A Paris. | ERIC PIERMONT / AFP

Après l’amende de 9 milliards de dollars (7,9 milliards d’euros) infligée en 2014 par les régulateurs américains, BNP Paribas s’était engagé à passer toutes ses activités au filtre de la « conformité », afin d’instaurer un contrôle strict des risques géopolitiques et sociétaux. La banque vient pourtant d’être à nouveau sanctionnée, cette fois par le gendarme français des banques, pour « plusieurs insuffisances importantes » du dispositif de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, constatées lors d’un contrôle réalisé en 2015.

Fait rare, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), chargée de contrôler les secteurs de la banque et de l’assurance, a publié un communiqué vendredi 2 juin pour faire connaître le blâme prononcé par sa commission des sanctions à l’encontre de BNP Paribas, assorti d’une sanction pécuniaire de 10 millions d’euros. Le superviseur y pointe en particulier « son organisation en matière de déclarations de soupçon à Tracfin », le service de renseignement rattaché au ministère des finances, chargé de la lutte contre les circuits financiers clandestins et le blanchiment d’argent.

Plus précisément, la commission des sanctions a relevé plusieurs dysfonctionnements, et en premier lieu, « la faiblesse persistante des moyens humains consacrés au traitement, au niveau central, des propositions de déclarations de soupçon », qui a eu pour conséquence des délais anormalement longs de déclaration des opérations suspectes. Elle dénonce également « la faible efficacité, à la date du contrôle, des outils de détection des opérations atypiques réalisées par les clients ». Pour ne rien arranger, BNP Paribas a tardé à mettre à jour ses procédures afin qu’elles correspondent à la nouvelle organisation décidée pourtant dès 2013. « Des carences dans le traitement de plusieurs dossiers individuels viennent corroborer ces constats, en particulier des retards ou des défauts de déclarations de soupçon », ajoute le superviseur.

« Les sanctions prononcées tiennent compte de la nature et de la gravité des manquements »

La banque écope ainsi d’une amende nettement supérieure à celles prononcées en 2016 à l’encontre d’autres établissements, également épinglés pour des manquements en matière de lutte contre le blanchiment. Le 28 décembre, Saxo Banque France s’est vu infliger une sanction pécuniaire de 900 000 euros.

Quelques jours plus tôt, AXA France Vie (AFV) avait reçu une amende de 2,5 millions d’euros, somme qui est venue s’ajouter au plan d’actions (refonte des procédures, recrutements de spécialistes de la conformité et de la sécurité financière, etc.) mis en place dès 2014, dans la foulée du contrôle de l’ACPR, et qui a coûté à l’assureur 27 millions d’euros.

« Les sanctions prononcées tiennent compte de la nature et de la gravité de ces manquements », justifie l’ACPR, alors que BNP Paribas, « compte tenu de sa taille, joue un rôle particulièrement important dans le dispositif de transmission à Tracfin d’informations sur les opérations financières suspectes ». La Commission indique toutefois avoir pris acte des « efforts significatifs de correction » entrepris par BNP Paribas, « déjà largement mis en œuvre, mais dont l’efficacité devra, le cas échéant, être vérifiée ».

Depuis quelques années, le superviseur a musclé son action, afin de mieux traquer le laxisme des établissements dans leur lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. En 2016, 30 missions de contrôle sur place ont été engagées. « Banques et assureurs recrutent à tour de bras sur les métiers de la conformité, souligne un membre de l’ACPR. Si bien que les universités mettent en place des formations spécifiques ».