Finalement, l’Algérie accepte d’accueillir « à titre humanitaire » les Syriens bloqués depuis le 17 avril à la frontière algéro-marocaine, a annoncé, jeudi 1er juin, le porte-parole du ministère des affaires étrangères, Abdelaziz Benali Cherif. Les autorités algériennes assurent qu’elles prendront en charge l’hébergement et les soins nécessaires à ces Syriens et qu’elles leur permettront, « si tel est leur souhait, de rejoindre d’autres membres de leurs familles, dans le cadre d’un regroupement familial dans d’autres pays ».

Depuis six semaines, une cinquantaine de personnes de nationalité syrienne, dont au moins deux femmes enceintes et des enfants, étaient coincées dans une zone désertique entre la région algérienne de Béchar et celle marocaine de Figuig, dans des conditions précaires. « Ils dorment à la belle étoile et sont dans l’incapacité de demander l’asile », dénonçait l’organisation Human Rights Watch dans un communiqué le 5 mai. Des associations dont la Ligue algérienne des droits de l’homme et l’Association marocaine des droits humains critiquaient l’interdiction faite aux habitants de la ville de Figuig d’apporter de l’aide, notamment médicale, aux migrants.

Le 22 avril, l’ambassadeur d’Algérie à Rabat était convoqué par les autorités marocaines. Le Maroc dénonçait le fait qu’Alger n’ait pas arrêté ces migrants plus au sud sur son territoire, et évoque des pratiques qui « n’ont pour objectif que de susciter un effet d’appel et générer un flux migratoire massif et incontrôlable vers le Maroc ». Le lendemain, Alger rétorque qu’il s’agit « d’allégations mensongères ». Les deux pays s’accusent alors mutuellement d’avoir expulsé délibérément ces familles syriennes vers le pays voisin. De leur côté, sur les réseaux sociaux, des militants marocains en contact avec ces réfugiés décrivent des conditions de vie extrêmement précaires : des tentes de fortune, des attaques de serpents et de scorpions et la chaleur qui frappe cette région au mois de mai.

Six semaines de controverses diplomatiques

Mercredi, le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) a publié un communiqué demandant aux deux pays de permettre « un passage immédiat et sécurisé » pour les « quarante et un réfugiés vulnérables », estimant que, pour une femme enceinte et son enfant à naître, il s’agissait d’une « question de vie ou de mort ».

Depuis plusieurs années, des Syriens traversent le Sahara algérien vers la ville de Béchar, pour traverser ensuite la frontière avec le Maroc et tenter de rallier l’Europe. En 2014, plusieurs familles s’étaient retrouvées bloquées à la frontière, mais à Oujda, au nord. « Il arrive régulièrement que des migrants syriens soit expulsés par un pays ou l’autre de l’autre côté de la frontière, mais un tel blocage, on ne l’avait jamais vu », estime un salarié d’une association qui travaille avec les migrants.

Des militants algériens et marocains qui ont publié plusieurs communiqués pour demander aux autorités d’agir se réjouissent de la décision. « Il fallait pousser les autorités des deux pays à ne plus bloquer de Syriens dans cette zone tampon, sans accès à l’aide, à la nourriture, aux soins », résume Fouad Hassan, syndicaliste, qui estime que plusieurs familles bloquées à Figuig ont réussi malgré tout à quitter la frontière et à entrer au Maroc avant l’annonce de la décision algérienne. « Au moins, ils ont quitté cet enfer. » Un acteur de l’accueil des migrants en Algérie est dubitatif : « Ces personnes ne cherchent pas à rester en Algérie. Elles veulent aller au Maroc. Lesquelles vont accepter de rester ici avec un statut de réfugié qui ne permet pas de travailler ? » Un militant algérien résume : « La diplomatie algérienne marque un beau coup, à peu de frais. »