Un héros muet, qui visite un monde superbe et mystérieux aux côtés de créatures fantastiques : toutes ressemblances avec d’autres jeux récents ne seraient peut-être pas totalement fortuites. | Grey Box

On reproche rarement à un jeu d’être simplement bon. C’est pourtant le risque qui guette Rime, condamné à être brillant, sinon rien. Le jeu des Madrilènes du studio Tequila Works a depuis son annonce suscité un enthousiasme et des attentes démesurées qui ont parfois mis mal à l’aise même ses créateurs, obligés de tempérer l’enthousiasme de fans convaincus par avance. Trop tard : le mal est fait.

Et de fait, Rime, jeu profondément sympathique sorti, vendredi 26 mai, sur PC, PlayStation 4 et Xbox One (et à venir cet automne sur Switch), n’est pas exempt d’approximations. La faute sans doute à sa tentation permanente de citer trop littéralement ses modèles, forcément indépassables, plutôt que d’exister par lui-même.

Rime d’abord, c’était, dans l’imaginaire de beaucoup, le Zelda de la PlayStation 4, console sur laquelle il devait au départ sortir en exclusivité. C’est vrai qu’on retrouve là aussi un héros adolescent, presque enfantin, mais aussi muet qu’il est déterminé. Le jeu évoque d’ailleurs le très maritime épisode Wind Waker de la célèbre saga de Nintendo, avec ses cieux immaculés, ses plages et son île perdue au milieu de l’océan.

Sauf que Rime n’a rien de l’aventure au long cours que proposent les Zelda : c’est en réalité une expérience plutôt courte (une bonne demi-douzaine d’heures tout de même) et linéaire, qui voit notre avatar explorer quatre environnements successifs et chercher à y résoudre, toujours pacifiquement, un certain nombre d’énigmes débloquant l’accès à la suite des festivités.

RiME - Trailer de lancement | Disponible | PS4

Des énigmes qui, d’ailleurs, n’atteignent que rarement la belle simplicité de celles du supposé modèle. C’est d’ailleurs le seul véritable point faible de Rime : si Zelda sait décliner une poignée d’idées avec un raffinement absurde et une profondeur insoupçonnée, Rime change de pied toutes les cinq minutes, introduisant de nouveaux concepts aussi rapidement qu’il oublie les anciens. Résultat : plutôt que de se sentir intelligent, le joueur se sent, au mieux, chanceux.

Ecrasé par les attentes

En fait, plutôt que de Zelda, Rime s’envisage en réponse européenne au dernier jeu de Fumito Ueda, The Last Guardian. C’est son inspiration la plus évidente : ici aussi, notre jeune héros erre dans les ruines d’un monde qui n’était, de toute façon, pas vraiment le sien, confronté à des technologies qui le dépassent et à des créatures insensées auxquelles il s’attache pourtant. Il y a dans Rime comme dans le jeu Ueda une mélancolie touchante, et un amour des architectures impossibles, colossales qui collent le vertige, en même temps qu’elles chatouillent l’imagination.

Et, enfin, il y a également chez Rime la volonté manifeste d’aller marcher sur les plates-bandes ensablées du studio Thatgamecompany, et notamment de son Journey, dont il convoque longuement l’esprit – ainsi que le foulard rouge qui sert, dans les deux jeux, de tenue au personnage principal.

Le superbe « Rime » fait beaucoup d’efforts pour impressionner le joueur, à défaut parfois de l’émouvoir. | Grey Box

A l’instar de Journey, les différents tableaux de Rime se traversent comme autant d’œuvres d’art. Ses développeurs prouvent qu’ils n’ont pas seulement un goût sûr, mais aussi une sensibilité esthétique impeccable et un talent certain pour la mise en scène. Avec ses tableaux oniriques et ses couleurs pastel, Rime est superbe, et il le sait.

Mais, à l’image de ses énigmes un peu foutraques, cette succession d’environnements délicieux tombe parfois un peu à plat. Fuite en avant plus que véritable aventure, Rime est un jeu qui voudrait que l’on s’émerveille de sa réelle technique et esthétique, et qui ne manque jamais de l’appuyer à grands coups de mouvement de caméra dramatiques, mais qui, faute de prendre le temps d’installer une tension et un univers, s’impressionne surtout lui-même.

La preuve qu’une somme d’influences ne fait pas un jeu. Ou en tout cas, pas un grand jeu. Il manque à Rime une alchimie, un déclic, une cohérence pour que du beau émerge la poésie de Journey, la mélancolie de The Last Guardian, le souffle épique de Zelda.

En définitif, Rime donne l’impression que, faute d’avoir réussi à avoir une grande idée, il jongle avec plein de petites. Une vraie bonne idée, il y en a pourtant une, qu’il réserve pour son épilogue : à ce moment-là, et seulement là, l’émotion point, poussant à revisiter mentalement un jeu qui, jusqu’ici, n’était qu’une (superbe) coquille vide. Un supplément d’âme véritable mais qui arrive, malheureusement, un peu tard pour permettre à Rime d’être autre chose qu’un simple bon jeu.

L’avis de Pixels

On a aimé :

  • Esthétiquement superbe ;
  • Un final touchant ;
  • Un jeu qui se traverse sans déplaisir…

On n’a pas aimé :

  • … mais sans grand émerveillement non plus.

C’est plutôt pour vous si

  • Vous avez très chaud et un jeu rafraîchissant vous ferait du bien ;
  • Vous avez besoin de vacances et un peu de soleil vous sauverait la vie ;
  • Vous êtes un Breton qui a le mal du pays et qui saura apprécier le pluvieux quatrième niveau à sa juste valeur.

Ce n’est plutôt pas pour vous si…

  • Vous n’avez pas encore joué à Journey ou à The Last Guardian : préférez l’original à la copie.

La note de Pixels

1 tien/2 tu l’auras