L’enquête avait permis de remonter jusqu’à des steaks hachés surgelés, commercialisés sous la marque « Steak Country », fournis à l’enseigne de distribution Lidl par la société SEB. / AFP / FRANCOIS NASCIMBENI | FRANCOIS NASCIMBENI / AFP

C’était il y a six ans, quasi jour pour jour. L’Europe vivait une psychose alimentaire, alors qu’une épidémie liée à la bactérie E. coli, venue de graines germées allemandes, faisait trente-huit morts. Le même mois, dans le nord de la France, dix-huit personnes, pour la plupart des enfants, furent contaminées par une autre souche particulièrement nocive de la bactérie, jetant le soupçon sur la chaîne alimentaire française.

L’enquête avait permis de remonter jusqu’à des steaks hachés surgelés commercialisés sous la marque Steak Country, fournis à l’enseigne de distribution Lidl par la société SEB. Six ans plus tard, le procès de deux des anciens dirigeants de cette entreprise spécialisée dans la viande bovine s’est ouvert, mardi 6 juin, devant le tribunal correctionnel de Douai (Nord).

Guy Lamorlette, 76 ans, fondateur et gérant de la société liquidée à la fin de 2011, et Laurent Appéré, 46 ans, son responsable qualité, comparaissent pour « blessures involontaires par violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à trois mois » et « tromperie sur une marchandise entraînant un danger pour la santé de l’homme », notamment.

Le « procès de la filière bovine »

Les deux anciens dirigeants de SEB se renvoient la responsabilité des manquements aux obligations sanitaires, dont le contrôle aléatoire de lots de viande hachée au lieu d’un contrôle systématique, mais aussi le passage d’un second contrôle pour passer outre un premier contrôle positif à une concentration élevée de bactérie E. coli.

Les enfants infectés étaient âgés à l’époque de 6 mois à 10 ans. Pour la plupart d’entre eux, un traitement à vie est dorénavant indiqué pour soutenir le fonctionnement rénal. L’un d’entre eux connaît en outre de graves de lésions neurologiques.

« Ce qui est particulier dans cette affaire, ce sont ces manquements délibérés », a déclaré MMarion Giraud, avocate de l’UFC-Que choisir Nord-Pas-de-Calais, partie civile. « C’est aussi le procès de la filière bovine et de la grande distribution », a-t-elle ajouté, rappelant « la dépendance économique importante du fournisseur à Lidl », car entre 50 et 70 % du carnet de commandes de SEB était rempli par cette enseigne.

« Nous n’avons aucunement mis la pression sur le prix et la qualité », a rétorqué pour sa part l’avocate de Lidl. « Nous faisions appel à un laboratoire agréé. La triste réalité, c’est que SEB n’effectuait pas [correctement] le contrôle bactériologique des marchandises ». L’enseigne, qui avait rompu son contrat avec SEB à la suite du scandale, s’est elle aussi constituée partie civile, s’estimant victime de tromperie sur la marchandise livrée.