyen Benjamin Nivet célèbre son but face à Lorient, jeudi 25 mai. | FRANCOIS NASCIMBENI / AFP

L’un lutte pour accéder à l’étage supérieur, l’autre tente de sauver sa place parmi l’élite. Troisième de Ligue 2, l’Espérance sportive Troyes Aube Champagne (Estac) a remporté (2-1), jeudi 25 mai, la manche aller des barrages qui l’opposent au FC Lorient, 18e de Ligue 1. Au Stade de l’Aube, dans une atmosphère anxiogène, les « locaux » ont pris un ascendant psychologique sur leurs adversaires avant le match retour programmé en Bretagne, dimanche 28 mai.

Devant 16 000 spectateurs enjoués, les joueurs de l’entraîneur Jean-Louis Garcia ont bien géré la pression inhérente à cet acte 1 de barrages remis au goût du jour par la Ligue de football professionnel (LFP). Vingt-quatre ans après l’avoir abandonné, la LFP a ainsi renoué avec un concept perçu comme un « compromis » par les dirigeants des clubs de l’élite et de Ligue 2. La décision de restaurer les barrages fut entérinée au terme d’un long bras de fer entre l’ex-président de la Ligue (2002-2016), Frédéric Thiriez, partisan d’un système de montée et de descente à deux équipes, et son homologue de la Fédération française de football (FFF), Noël Le Graët, qui souhaitait conserver « l’ascenseur » à trois formations. Le Conseil d’Etat ayant bloqué, en août 2015, le projet initial de la LFP.

« Un handicap pour le club de Ligue 1 »

Pour le club troyen, habitué à faire le « yoyo » (une montée, une descente, une montée, une descente depuis 2012) entre l’élite et l’échelon inférieur, cette accession aux barrages – système également en vigueur en Bundesliga allemande – fut une « divine surprise », de l’aveu même de son président Daniel Masoni. « On aborde ce barrage avec bonheur et soulagement sur le plan sportif, confie le dirigeant, aux commandes de l’Estac depuis 2009. La dynamique est de notre côté. On n’a peur de rien. Ces barrages, c’est du bonus. On visait le maintien… Et on finit troisième de Ligue 2. Plus on avance, plus on a envie. Si on va au bout, ce sera exceptionnel. Dans le cas contraire, ce ne sera pas une catastrophe. Pour Lorient (en Ligue 1 depuis 2006, doté d’un budget de 36 millions d’euros), ce ne sera pas la même chose. »

« Ces barrages sont davantage un handicap pour le club de Ligue 1, abonde Sébastien Arbona, responsable du groupe de supporteurs troyens du Kop D Tricasses. Nous, on n’a rien à perdre. C’est palpitant. Ce barrage donne aussi un coup de pub au club et à la ville. » Habitué du Stade de l’Aube depuis son enfance, cet enseignant de 32 ans a particulièrement savouré la courte victoire de sa formation.

Les supporteurs de Troyes ne pourront pas tous faire le déplacement dimanche. | FRANCOIS NASCIMBENI / AFP

Match de boxe

Un succès acquis au terme d’un duel stressant, semblable à un match de boxe. « Round 1 : Mettez les K.O », pouvait-on d’ailleurs lire sur l’un des tifos installés dans les tribunes de l’enceinte champenoise. Cadenassée, rugueuse, la joute s’est emballée par intermittence, au gré des talonnades et inspirations géniales du vétéran (40 ans) et capitaine de l’Estac, Benjamin Nivet.

C’est d’ailleurs l’inépuisable stratège des Troyens qui, d’une splendide frappe à ras de terre, a inscrit le but de la victoire dans les arrêts de jeu. Principal artisan du succès son équipe, le quadragénaire au toucher de balle soyeux a été acclamé par le public du Stade de l’Aube, au coup de sifflet final. Aux alentours de l’enceinte, les supporteurs champenois ont exprimé leur euphorie par une nuée de klaxons.

Casse-tête

S’il est soulagé au terme de cette première manche, Daniel Masoni ne cache pas que ce barrage aller constituait, pour lui, un véritable casse-tête sur le plan organisationnel en ce jeudi férié d’Ascension. « En six jours, c’est compliqué d’aller chercher d’autres sponsors. On regrette aussi que ce barrage aller ait eu lieu un jour férié. La sécurité nous coûte le double, gronde le président de l’Estac, qui a renoncé à vendre son club à l’Américain Gary Allen, à l’automne 2016. Ces deux tours nous coûtent cher. C’est compliqué à gérer pour un budget de Ligue 2 comme le nôtre [13,5 millions d’euros]. C’est la gestion du surplus financier qui est difficile. On sera dans le négatif. »

Le numéro 1 du club troyen regrette aussi que « le match aller soit systématiquement accueilli par le club de Ligue 2. » « On estime qu’il aurait dû y avoir un tirage au sort », insiste-t-il. Alors qu’il avait invité, jeudi, les 5 800 abonnés du club au Stade de l’Aube, Daniel Masoni estime que seuls « deux ou trois cars » de supporteurs de l’Estac prendront la route de Lorient, dimanche. Le match retour sera diffusé sur un écran géant, installé dans les rues de Troyes.

« Ils ont fait de la merde »

D’un optimisme à toute épreuve, M. Masoni explique qu’il n’a pas voulu piocher dans les archives pour revoir le triomphe de l’AS Cannes, alors pensionnaire de Ligue 2, contre Valenciennes, lors des derniers barrages, organisés en juin 1993. « On travaille pour grandir. On veut se servir des mauvaises expériences passées pour s’installer dans la durée en Ligue 1 », glisse le président de l’Estac.

Furieux, son homologue lorientais, Loïc Ferry, n’a pas mâché ses mots après la défaite de sa formation dans l’Aube. « Ce que j’ai entendu dans le vestiaire après le match me rassure. Les joueurs sont éminemment concernés. Ils ont fait de la « merde », comme ils l’ont dit, a pesté le patron des « Merlus ». Troyes a montré de l’envie et de l’intensité. On n'en a pas eu. A eux de montrer qu’ils ont de l’ego. Je ne sais pas s’il y a eu de la suffisance, mais il n’y a certainement pas eu assez de prise de conscience. Je pense aux supporteurs, aux salariés, aux proches des joueurs, à l’institution FCL qui veut jouer sa douzième saison de suite en Ligue 1. » Au bord du précipice, Lorient jouera sa survie, dimanche, lors d’un match à quitte ou double.