A Kaboul, sur les lieux de l’attentat au camion piégé qui a tué au moins 90 personnes et en a blessé 400 autres, le 31 mai. | SHAH MARAI / AFP

Editorial du « Monde ». On ne compte plus les années de guerre et de massacres en Afghanistan. Le pays est synonyme de martyr depuis tant d’années ! L’insurrection contre l’occupation soviétique en 1979 marque le début d’une série d’affrontements quasi ininterrompus à ce jour. Mais, pour les habitants de Kaboul, l’attaque au camion piégé du mercredi matin 31 mai restera comme l’un des moments les plus abominables que la capitale ait connu depuis longtemps.

Au moins 90 personnes ont été tuées et quelque 400 autres blessées. Pour l’essentiel, on sait qui elles sont : des Afghans qui, à 08 h 20, se rendaient au travail à l’entrée de la « zone verte », ce quartier de la ville abritant le palais présidentiel, le gouvernement et nombre d’ambassades étrangères. Le camion a explosé alors qu’il venait d’être arrêté à un barrage de l’armée. L’explosion a creusé un cratère de plus de 4 mètres de profondeur. Elle a provoqué l’écroulement de plusieurs immeubles et projeté du verre à plus d’un kilomètre à la ronde.

Les talibans gagnent du terrain

On ne sait pas, ou pas encore, qui sont les auteurs de l’attentat. Les talibans, qui mènent une lutte armée sans relâche pour renverser le gouvernement, ont démenti être à l’origine de ce bain de sang. Mais ils sont coutumiers de ce genre de dénégation. Ils en usent à chaque fois que l’une de leurs opérations terroristes visant une cible politique ou militaire fait trop de victimes dans la population civile.

Le printemps est le moment où, chaque année, ils repartent à l’offensive. Depuis le départ de l’essentiel des troupes étrangères du pays en 2014 – plus de 120 000 hommes des forces de l’OTAN –, les talibans gagnent du terrain. Ils contrôleraient aujourd’hui presque le tiers de la population du pays. Accusés d’avoir donné refuge à Al-Qaida, ces adeptes d’une version rétrograde et barbare de l’islam, ont été chassés du pouvoir en 2001 – et veulent y revenir par la force.

Donald Trump ­hésite et, comme Barack Obama, se demande s’il existe une solution militaire en Afghanistan

Les talibans bénéficient toujours de leurs bases arrière au Pakistan et, vraisemblablement, du soutien d’une fraction des services de renseignement pakistanais. Mais, curieusement, personne – pas plus la Chine que la Russie, les Etats-Unis ou les Européens – ne songe à faire sérieusement ­pression sur Islamabad. Pas même au lendemain d’un crime de masse comme celui de mercredi.

Une présence djihadiste renforcée

L’insécurité générale a aussi permis un renforcement de la présence djihadiste dans le pays. Outre Al-Qaida, des cellules de l’organisation Etat islamique (EI) s’y sont installées. Au fil des défaites de l’EI en Irak et en Syrie, le territoire de l’Afghanistan pourrait, comme avant 2001, de nouveau servir de refuge et de base de repli aux ­djihadistes du monde entier.

Que faire ? Les Etats-Unis ne veulent pas quitter le pays sur une défaite, laisser les ­talibans s’emparer de quelques grandes villes et menacer Kaboul. L’armée américaine réclame des renforts pour les quelque 10 000 hommes dont elle dispose encore sur place. Le président Donald Trump ­hésite et, comme son prédécesseur Barack Obama, il pose une bonne question : y a-t-il une solution militaire ?

Rien n’est moins sûr. Chine, Inde, Pakistan, Russie, Etats-Unis, Union européenne, sans parler de l’Iran et de l’Arabie saoudite : l’Afghanistan a de nombreux parrains. Les uns s’y intéressent pour des raisons stratégiques, les autres pour des raisons économiques, certains pour les deux à la fois. Ils sont collectivement capables de pressions. Ils doivent agir. Il ne suffit pas de déplorer les morts après chaque attentat.