« Mockumentary of a Contemporary Saviour », de Wim Vandekeybus. | Dany Willems

Réputé pour sa danse fulgurante depuis les années 1980, le chorégraphe et metteur en scène belge Wim Vandekeybus aime les thèmes périlleux, voire apocalyptiques. Dans sa pièce Mockumentary of a Contemporary Saviour, créée en avril au KVS de Bruxelles et présentée au CentQuatre, il invente un scénario détonant : « Le monde extérieur est devenu invivable et certaines personnes sont sauvées par un nouveau Messie qui les réunit dans un espace clos, raconte-t-il. Je veux me confronter aux valeurs humaines fondamentales à travers sept personnages de fiction. »

Et quels spécimens ! Un croyant aveugle (le superbe interprète marocain Saïd Gharbi), un psychologue de 130 kilos (l’acteur Daniel Copeland), une femme russe ayant dû se marier plusieurs fois pour survivre (la danseuse Maria Kolegova), un soldat italien poète (Flavio D’Andrea)… Mais la force de la pièce tient à l’apport de l’Ircam (Institut de recherche et coordination acoustique/musique) qui a mis son armada technologique au service de Vandekeybus.

Inspiré du film « THX 1138 » de George Lucas

Epaulé par le créateur sonore Manuel Poletti, le chorégraphe, inspiré par le cinéma – ici, le film THX 1138, de George Lucas –, a concrétisé tous ses désirs. « Wim sait exactement ce qu’il veut, qu’il s’agisse de la lumière, de l’ambiance, explique Poletti. Dès qu’il avait une idée, je tentais de lui apporter la solution le plus vite possible. » Sur le plateau, chaque danseur est équipé de micros pour un mixage en direct des voix d’une rare sophistication. Un effet de foule surgit soudain. Une réverbération plonge le plateau dans un espace « cathédrale ». Le soldat-poète italien « tue » une des héroïnes avec des sons de synthèse SF des années 1950. La danseuse experte en arts martiaux lance ses épées dans une explosion métallique. Tout est intensifié, énorme.

Quant au théâtre lui-même, il est habillé d’une trentaine de haut-parleurs qui jonglent avec les multiples couches musicales. Comme au cinéma (ou presque) mais avec le frisson du live, cette équipée débordante s’annonce comme un vortex sonore et visuel jamais vu. « Le public a parfois très peur », glisse Vandekeybus dans un rire gourmand.

« Mockumentary of a Contemporary Saviour », de Wim Vandekeybus. Festival Manifeste-Ircam. Le CentQuatre, 5, rue Curial, Paris 19e. Du 1er au 4 juin. www.104.fr