Matthew Delaney, cofondateur et patron de Marble, un robot de livraison, devant le siège de la start-up le 29 mars 2017, à San Francisco. | GLENN CHAPMAN / AFP

Ce n’est pas qu’ils encombrent déjà les rues de San Francisco (Californie), mais le conseiller municipal Norman Yee a pris les devants. Dans un projet de loi déposé le 16 mai, l’élu a proposé l’interdiction des robots de livraison sur les trottoirs. Selon lui, la sécurité des piétons est en péril, en particulier celle des enfants et des personnes âgées. « Les gens ne prennent conscience des conséquences négatives des innovations que lorsqu’il est trop tard », a-t-il justifié.

Le robot Marble, un 4-roues de la taille d’un réfrigérateur, a fait son apparition mi-avril dans deux quartiers de San Francisco. Il détecte les obstacles à l’aide de caméras et de lasers, suivi pour l’instant par un opérateur humain. Aucune collision n’a été déplorée, à part un chien quelque peu bousculé alors que Marble livrait des falafels. Mais « il serait idiot » d’attendre qu’un incident se produise, estime le conseiller municipal. « Parce que, d’après moi, ça va arriver. »

« N’interdisons pas les robots, du moins pas encore ! »

Le projet de loi a suscité un vif débat. Une ville aussi high-tech que San Francisco peut-elle tourner le dos à un produit de l’intelligence artificielle sans déchoir de son titre de « Mecque de l’innovation » ? Alors que Redwood City, dans la banlieue, ou Washington, la capitale fédérale, lâchent la bride au robot concurrent de la compagnie anglo-estonienne Starship technologies ? Laissons se dérouler l’expérience, a recommandé le San Francisco Chronicle dans un éditorial. « N’interdisons pas les robots, du moins pas encore ! »

Assimilés à des palettes de livraison

Les détracteurs soulignent de leur côté que la circulation, sur les trottoirs, est moins prévisible que sur la route. Pas de feux rouges, des passants rivés à leurs smartphones, des clients qui déboulent des magasins, des musiciens de rue, des sans-abri… Sans parler de l’utilisation du bien public par des entreprises qui se croient tout permis. « L’idée d’abandonner notre droit à circuler dans l’espace public à l’appendice motorisé d’une compagnie privée cherchant à faire du profit est erronée du début à la fin », a protesté Peter Smalley, un habitant de Berkeley, dans une réponse au quotidien.

La police n’a pas levé d’objection pour l’instant. Selon elle, les robots, qui ne transportent pas d’humains mais de la nourriture, peuvent être assimilés à des palettes de livraison.

Le débat illustre la grogne contre l’emprise de la tech sur la vie quotidienne des habitants. Si les drones ont été soumis rapidement à la réglementation – fédérale, il est vrai –, la bagarre des municipalités est incessante avec les compagnies comme Uber et Airbnb. « Quand on leur laisse un espace, on ne le récupère jamais », regrette Norman Yee, en citant l’exemple des compagnies de transport qui aggravent les embouteillages de San Francisco avec leurs dizaines de milliers de chauffeurs en attente de clients.

La solution pourrait être d’ouvrir un jour des voies spéciales pour les machines, convient l’élu. Il restera à trancher, quand deux robots se croisent, lequel a la priorité.