Le concours commun des IEP a rassemblé cette année plus de 9 000 candidats. (photo d’illustration) | Marcelo del Pozo / REUTERS

Plus de 9 000 candidats ont présenté, samedi 20 mai, le concours commun de sept Instituts d’études politiques (Aix-en-Provence, Lille, Lyon, Rennes, Saint-Germain-en-Laye, Strasbourg et Toulouse), dans des centres d’examens en France, mais aussi dans les DOM-TOM ainsi que dans cinq lycées français à l’étranger. Et pour plusieurs dizaines d’entre eux, qui ont passé les épreuves à Cergy, en région parisienne, au stress du concours est venu s’ajouter, bien après le début d’une des épreuves, l’annonce d’une erreur dans la distribution des sujets d’anglais. Selon des témoignages recueillis par Le Monde, dans deux amphis au moins, une partie des candidats planchaient sur Donald Trump, au lieu du Brexit. « J’avais terminé les deux premiers exercices d’anglais, quand des organisateurs sont entrés et nous ont distribué un nouveau sujet », raconte Simon*.

Problème de coordination

Dans l’amphi d’Hélène, l’erreur a été signalée un peu plus tôt, entraînant une grande confusion. « On m’a demandé de faire passer mon sujet erroné en bout de table », raconte Hélène*, « sans m’en donner de nouveau, sans rien nous expliquer ». Plusieurs dizaines de minutes s’écoulent avant que les organisateurs distribuent les nouveaux sujets aux candidats concernés, « et au départ il n’y avait même pas assez de photocopies », décrit la candidate, « dans l’amphithéâtre, les gens discutaient entre eux, interpellaient les surveillants », loin de l’atmosphère quasi monacale des salles de concours.

« Certains avaient obtenu seulement vingt minutes en plus, d’autres presque une heure »

Plusieurs candidats ont également déploré le manque de coordination des organisateurs : la durée supplémentaire accordée aux candidats n’a pas été la même dans tous les amphithéâtres, souligne Isabelle*, mère d’une candidate. « Dans la salle d’examen de ma fille, on a commencé par leur dire qu’ils auraient vingt minutes supplémentaires. Ils ont négocié et obtenu dix minutes de plus, puis encore dix », relate-t-elle. « Quand ma fille est allée discuter avec des candidats qui étaient dans d’autres amphithéâtres, elle s’est rendu compte que certains avaient obtenu seulement vingt minutes en plus, d’autres presque une heure. »

Plusieurs parents ont tenté de se regrouper pour contacter ensemble l’organisation du concours commun, mais il s’est avéré « difficile de motiver les gens », déplore Isabelle. « Les candidats redoutent de se plaindre et d’être reconnus, de peur de compromettre leurs chances d’avoir le concours », analyse-t-elle, qui a fait cette démarche à titre individuel. Même regret pour Hélène, candidate qui a pourtant vu passer « plusieurs posts de protestation sur des groupes Facebook dédiés à la préparation des concours » mais « aucune action commune ». Contacté, l’IEP de Rennes, responsable de l’organisation du concours commun, se refuse à tout commentaire sur l’origine de cette erreur et sur les mesures qui pourraient être prises en faveur des candidats lésés.

Rupture d’égalité

L’iniquité constatée agace d’autant plus que les disparités de temps supplémentaires accordés ont été accentuées par le format de l’épreuve concernée, qui rassemble langue vivante et histoire. Les deux sujets sont distribués en même temps, les candidats ont quatre heures trente pour composer et sont libres de commencer par l’une ou l’autre des matières, voire de faire des allers-retours entre les deux sujets. C’est le cas de Simon, qui a rapidement rédigé le plan de sa dissertation d’histoire, puis terminé les deux premiers exercices d’anglais quand le sujet de cette matière a été changé. « On nous a finalement accordé trente minutes supplémentaires, plutôt insuffisant, alors qu’on nous a distribué les bons sujets presque une heure après ! », s’indigne le lycéen. Conséquence, il n’a « pas eu le temps de finir son essai d’anglais » du nouveau sujet, et n’a pas pu « glisser son brouillon dans sa copie » conformément au règlement du concours.

L’erreur a donné un avantage à ceux qui avaient commencé par l’histoire, qui ont aussi bénéficié du temps supplémentaire

L’erreur a donc fortement pénalisé les candidats ayant débuté par l’épreuve d’anglais, mais donné un avantage à ceux qui avaient commencé par l’histoire, qui ont eux aussi bénéficié du temps supplémentaire accordé à la fin de l’épreuve. Depuis le concours, Hélène ne décolère pas, sa voisine qui avait commencé par l’histoire a eu « une heure de plus pour rédiger » et « elle est bien restée jusqu’au bout ». Le sentiment d’une profonde injustice pour cette élève de terminale qui prépare le concours « depuis presque un an ». Et une inégalité qui dépasse le centre de concours de Cergy, touche les milliers de candidats des autres centres d’examen, qui n’ont eu que le temps réglementaire pour venir à bout de ces deux épreuves.

Les lycéens et parents contactés se disent « très déçus » de l’organisation du concours, « surtout pour des études aussi prestigieuses et renommées », souligne Simon. Hélène regrette aussi qu’il n’y ait eu « aucune excuse officielle ». Quant à Isabelle, elle précise que sa fille est « dégoûtée » et parle de « faire un service civique l’année prochaine plutôt que de commencer des études supérieures ».

*Les prénoms ont été modifiés