Manifestation de l’opposition au président vénézuélien, Nicolas Maduro, mardi 30 mai à Caracas. | FEDERICO PARRA / AFP

Des universitaires et des intellectuels des Amériques et d’Europe ont lancé un « appel international urgent pour stopper la montée de la violence au Venezuela », diffusé sur les réseaux sociaux et sur plusieurs sites. « La violence politique et sociale a déjà entraîné plus de cinquante morts, des centaines de blessés et de détenus renvoyés devant des tribunaux militaires », déplore l’appel.

Le conflit vénézuélien a lieu « dans un contexte de polarisation politique de plus en plus virulente et de désintégration du tissu social ». Cela dit, « le principal responsable de la situation au Venezuela – en tant que garant des droits fondamentaux – est l’Etat, qui se trouve entre les mains des autorités gouvernementales actuelles ».

« Aveuglement idéologique »

Selon les signataires, ce « gouvernement est de plus en plus délégitimé, prenant un fort caractère autoritaire ». Le refus de reconnaître l’Assemblée nationale contrôlée par l’opposition, le rejet du référendum révocatoire inscrit dans la Constitution, le report des élections régionales prévues en 2016 puis « l’auto-coup d’Etat tenté par l’exécutif en avril », qui a suscité le début des protestations de la rue, sont autant d’étapes de cette évolution.

Le texte critique « l’appel à une Assemblée constituante, prononcé de manière clairement anticonstitutionnelle, qui, loin de résoudre la crise, l’alimente et l’intensifie ». Et de préciser, à propos de cette décision du président Maduro : « Cette initiative peut être perçue comme une tentative de consolidation d’un régime totalitaire. »

Dans ces circonstances, défendre le gouvernement vénézuélien, comme le font certains secteurs de la gauche latino-américaine ou européenne, relève « non seulement d’un aveuglement idéologique néfaste, mais il contribue malheureusement à la consolidation d’un régime autoritaire ».

Mais le texte critique aussi les « secteurs extrémistes dans l’opposition (qui est très large et hétérogène), qui recherchent également une issue violente » et cherchent à « exterminer, une fois pour toutes, l’imaginaire populaire associé à des idées aussi dangereuses que l’organisation populaire [et] la démocratie participative (...) ». Ces groupes d’extrême droite ont compté sur le soutien politique et financier des Etats-Unis.

Des signataires représentatifs de la « gauche non alignée »

Les signataires expriment leur « double engagement » envers la démocratie et envers les droits de l’homme. Ils appellent « à la formation urgente d’un Comité international pour la paix au Venezuela, afin de mettre fin à la montée de la violence institutionnelle et de la violence de rue ».

Cet appel international, qui a déjà recueilli de nombreuses signatures en Amérique latine, en Europe et aux Etats-Unis, a été lancé à l’initiative d’universitaires sud-américains, qui répondaient à une conférence de presse tenue à Caracas, mercredi 24 mai, par des personnalités vénézuéliennes en rupture avec le chavisme et par quelques opposants. Cette conférence de presse avait été organisée par d’anciens ministres du président Hugo Chavez (1999-2013), Oly Millan, Hector Navarro, Ana Elisa Osorio et Gustavo Marquez Marin, ainsi que les dirigeants de Marée socialiste, un regroupement de chavistes dissidents, comme Nicmer Evans.

L’appel international a été signé notamment par des intellectuels argentins (comme les sociologues Maristella Svampa, Claudia Hilb, l’historien Carlos Altamirano, l’écrivaine et journaliste Beatriz Sarlo), brésiliens (Chico Whitaker, cofondateur du Forum social mondial), péruviens (le sociologue Anibal Quijano), cubains (l’historien Rafael Rojas, le politologue Armando Chaguaceda), portugais (le sociologue Boaventura de Sousa Santos), français (le député des Français de l’étranger Sergio Coronado, les sociologues Pierre Salama, Gilles Bataillon, François Dubet…), entre autres.

La liste des signatures est représentative de la nouvelle gauche altermondialiste ou écologique – la « gauche critique », comme la définit Maristella Svampa –, non alignée avec les partis traditionnels.