Dix ans après l’ouverture à la concurrence du marché de l’énergie pour les particuliers, en juillet 2007, les consommateurs restent mal informés de la nouvelle donne et sont parfois victimes du démarchage abusif de la part de fournisseurs d’électricité et de gaz en quête de nouveaux clients. C’est l’une des conclusions du rapport annuel du Médiateur national de l’énergie, publié mardi 30 mai.

Le médiateur, Jean Gaubert, plaide pour « la préservation des tarifs réglementés de vente, auxquels les Français sont attachés, quitte à ce qu’ils soient distribués par tous les fournisseurs ». Actuellement, seuls EDF (pour l’électricité) et Engie (pour le gaz) peuvent le proposer. Supprimés pour les clients industriels et professionnels, ces tarifs fixés par le gouvernement et la Commission de régulation de l’énergie jouent, selon lui, « un rôle de bouclier régulateur face aux variations de prix des offres de marché ».

Le téléphone, le canal le plus utilisé

Depuis dix ans, ils cohabitent avec des offres au prix de marché proposées par les deux anciens monopoles (EDF et Engie) et de nombreux fournisseurs alternatifs, comme Direct Energie, Lampiris, ENI ou Enercoop. Et c’est parfois à une véritable guerre commerciale qu’ils se livrent pour gonfler leur portefeuille de clients.

Si les consommateurs qui ont changé de fournisseur ont été motivés à 73 % par le prix, note le rapport, 18 % ont effectué ce changement après un démarchage (contre 11 % en 2015). Selon le Baromètre Energie-Info, mis en place par le Médiateur, « 39 % des personnes interrogées déclarent avoir été contactées pour souscrire une offre de gaz et/ou d’électricité ».

Le téléphone reste le canal le plus utilisé (61 %), mais les fournisseurs recourent aussi au démarchage à domicile (26 %) et au courrier (23 %). « Le service Energie-Info est régulièrement appelé par des consommateurs dénonçant des pratiques commerciales agressives, qui ont connu une nouvelle poussée en 2016 », indique Caroline Keller, chef du service information et communication.

Les personnes âgées premières victimes

C’est, par exemple, un démarcheur d’ENI qui se dit mandaté par le distributeur de gaz GRDF pour effectuer un relevé de compteur puis propose un contrat. Ou un commercial soi-disant venu faire une vérification des compteurs nouvellement posés par EDF et qui assure que la personne paiera davantage si cette personne s’abonne sur le Net. D’autres annoncent la fin prochaine des tarifs réglementés ou une hausse imminente de 30 % des tarifs. Certains disent que EDF et Engie sont désormais une seule et même entreprise. Une cliente raconte même qu’un commercial lui a demandé de signer une attestation de visite, qui était en fait un contrat.

En 2016, le médiateur a recensé 1 140 litiges liés aux pratiques commerciales, dont près d’un sur cinq portait sur des souscriptions contestées. Une situation d’autant plus grave que ce sont des personnes modestes ou âgées qui en sont souvent victimes. Et que les consommateurs ignorent souvent qu’ils peuvent changer à nouveau de fournisseur.

Près de la moitié de ces litiges concerne Engie, suivi d’ENI et de Direct Energie, qui ne fait plus de démarchage à domicile mais reste actif par téléphone et Internet. Tous ces fournisseurs affirment donner des consignes très strictes à leurs sociétés sous-traitantes, mais des commerciaux sont rémunérés au nombre de contrats signés.

Opacité des relations entre fournisseurs et comparateurs de prix

« Nous déplorons les écarts par rapport aux règles que nous avons fixés, indique une porte-parole d’Engie. Ils sont fort heureusement rares et corrigés systématiquement dans les meilleurs délais, à la fois auprès du client (annulation de la vente le cas échéant) et du prestataire (rappel des règles, retrait de la carte d’accréditation du commercial, voire arrêt du contrat avec le prestataire concerné). » L’ex-GDF Suez assure qu’il fait « des efforts constants pour suivre les recommandations émises par le médiateur » et qu’il se situe « en tête des fournisseurs dans ce suivi. »

Le Médiateur regrette que la loi ne lui permette pas d’aller au-delà de ce droit d’alerte quand il y a abus, ces litiges relevant de la compétence de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Il pointe aussi l’opacité des relations entre fournisseurs et comparateurs de prix (Jechange.fr, Selectra…) et réclame plus de transparence dans ce domaine.

Au total, le nombre de litiges reçus par l’autorité indépendante est resté stable en 2016 (12 260) par rapport à 2015 et la moitié a porté sur des contestations des niveaux de consommations facturés. Le médiateur a fait 3 183 recommandations, qui ont été mises en œuvre « dans plus de 80 % des cas » par les fournisseurs d’électricité et de gaz opérateurs, note-t-il dans son bilan.