LES CHOIX DE LA MATINALE

Partager le quotidien des détenues de la plus grande prison de femmes d’Europe, suivre la carrière et la vie du cinéaste Abderrahmane Sissako, plonger dans l’incroyable histoire de la ville de Tokyo, comprendre la guerre sans fin contre le terrorisme grâce à l’excellent documentaire d’Ilan Ziv : voici les quatre replays à ne pas manquer cette semaine.

Plongée dans l’ordinaire de la prison pour femmes de Rennes

Couloir du  centre pénitentiaire de Rennes, la plus grande prison de femmes d’Europe. | TF1

C’est à une visite surprenante que nous invite « Grands reportages », celle d’une prison comme on en voit rarement à la télévision. Une prison qui détient des condamnées à de très longues peines. Des femmes donc, dont Eric Lemasson a partagé l’intimité pendant plusieurs mois. Cette plongée nous fait découvrir un monde inédit, loin des images que l’on s’en fait ou qui sont habituellement diffusées.

A Rennes, au sein de la plus grande prison pour femmes d’Europe, pas de violence visible, pas de surpopulation carcérale. Des détenues de tous âges vivent seules, dans de minuscules cellules qu’elles ont redécorées pour rendre l’enfermement plus supportable.

Elles se reçoivent, se préparent des petits plats afin d’améliorer l’ordinaire, vont chez le coiffeur et travaillent dans un atelier de couture pour percevoir un salaire qui peut atteindre 600 euros mensuels et dont une partie est reversée aux victimes. On se croirait presque dans une résidence d’étudiants, mais dès que les détenues sont interrogées, on sent l’angoisse, les doutes, les craintes qu’elles ressassent derrière les barreaux.

Le reportage est d’autant plus fort qu’Eric Lemasson a privilégié la neutralité et l’absence totale de commentaires, si ce n’est le strict minimum factuel. Prison de femmes est un premier volet, le second a été tourné dans un établissement pour hommes à Muret, à côté de Toulouse, et sera diffusé ultérieurement. Joël Morio

Prison de femmes, d’Eric Lemasson (Fr., 2017, 52 min). sur MyTF1 jusqu’au dimanche 21 mai.

Abderrahmane Sissako, cinéaste nomade

Une scène du film « Timbuktu » (2014). | LE PACTE

Il vient d’un pays de sable, de vents et de nomades, et son œuvre s’en ressent. Le réalisateur Abderrahmane Sissako est né dans le sud de la Mauritanie, a grandi au Mali et a été formé en Russie sous la direction du cinéaste géorgien Marlen Khoutsiev. Dans le documentaire de Valérie Osouf, il apparaît de prime abord sur une voie ferrée au milieu des dunes. Le train qui y circule est l’une des fiertés de la Mauritanie. Mais la carrière et la vie d’Abderrahmane Sissako n’ont pas suivi la même trajectoire rectiligne que le célèbre train minéralier.

Pour tourner ce portrait, la documentariste s’est rendue sur les lieux où le cinéaste a vécu et a lui-même tourné. En Afrique, bien sûr, mais aussi en Chine, à Canton, certes la ville la plus africaine de Chine, qui servira principalement de décor à son cinquième long-métrage. Là, le cinéaste entend explorer les relations parfois douloureuses de la Chinafrique, y compris dans l’intimité des couples sino-africains. Pierre Lepidi

Abderrahmane Sissako, cinéaste aux semelles de vent, de Valérie Osouf (Fr., 2017, 50 min). Jusqu’au mercredi 31 mai sur Arte.+7.

Tokyo, une mémoire de feu et de cendre

25/04 - 19h30 : Tokyo, Cataclysmes et Renaissances - Bande annonce (En anglais)

La mégalopole japonaise revient de loin. De très loin même, puisque, en cent cinquante ans, elle a été détruite deux fois. D’abord, le 1er septembre 1923, quand le séisme du Kanto a anéanti la quasi-totalité du centre historique et provoqué un immense incendie, faisant plus de 105 000 morts. Puis, dans la nuit du 9 au 10 mars 1945, ­lorsque les Américains, pour contrain­dre l’empereur Hirohito à capituler, ont largué sur la capitale des milliers de bombes qui ont tué plus de 100 000 civils.

Malgré tout, les Tokyoïtes ont réussi, chaque fois, à se relever et à reconstruire une immense agglomération ultramoderne et prospère, dont Tokyo, cataclysmes et renaissances retrace l’histoire, à travers des images d’archives d’amateurs et de professionnels.

Restaurées et colorisées avec soin pour les films antérieurs à 1950, ces images permettent de ­reconstituer les étapes-clés de l’histoire de la ville, ses différentes métamorphoses, mais aussi et surtout de restituer sa mémoire ensevelie. Plus que les scènes certes saisissantes des destructions de 1923 ou de 1945, ce qui frappe, c’est bien l’extraor­dinaire résilience des Tokyoïtes.

Sociale, politique et architecturale, cette formidable fresque de Shinji Iwata adaptée par Olivier Julien – dont on peut saluer le choix des témoignages – dessine l’épopée d’une course à la modernité qui désormais interroge ses habitants. Mustapha Kessous

Tokyo, cataclysmes et renaissances, d’Olivier Julien, d’après le film de Shinji Iwata (France-Japon, 2016, 90 min). Jusqu’au samedi 19 juin sur Arte + 7.

Le désastre d’une guerre contre la terreur

Terrorisme, raison d'Etat (1/2) - bande-annonce - ARTE

« Mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde. » Camus avait raison, lui qui, dans Les Justes, s’était déjà penché sur la question du terrorisme. Depuis le début du XXIe siècle, le terrorisme est devenu le nouveau synonyme du Mal absolu. Mais ce qui était un procédé s’est transformé en une idéologie, en l’occurrence le djihadisme.

Confondre le procédé et la cause, confondre l’instrument et son but : telle est la première erreur qu’ont commise la société et les ­dirigeants américains au lendemain des attentats du 11 sep­tembre 2001. De nombreuses autres devaient suivre. La preuve ? ­Al-Qaida, qui ne comptait que 400 membres à la veille des attaques de New York et de Washington, est aujourd’hui forte de plusieurs dizaines de milliers de membres, de millions de supporteurs et de sympathisants, pour ne s’en tenir qu’à l’organisation fondée par Oussama Ben Laden.

Cette croissance exponentielle de la menace djihadiste est la ­conséquence immédiate, directe, des erreurs de ceux qui ont voulu la combattre. Mal nommer, mal comprendre, mal réagir. S’il ne fallait voir qu’un seul documentaire sur la guerre sans fin inaugurée par les attentats du 11-Septembre, c’est celui d’Ilan Ziv.

En deux parties, et en près de deux heures, Terrorisme, raison d’Etat fait le tour du problème. Il démonte le piège infernal tendu par Oussama Ben Laden aux Etats-Unis au ­moment du 11-Septembre. Tous les acteurs concernés défilent, à l’exception des chefs d’Etat, mais leurs conseillers, les têtes pen­santes, témoignent longuement devant la caméra d’Ilan Ziv. Christophe Ayad

Terrorisme, raison d’Etat, d’Ilan Ziv (Fr., 2017, 2 x 55 min). Jusqu’au mardi 30 mai sur Arte + 7.