Le plateau de « TPMP », émission présentée par Cyril Hanouna. | CYRILLE GEORGE JERUSALMI/C8

Editorial du « Monde ». « Mais que fait donc le CSA ? » A juste titre, cette question est revenue avec insistance, ces derniers jours. Depuis la diffusion d’un canular homophobe réalisé par l’animateur Cyril Hanouna, le 18 mai sur C8, le Conseil supérieur de l’audiovisuel semble impuissant à réagir rapidement.

Certes, l’autorité chargée de veiller sur la radio et la télévision françaises a fait savoir, sur les réseaux sociaux, qu’elle avait reçu des milliers de signalements de téléspectateurs choqués par cette séquence, dans laquelle M. Hanouna piégeait en direct et à leur insu des homosexuels, attirés par une fausse petite annonce. Mais le CSA n’a encore pu prononcer aucune réprimande envers la chaîne du groupe Canal+. Cinq jours après la diffusion, il a annoncé, par un communiqué le 23 mai, avoir ouvert une procédure de sanction, mais celle-ci prendra plusieurs semaines.

Ironie du sort, c’est ce même 23 mai qu’ont été bouclées les instructions de deux autres procédures ouvertes il y a plusieurs mois, également à la suite d’émissions de M. Hanouna : l’une pour une séquence du 7 décembre 2016 dans laquelle l’animateur avait fait toucher son sexe à une chroniqueuse qui avait les yeux bandés, l’autre après une « caméra cachée », le 4 novembre, où il avait fait croire à un autre chroniqueur qu’il avait tué quelqu’un. Dans ces deux affaires, les auditions de la chaîne par le CSA ne devraient avoir lieu que le 7 juin.

Rapidité des réactions sur les réseaux sociaux

Ces délais d’instruction contrastent avec la rapidité des réactions sur les réseaux sociaux. Ainsi qu’avec celles des annonceurs, dont plus d’une trentaine ont fait savoir, à partir de dimanche, qu’ils n’achèteraient plus de publicité dans les émissions de M. Hanouna. La mobilisation de ces entreprises privées a été favorisée par les appels du site d’information BuzzFeed et par les interpellations sur les réseaux sociaux. Cette pression économique, inspirée de modes d’action en vigueur dans le monde anglo-saxon, a eu un effet direct sur la chaîne et sur l’animateur, qui ont dû infléchir leur ligne de défense.

Tout est-il en train de se jouer avant que le CSA n’intervienne ? Celui-ci ne fait qu’appliquer la loi. Dans son communiqué du 23 mai, il « déplore qu’on lui impute le délai de la procédure dont seul le rapporteur, en application de la loi, a la maîtrise ». En effet, avant toute sanction, l’instruction est confiée à un rapporteur indépendant. Ce schéma est le fruit d’une réforme, glissée dans la loi sur l’audiovisuel de novembre 2013, visant à mettre l’autorité administrative française en conformité avec les principes européen et constitutionnel de séparation des pouvoirs d’instruction et de sanction.

Une particularité étonnante

On ne saurait attendre du Conseil supérieur de l’audiovisuel qu’il tranche les affaires à la vitesse des « buzz » sur Twitter ou Facebook. Mais on peut s’étonner d’une particularité : le rapporteur indépendant concerné, Régis Fraisse, est d’abord le président de la cour administrative d’appel de Lyon. Son travail pour le CSA est donc loin d’être son activité principale.

Il y a sans doute dans ce cas d’école matière à réflexion pour le législateur et le vice-président du Conseil d’Etat, qui est chargé de nommer le rapporteur. Ce dernier doit pouvoir instruire dans des délais raisonnables, afin que des sanctions soient rapidement prises quand une chaîne encourage les discriminations ou bafoue la dignité. Il en va de la crédibilité du CSA et de la régulation de l’audiovisuel.