Damian Penaud, le 18 février. | THIERRY ZOCCOLAN / AFP

Sacré avec Perpignan en 2009, après une victoire contre Clermont, le manager général de l’ASM Franck Azéma, 46 ans, trépigne à la veille de la finale de Top 14 entre son club et le RC Toulon. Des Varois que personne n’attendait à ce niveau, au contraire des Auvergnats, deuxièmes des phases régulières du championnat, brillants vainqueurs du Racing en demi-finale (37-31), et qui entendent se défaire de l’image de perdants magnifiques qui leur collent au maillot.

Comment vous avez préparé cette finale ?

On a d’abord privilégié la récupération, d’autant qu’on avait un jour de plus qu’à l’habitude, ce qui est plutôt appréciable. Ensuite, l’idée pour cette finale, c’est d’être fidèle au jeu pratiqué toute la saison. On a travaillé nos gammes en essayant d’être dans la précision, d’apporter de la clarté sur ce qu’on veut mettre en place dimanche, pour le maitriser au mieux. Il faudra être fort sur notre jeu, imposer nos certitudes, tout en sachant que les Toulonnais vont nous mettre beaucoup de pression.

Vous évoquiez aussi cette semaine la notion de plaisir, comme pour délester votre équipe de la pression, et conjurer le sort face à l’historique de l’ASM en finale du Top 14 (11 défaites depuis 1935, pour une seule victoire, en 2010)...

C’est la réalité, on ne va pas passer à côté de l’histoire de l’ASM, mais ce n’est pas le principal. On n’est pas fous, on sait qu’on joue une finale. Mais qu’est que ça va changer à l’histoire du club si on devait perdre ce week-end ? Rien. Le plus important, c’est de se concentrer sur nous, de prendre du plaisir, de s’enlever cette pression. C’est aussi notre ADN et notre façon de jouer, et on peut s’appuyer sur la performance en demi-finale (remportée 37-31 contre le Racing 92). Et puis des joueurs qui ont perdu des finales de championnat, il n’en reste plus beaucoup dans le XV de départ, à peine trois ou quatre. C’est la contrepartie de la confiance accordée aux jeunes : ils apportent un enthousiasme et une insouciance qui sont bénéfiques.

Quels sont les enseignements que vous avez pu tirer de cette demi-finale gagnée en infériorité numérique (le Clermontois Flip Van der Merwe avait été expulsé dès l’entame de la seconde période) ?

On sait qu’on a mûri en terme de leadership. Les garçons ont évolué, ils ont gagné en maturité depuis quelques saisons, mais ils ont aussi acquis une confiance en eux plus importante. Ils savent qu’ils ont les capacités de débloquer les situations à tout moment, et d’être dangereux sur chaque ballon.

Cette jeune classe risque-t-elle de subir une pression plus importante à l’approche d’une finale ?

Je fais tout pour qu’ils ne la ressentent pas, pour qu’ils restent eux mêmes, sans être pris par l’évènement. C’est aussi une autre génération, ils ont une autre gestion de l’évènement. Ce sont des jeunes qui ont démarré le rugby dans un cadre professionnel, qui ont un bagage technique bien supérieurs à celui de leurs aînés à leur âge. Techniquement et tactiquement, ils sont prêts.

On a beaucoup parlé de Damian Penaud ou Arthur Iturria, mais Camille Lopez, auteur de deux essais en demi-finale, s’est affirmé dans son rôle de chef d’orchestre...

Camille a pris énormément de place, surtout depuis le début des phases finales. Il a pris des responsabilités, il se met en avant, c’est un élément qui est devenu un moteur dans le groupe. Le tournoi des Six nations (Lopez a disputé les cinq matchs comme titulaire à l’ouverture) lui a beaucoup apporté, il a emmagasiné de l’expérience, il s’est enrichi. Je suis d’ailleurs très fier d’avoir des joueurs qui partent en tournée internationale, ils en reviennent toujours grandis.

Franck Azéma, le 12 mai. | Mike Egerton / AP

Est-ce que l’expérience des Toulonnais peut être un facteur décisif lors d’une finale ?

Ce serait normal de le penser. 99% des coachs vont vous dire que c’est l’expérience qui priment dans les grands moments, et il y a du vrai. Toulon a vécu une saison compliquée mais ils sont en finale, la preuve que l’expérience est importante. Mais ce qui compte aussi pour moi, c’est la compétence et les performances des joueurs, et on va s’appuyer là dessus. Et puis ils sont entourés par quelques garçons qui ont beaucoup d’expérience.

A quel genre de match faut-il s’attendre ?

Je ne sais pas si il y aura une opposition de style, comme annoncé, parce que ça suppose déjà qu’on aura la capacité de développer notre jeu... Il y aura des intentions de notre part, mais ils vont essayer de nous faire déjouer. Ce qui est certain, c’est que ce match sera engagé. Lors des demi-finales, on a pu voir un engagement physique proche de la férocité. Je suis le premier à prôner le beau jeu mais le combat à livrer est primordial.

Un combat que l’ASM va aborder en position de favori, ce qui a fait dire à Mourad Boudjellal, dans un entretien à Nice-Matin, que ce Bouclier de Brennus, « normalement, c’est pour Clermont »...

Je n’ai pas de problème à assumer notre position de favori. C’est normal, on fait une très belle saison, avec une finale de coupe d’Europe, et une finale de Top 14. Mais je suis aussi lucide sur la qualité des joueurs en face. En nombre de sélection d’un côté et de l’autre, je crois même que c’est du simple au double, à leur avantage. Cette finale, c’est tout bénéf’ pour les Toulonnais. Ils se disent pourquoi pas, ils vont cet atout à fond. Après, c’est la vérité du terrain qui tranchera. Mais j’espère que Mourad Boudjellal sera entendu...