Bill Cosby sur le point d’être inculpé pour agression sexuelle aggravée, le 30 décembre 2015, à Philadephie. | Matt Rourke / AP

C’est un rendez-vous crucial pour les dizaines de victimes présumées du créateur et « héros » américain du « Cosby Show ». L’ancien acteur et humoriste de 79 ans, Bill Cosby doit comparaître, lundi 5 juin, devant un tribunal pour agression sexuelle aggravée envers Andrea Constand, ancienne responsable de l’équipe de basket de l’université de Temple, à Philadelphie. Le procès qui se tient à Norristown, une petite ville de la banlieue de Philadelphie, au nord-ouest de Etats-Unis, sera couvert par une centaine de journalistes venus du monde entier.

De quoi Bill Cosby est-il accusé ?

Célèbre pour son rôle d’Heathcliff Huxtable, un père de famille modèle et sympathique dans la série des années 1980, le « Cosby Show », l’ancien acteur est, pour la première fois, jugé au pénal pour abus sexuels.

Il a été inculpé le 30 décembre 2015 d’agression sexuelle aggravée sur Andrea Constand. Ces dernières années, une cinquantaine de femmes ont accusé Bill Cosby des mêmes faits. En juillet 2015, trente-cinq femmes avaient même posé en « une » du New York Magazine, en accusant publiquement M. Cosby de les avoir droguées et violées, dans les années 1960 jusqu’aux années 2000.

Andrea Constand est, toutefois, la seule pour laquelle les faits ne sont pas prescrits pénalement. Selon les éléments de l’enquête, l’acteur lui avait fait prendre des pilules qui l’avaient immobilisée avant de s’en prendre à elle. Les faits se seraient produits en 2004 au domicile de M. Cosby, à Cheltenham, dans la banlieue de Philadelphie.

Interrogé dans le cadre d’une procédure civile intentée par Andrea Constand, M. Cosby avait reconnu, en 2005, lui avoir donné alcool et pilules, sans lui dire ce qu’elles contenaient, et s’être ensuite livré à des attouchements. Mais il s’agissait, selon lui, d’une relation consentie, l’acteur insistant sur le fait que la jeune femme n’avait, à aucun moment, manifesté sa désapprobation.

Si à l’issue de ce procès, prévu pour durer deux semaines, le jury déclare Bill Cosby coupable d’un ou plusieurs des trois chefs d’accusation, l’acteur pourrait être condamné à dix ans de prison et 25 000 dollars d’amende.

Côté civil, d’autres procédures sont encore en cours, notamment celle pour l’agression présumée, à la célèbre Playboy Mansion en 1974, de Judy Huth alors qu’elle n’avait que 15 ans.

Quelle stratégie lors du procès ?

En l’absence de témoin et d’élément matériel, tout est désormais suspendu au témoignage d’Andrea Constand. Cette Canadienne de 44 ans vit aujourd’hui à Toronto et ne s’est encore jamais exprimée publiquement sur l’affaire.

A l’appui du témoignage de l’accusatrice, le juge Steven O’Neill a accepté que soit appelée à la barre une autre victime présumée de Bill Cosby, qui affirme avoir été agressée dans des conditions similaires en 1996. Son nom n’a pas été rendu public. L’accusation espérait pouvoir en appeler d’autres, mais le juge a refusé.

Lors de la seule interview qu’il ait donnée depuis son inculpation, Bill Cosby a, lui, assuré qu’il ne témoignerait pas lors du procès. Un porte-parole de la défense a pourtant indiqué à l’Agence France-Presse (AFP) que l’hypothèse qu’il se déplace à la barre n’était « pas complètement écartée ».

Selon le New York Post, trois des membres de la famille fictive du « Cosby Show », notamment Phylicia Rashad, actrice renommée qui joua son épouse durant les huit saisons de la série, pourraient être présents à l’audience pour apporter leur soutien à l’accusé.

Les conséquences de l’affaire « Cosby »

Dans cette affaire, dont les faits présumés remontent jusqu’aux années 1960, très peu de poursuites pénales ont été engagées en raison de la prescription.

En réaction, le gouverneur de Californie a ratifié le 28 septembre une loi supprimant la prescription pour les crimes sexuels. Le nouveau texte permet sans limite de temps d’engager des poursuites pour toutes sortes d’agressions sexuelles. Jusqu’à présent les victimes n’avaient que dix ans pour porter plainte, sauf en cas de présence d’ADN, qui offrait un délai un peu plus long.

« D’après le ministère de la justice américain, seuls deux violeurs sur cent sont condamnés et envoyés en prison. Les 98 % restants ne sont jamais punis pour leurs crimes », soulignait à l’époque Connie Leyva, l’élue démocrate au Sénat de Californie à l’origine du texte.