Paul-Henri Mathieu après sa défaite lundi 29 mai. | Pascal Rossignol / REUTERS

A Roland-Garros, s’écrivent souvent de belles histoires. Des victoires avec panache. Des exploits d’anonymes. Des résurrections quasi miraculeuses. Et puis, parfois, la « magie de Roland » n’opère plus. Ce devait pourtant être une fête d’adieux. Un au revoir joyeux. Lundi 29 mai, Paul-Henri Mathieu (PHM), 35 ans, disputait son dernier match en simple à Roland-Garros. Sa quinzième participation, arrachée au bout de l’enfer des qualifications. Puisque la Fédération française de tennis ne l’avait pas invité dans le grand tableau, Mathieu, 120mondial, s’y est hissé tout seul, passant un tour, puis deux, puis trois, porté tout au long de la semaine par le public. Au bout de lui-même certes, mais il avait réussi son pari.

Le tirage lui avait réservé un gros client, le Belge David Goffin, 12e au classement. Dès lors, il savait que ce premier tour serait sans doute aussi le dernier. Pour l’occasion, les organisateurs n’ont même pas fait semblant de se racheter. Son parcours dans le tournoi, où il a livré quelques-uns des plus beaux matchs de sa carrière (Agassi en 2002, Nadal en 2006), aurait mérité décor à la hauteur. Au lieu de quoi, le Français (ex-n°12 mondial) fut relégué sur le court numéro un. Une arène à l’ambiance feutrée, à l’ombre du Philippe-Chatrier et du Suzanne-Lenglen. Quand PHM y fit son entrée, lundi, à l’heure du déjeuner, les tribunes étaient encore largement clairsemées.

Goffin sans pitié

Quelques échanges suffirent à comprendre que son calvaire n’allait pas s’éterniser. Goffin fut sans pitié. Et « Paulo » vit les jeux défiler. Ce n’était pas David contre Goliath mais David contre un automate. Le Français avait les jambes engourdies et le corps endolori. Conscient que c’était peine perdue, il ne chercha même pas à s’encourager. Dans les tribunes, les spectateurs, revenus de leur pause déjeuner, restèrent excessivement polis. Les « Allez Paulo » furent timides durant la partie. Aucun ancien joueur français n’était présent. On reconnut en revanche le DJ Bob Sinclar, aux côtés des proches de Mathieu. Et le chanteur Mathias Malzieu, du groupe Dionysos, autrefois classé 15/5.

Une ambiance en somme réfrigérante, contrairement aux températures. Les seuls rebondissements du match furent liés à des interventions médicales : une équipe de secouristes venue en aide à une spectatrice victime d’un malaise ; le kiné pour tenter de soulager la cuisse droite de Mathieu. Une clameur résonna soudain du Central voisin, et l’on comprit à la voix du speaker que Novak Djokovic avait réussi son entrée dans le tournoi.

L’Alsacien, lui, était dos au mur, mené deux sets à zéro (2-6, 2-6). Le soleil refit son apparition en même temps que les journalistes ayant déserté le Lenglen, théâtre du match Nadal-Paire, pour assister aux ultimes échanges. A 5-2 dans le troisième set, le public se réveilla enfin et les « Allez Paulo » se firent cette fois nombreux et sonores. Mais il était trop tard. Un ace de Goffin signa le clap de fin. PHM rangea sa raquette dans son sac et vint au milieu du court saluer une dernière fois la foule, qui lui réserva une standing ovation.

Aucune cérémonie ne fut organisée comme il est de coutume quand un joueur français fait ses adieux au tournoi. On apprit par la suite que « Paulo » avait préféré qu’il en soit ainsi : « Je suis allé voir Guy [Forget, le directeur du tournoi] en lui disant que si jamais ils avaient prévu quelque chose, je préférais qu’il n’y ait rien, parce que je ne le sentais pas… »

« Anniversaire raté »

En conférence de presse, Paul-Henri Mathieu, visage d’éternel adolescent et voix posée, raconta combien ce tournoi a été « le moteur de [sa] vie depuis l’âge de 6 ans » :

« Mon rêve, c’était de pouvoir jouer ici, de pouvoir peut-être gagner un jour ici... Dès que je finissais une édition, le lendemain, je n’avais qu’une idée en tête, c’était revenir l’année d’après. Ça me tenait énormément à cœur de disputer une dernière fois Roland. Je ne m’imaginais pas du tout finir en qualifs... »

Après son accesssion au tournoi principal, PHM avait promis de régler ses comptes. « Aujourd’hui, je pense que ce n’est pas le moment opportun, a-t-il insisté après sa défaite, alors qu’il doit encore disputer le double messieurs. Je n’ai pas envie de lancer une polémique pendant la quinzaine, j’ai trop de respect pour ce tournoi. »

Pour le chanteur Mathias Malzieu, ce match, « c’est comme un anniversaire raté. On t’organise une grande fête, il y a tous tes meilleurs amis, ta famille... et tu es déçu au moment d’ouvrir tes cadeaux ». Manière de dire que Paul-Henri Mathieu avait sans doute imaginé sortie plus réussie.

A Roland-Garros, s’écrivent parfois de cruelles histoires.