Pour financer quelques nuits d’hôtel, des billets de train, d’avion, des vêtements ou une puce de téléphone portable, les associations doivent aussi récolter des fonds.

Des homosexuels traqués, torturés et détenus dans des « prisons secrètes » aux portes de l’Europe : l’image a de quoi susciter l’effroi. Et réveiller les consciences. Depuis les révélations, publiées le 1er avril, du quotidien d’opposition russe Novaïa Gazeta sur la répression dont sont victimes les membres de la communauté LGBT en Tchétchénie, militants et bénévoles tentent, en France, de faciliter leur accueil.

« Au début, l’idée était d’inonder Facebook d’informations, car beaucoup de gens pensaient que c’était une “fake news” ou une blague, du genre Le Gorafi [site d’information parodique]. Mais, très vite, on a reçu des propositions d’aide et d’hébergement », résume Guillaume Mélanie, fondateur d’Urgence Tchétchénie, qui apporte, depuis quelques semaines, son soutien aux homosexuels tchétchènes cherchant à gagner l’Hexagone.

Pour Joël Meunier, de SOS Homophobie, la situation exceptionnelle nécessite une réponse « urgente ».

« C’est la première fois depuis des décennies que l’on poursuit aux frontières de l’Europe des personnes pour ce qu’elles sont. Il y a des crimes homophobes partout dans le monde mais là, c’est différent. C’est un discours et une politique d’Etat qui ciblent les homosexuels. »

Une importante diaspora tchétchène

S’ils sont plusieurs dizaines à vouloir fuir ce petit territoire du Caucase à majorité musulmane, membre de la Fédération de Russie, tous n’y parviennent pas. Car pour sortir de Tchétchénie, les homosexuels recherchés doivent connaître les bonnes personnes, se cacher parfois de leur famille, et parvenir à rejoindre Moscou, située à 1 800 km de Grozny, la capitale. Il faut, aussi, « qu’ils aient le courage de faire leur demande de visa car beaucoup sont méfiants », rappelle Guillaume Mélanie.

L’importance de la diaspora tchétchène en France, évaluée à 68 000 personnes, est aussi un frein. Dès lors, certains préfèrent se tourner vers le Canada, l’Allemagne, la Lituanie ou le Danemark qui ont, eux aussi, proposé d’ouvrir leurs frontières. « On a un nombre très limité de demandes de visas. Moins de dix pour le moment », relève une source officielle. Un seul homosexuel tchétchène a, jusqu’à présent, réussi à rejoindre l’Hexagone. Deux autres devraient suivre dans les prochains jours.

Urgence Tchétchénie et SOS Homophobie tentent toutefois d’accompagner ceux qui peuvent partir, en collaboration avec le Réseau LGBT russe. C’est cette association qui les « aide à s’enfuir de Tchétchénie, à trouver un abri à Moscou et à monter leur dossier de demande de visa », explique Victoria Safontseva, militante LGBT russe réfugiée depuis sept mois en France et membre de SOS Homophobie.

« A l’exception de Réseau LGBT, les autres associations en restent au niveau du “slacktivisme” [du nom de la plate-forme de communication]. Sans parler des militants pour les droits LGBT qui pensent que ce qui se passe en Tchétchénie est faux parce que leurs identités n’ont pas été révélées », fustige la jeune femme.

« Pas que des gays qui aident les gays »

En France, pour faciliter l’obtention de visas au titre d’asile ou humanitaire – qui prévoient une procédure accélérée mais sont rarement délivrés –, l’association SOS Homophobie a proposé de fournir, pour chaque dossier, une attestation par laquelle elle s’engage à accompagner, dès son arrivée en France, le demandeur d’asile dans ses démarches administratives. Urgence Tchétchénie se charge, pour sa part, d’obtenir une attestation d’hébergement.

Mais pour ce faire, Guillaume Mélanie doit trouver des familles d’accueil. C’est ce qu’il a réussi à faire pour Azmad, le premier homosexuel tchétchène réfugié en France. « On a passé 24 heures ensemble, à son arrivée, avant qu’il rejoigne sa famille d’accueil, explique le fondateur d’Urgence Tchétchénie. Il est désormais hébergé chez un travailleur social russophone. »

« On a reçu beaucoup de propositions d’accueil mais on tente de trouver les personnes les plus appropriées. Il faut qu’elles aient une chambre d’amis, qu’elles parlent russe ou qu’elles aient un proche qui le parle. »

C’est le cas de la deuxième famille sélectionnée : un couple avec deux enfants, parce que « c’est bien de montrer qu’il n’y a pas que des gays qui aident les gays ».

Depuis plusieurs semaines, SOS Homophobie, dont les responsables ont été reçus par les services du Quai d’Orsay à la mi-avril, s’emploie aussi « à faciliter et accélérer les procédures » de visas. « Le gros du travail consiste à monter les dossiers et vérifier les informations pour éviter que certains se fassent passer pour des homosexuels tchétchènes persécutés », précise Joël Meunier.

Pour financer quelques nuits d’hôtel, des billets de train, d’avion, des vêtements ou une puce de téléphone portable, les associations ont également prévu des récoltes de fonds. C’est pourquoi Urgence Tchétchénie organise le 19 juin, au Palace, haut-lieu des soirées parisiennes dans les années 1980, une soirée de concerts. Il s’agit de permettre ainsi à d’autres Azmad de vivre en toute liberté, sans le risque d’être raflés et torturés.