Pour les Nuits, Titi Robin a créé « Rebel Diwana », mise en musique de ses propres vers. | Mathias Benguigui

Depuis une trentaine d’années, il enchante et fait du bien. ­Ciseleur de cordes (guitare acoustique, buzuki, oud), compositeur lanceur de ponts, créateur ou passeur d’histoires musicales reliant Orient, Méditerranée, Inde et monde ­gitan, il invente des univers ignorant les frontières, offre, sans y penser, des échappées belles salutaires pour oublier, un temps, la folle confusion du monde.

Fêtes chaleureuses

L’histoire publique avec la musique de Thierry, dit « Titi » Robin, né à Rochefort-sur-Loire (Maine-et-Loire) en 1957, a sans doute commencé là, au milieu des fêtes chaleureuses de copains marocains et gitans. L’histoire intime, elle, s’est scellée ce jour où il a été happé par le raffinement poétique du joueur d’oud irakien Mounir Bachir (1930-1997), et certainement aussi quand il a dé­couvert le chant brûlant et chavirant du ­cantaor Camaron de la Isla (1950-1992).

Depuis trente ans et 20 albums, Titi Robin brode ses histoires au fil acoustique. Aujourd’hui, il fait le choix d’une autre direction, d’un pas de côté : il empoigne une guitare électrique et amène dans son monde basse, clavier et batterie. Surprenante, audacieuse, quasi radicale, sa nouvelle proposition, Rebel Diwana, créée pour les Nuits de Fourvière, brise les ­clichés souvent entendus sur ses choix ­esthétiques et son expression artistique.

« Je peux me permettre d’être iconoclaste et de prendre des risques par rapport à la forme, explique-t-il, pour essayer de donner un grand coup de pied dans tous les malentendus qui persistent. » Il en a ras le bol, Titi Robin, des stéréotypes, des a priori, des questions oiseuses quant aux pourquoi et comment en est-il venu à « ces musiques-là », les orientales, les ­gitanes, les méditerranéennes, tous les affluents de son inspiration, de son imaginaire musical et poétique.

Verve poétique

Dans le village de l’Anjou où il a grandi, puis au cœur du quartier d’Angers où il habitait, il a côtoyé des communautés ­gitanes et maghrébines, il a été invité à jouer dans leurs fêtes, leurs mariages. « Il était cohérent que mon vocabulaire en porte les traces, souligne-t-il. Les jeunes de mon âge qui jouaient du rock ou du blues côtoyaient-ils, eux, des Américains ou des Anglais ? En fait, je suis l’enfant d’une ­culture souterraine. Encore aujourd’hui, après une trentaine d’années de carrière où je m’exprime sur scène et par disques, elle n’est quasiment pas reconnue, ni même clairement identifiée, répertoriée. Au mieux, elle fait partie des “musiques du monde”, ce qui ne veut rien dire, et on ­continue à me demander pourquoi je fais cette musique, comme si j’avais un rapport exotique avec elle. C’est inquiétant. »

« Je bouge, donc je suis. » Titi Robin

Dans Rebel Diwana, les « exotiques », ce sont le batteur, le bassiste et le clavier. Le challenge était « d’utiliser la puissance ­sonique de leurs instruments, d’essayer d’en réinventer le jeu en restant fidèle à mon langage esthétique. Je voulais retravailler complètement la logique rythmique à partir de la manière dont moi je respire, je sens le rythme », explique Titi Robin.

Après L’Ombre d’une source, un projet et un album (paru en 2014), dans lequel il ­révélait sa verve poétique, il met à nouveau en musique ses propres vers dans ­Rebel Diwana, dont l’un cite le nom du poète soufi Mohamed Iqbal (1877-1938), père spirituel du Pakistan (créé après sa mort). Une de ses poésies, en farsi, dit : « La rive s’interroge sur qui elle est et la vague lui répond, moi je sais qui je suis, c’est le mouvement qui me définit. » « Les poètes ont une parole porteuse d’enseignement. L’identité n’est jamais figée. Je bouge, donc je suis. Ce mouvement, c’est la réalité de la vie », dit Titi Robin. La conclusion résonne comme une explication quant au sens de Rebel Diwana dans son parcours.

« Rebel Diwana », de Titi Robin (guitares, voix, direction artistique), avec Shuheb Hasan (chant), Nicholas Vella (claviers), Murad Ali Khan (sarangi), Natallino Neto (basse), Arthur Alard (batterie), Guillaume Dubois (son). Le 5 juillet, à 21 h 30, à l’Odéon de Fourvière. Plein tarif : 24 € ; jeunes : 19 € ; pass : 18 €.

Cet article est extrait d’un supplément réalisé en partenariat avec Les Nuits de Fourvière.