Un iceberg flotte dans l’océan atlantique, près de la côte de Port Kirwan, dans la province de Terre-Neuve-et-Labrador, au Canada. | Drew Angerer / AFP

Le Canada a fait un pas de plus en matière de lutte contre le changement climatique. La ministre de l’environnement, Catherine McKenna, a détaillé, jeudi 25 mai, le plan d’Ottawa visant à réduire les émissions de méthane issues des activités du secteur pétrolier et gazier. Cette industrie compte pour 44 % des émissions canadiennes de méthane, soit 48 millions de tonnes par année. Au total, ce polluant représente un quart des émissions de gaz à effet de serre (GES) du pays.

Avec ce plan, le gouvernement libéral de Justin Trudeau espère aboutir à une diminution de 40 à 45 % des rejets de ce gaz d’ici à 2025 par rapport à 2012. Si cet objectif est atteint, les émissions totales de GES devraient être réduites de 20 mégatonnes par an. Selon la ministre, cela équivaut à retirer environ 5 millions de véhicules de la circulation chaque année.

Contrôle des fuites

Le nouveau règlement comprend plusieurs mesures qui, pour laisser plus de temps à l’industrie, entreront progressivement en vigueur entre 2020 et 2023. Parmi les dispositions phares, figure un contrôle plus fréquent des fuites de méthane, la première cause d’émissions de ce gaz (34 %). Des inspections annuelles seront prévues, mais les industriels disposeront aussi de délais pour effectuer les réparations nécessaires.

Le plan prévoit également l’évacuation de méthane pour éviter les émissions dans l’atmosphère lors des opérations de fracturation de puits de pétrole ou de gaz de schiste. L’Alberta et la Colombie-Britannique en sont exemptées car ces deux provinces, importantes émettrices de gaz polluants, disposent déjà de réglementations dans le domaine, qu’Ottawa a jugé suffisantes.

En tout, ce sont 26 raffineries, usines de valorisation des sables bitumineux – qui transforment les sables en carburants ou lubrifiants utilisables ensuite dans les raffineries – et installations pétrochimiques qui seront visées.

Pour convaincre les industriels, Ottawa met en avant les économies que va permettre une meilleure détection des fuites, ainsi que les embauches que cette batterie de mesures devrait générer. Celles-ci « aideront les producteurs à économiser une valeur de plus de 1,5 milliard de dollars canadiens (998 millions d’euros) en gaz naturel entre 2018 et 2035 ». « Ces mesures aideront au développement d’une technologie encore plus moderne et à la création de bons emplois dans le secteur pétrolier et gazier », a ainsi fait valoir Mme McKenna.

Mesures retardées

Du côté des environnementalistes, on salue le plan, mais on regrette que plusieurs dispositions soient retardées par rapport aux promesses initiales du gouvernement fédéral. Selon Environmental Defence, ces délais supplémentaires vont provoquer l’émission de 55 millions de tonnes de GES.

Surtout, en reportant certaines mesures à 2023, le gouvernement prend le risque que le plan ne soit pas entièrement appliqué, puisque, d’ici là, deux élections fédérales auront eu lieu. Et des blocages politiques, ce plan en a déjà subi. En mars 2016, les Etats-Unis de Barack Obama et le Canada avaient annoncé conjointement un plan en la matière. Ce dernier devait s’appliquer d’ici à 2020. Mais l’arrivée au pouvoir de Donald Trump en novembre a retardé les choses. L’absence d’accord, samedi 27 mai, entre les pays présents au G7 sur la question climatique est le dernier exemple en date des blocages possibles.

Retard pour réduire les émissions

Quoi qu’il en soit, la réduction des émissions de méthane est essentielle pour le Canada s’il souhaite atteindre ses objectifs de réduction des émissions de GES. Car le pays a déjà pris du retard par rapport à ses objectifs initiaux. En effet, entre 2005 et 2015, les émissions ont été réduites d’à peine 2,2 %, alors qu’elles devraient être en baisse de 17 % d’ici à 2020 pour espérer atteindre la cible du 30 % en 2030.

Pour réduire davantage ses émissions de GES, le gouvernement a d’ailleurs précisé, le 18 mai, les modalités de sa fameuse taxe carbone qui vise cette fois les émissions de dioxyde de carbone (CO2). Si elle avait déjà annoncé que la taxe s’élèverait à 10 dollars la tonne en 2018 et augmenterait ensuite de 10 dollars par année jusqu’à atteindre 50 dollars en 2022, Ottawa a révélé qu’elle se constituera de deux volets. Le premier concernera les combustibles fossiles (essence, propane, charbon, etc.) et devrait entrer en application au 1er avril 2018. Pour ce qui est de l’essence, la taxe équivaudra à 2,33 centimes le litre d’essence en 2018 et atteindra 11,63 centimes le litre en 2022.

Le second volet visera quant à lui les industries émettrices de CO2. Ottawa établira des normes d’intensité d’émissions. Une entreprise qui dépassera le maximum d’émissions polluantes autorisées par unité de production devra, en quelque sorte, se racheter. Cela s’apparenta à une bourse du carbone puisque les bons élèves pourront échanger leurs crédits d’émissions avec les compagnies plus polluantes.

Pour promouvoir ces mesures, le gouvernement récuse l’appellation de « taxe » et souligne que tout l’argent prélevé sera retourné aux provinces sous une autre forme qui reste encore à déterminer.