C’est officiel : le Mozambique a franchi, jeudi 1er juin, l’étape fondamentale qui doit transformer ce pays pauvre en futur « Qatar africain ». Lors d’une cérémonie organisée dans l’hôtel le plus luxueux de la capitale Maputo, la major italienne ENI et ses partenaires ont signé les contrats officialisant le premier projet de production de gaz naturel liquéfié (GNL), depuis la découverte d’immenses réserves dans le nord du pays en 2010. « Les Mozambicains viennent de témoigner du lancement d’un projet structurant pour notre économie qui, de manière certaine, va bouleverser nos vies », s’est enthousiasmé le président Filipe Nyusi, devant un parterre d’hommes d’affaires et de diplomates.

« Aujourd’hui est un grand jour, on lance le premier de nos projets, on brise la glace », s’est félicité le PDG d’ENI, Claudio Descalzi, dans un anglais teinté d’un fort accent italien. Le montant colossal de l’investissement, de 8 milliards de dollars (7,1 milliards d’euros), soit plus de la moitié du PIB mozambicain, n’est qu’un « apéritif », a-t-il souligné. Avec 460 milliards de mètres cubes de gaz, le champ gazier de Coral Sud ne représente que 10 % des réserves du bassin du Rovuma (nord). D’autres projets, plus conséquents, doivent être lancés d’ici à fin 2018, pour permettre au Mozambique de devenir le premier producteur d’Afrique subsaharienne à l’horizon 2030.

Très attendue et maintes fois repoussée, cette décision finale d’investissement arrive comme un soulagement pour le gouvernement mozambicain, empêtré dans un scandale de dettes occultes. Depuis que le FMI et les bailleurs de fonds ont suspendu leur aide budgétaire en avril 2016, Maputo fait face à la plus grave crise financière de son histoire. En défaut de paiement depuis janvier, le pays table sur sa future rente gazière pour convaincre ses créanciers de restructurer sa dette.

Technologie flottante

Pas moins de quinze banques internationales ont néanmoins accepté de participer au financement du projet, dans un pays dépourvu d’infrastructures et d’expérience dans le gaz. Ce montage financier complexe, couplé à la chute du cours des hydrocarbures, a d’autant retardé le lancement, originellement prévu pour fin 2015. « Nous avons dû prendre un ensemble de mesures qui ont consisté à renoncer aux avantages économiques immédiats, afin de garantir la viabilité et la soutenabilité du projet », a admis le président Nyusi.

Ainsi, le gaz sera directement extrait et liquéfié en offshore. L’intégralité de la production a été prévendue au groupe britannique BP, et sera destinée aux marchés asiatiques. C’est le Français Technip, à la tête d’un consortium composé du sud-coréen Samsung et du japonais JGC, qui a remporté le contrat d’ingénierie et de construction de l’unité flottante de gaz liquéfié d’une capacité de production de 3,4 millions de tonnes par an. Construite en Corée du Sud puis acheminée au Mozambique, celle-ci sera ancrée par une profondeur d’eau de 2 000 mètres, à 50 km au large des côtes, et reliée à six puits sous-marins.

Le choix d’une technologie flottante, au détriment d’un développement terrestre qui favoriserait les entreprises locales, est destiné à avancer plus vite. « Rien qu’avec Coral Sud, le gouvernement va récupérer 16 milliards de dollars sur vingt-cinq ans », rassure le président d’ENI. Le groupe transalpin a désormais cinq ans pour lancer la production, prévue pour 2022.