Le président brésilien Michel Temer, le 5 juin 2017. | MARCOS CORREA / AFP

Président moribond à la tête d’un pays en crise, Michel Temer vit probablement ses derniers instants à la tête du Brésil. Presque un an après la mise à l’écart de la présidente de gauche, Dilma Rousseff, l’ancien vice-président, suppléant de facto qui prétendait remettre le pays sur les rails de la stabilité, pourrait à son tour être chassé du pouvoir. Sauf ultime coup de théâtre, le sort du chef d’Etat se joue à compter du mardi 6 juin. A 19 heures, heure locale (minuit, heure de Paris), doit en effet démarrer le procès au Tribunal supérieur électoral (TSE) qui pourrait, in fine, casser son mandat.

De l’avis de la plupart des observateurs, les chances de survie de Michel Temer, ultra-impopulaire et suspecté de corruption dans l’enquête « Lava Jato » (« lavage express »), sont maigres, et son acharnement à se maintenir en poste ne fait qu’aggraver le climat d’instabilité politique qui règne depuis la mi-mai et les révélations compromettantes le concernant. Dimanche, dans un éditorial titré « Sem Temer », qui peut se comprendre « sans Temer », mais aussi « sans peur », le quotidien Folha de Sao Paulo évoque déjà l’après, jugeant la crédibilité du président « compromise de façon dramatique ».

  • Pourquoi le président est-il soumis à ce procès ?

Le TSE doit se prononcer sur la régularité des comptes de la campagne présidentielle de 2014 menée conjointement par Dilma Rousseff du Parti des travailleurs (PT, gauche) et celui qui était alors son vice-président, Michel Temer, du Parti du mouvement démocratique brésilien (PMDB, centre). Planent sur ce procès de forts soupçons d’utilisation d’argent issu de la corruption, ainsi que l’existence d’une caisse noire.

Ironie de l’histoire, c’est Aécio Neves, du Parti de la social-démocratie brésilienne (PSDB, historiquement centre gauche, mais désormais étiqueté à droite), aujourd’hui allié de Michel Temer, qui a notamment réclamé l’ouverture d’une procédure auprès du TSE. Ecœuré d’avoir perdu de peu le scrutin, le candidat malheureux de l’élection a dénoncé des irrégularités et des malversations (dont il est aujourd’hui également suspecté) en 2014 auprès de la justice électorale.

Après la destitution de Dilma Rousseff en août 2016, le procès du TSE aurait pu devenir caduc. Mais les rebondissements de l’opération judiciaire « Lava Jato », qui a mis au jour un scandale de corruption tentaculaire, a livré son lot de révélations embarrassantes concernant l’emploi de caisses noires destinées au financement de campagnes et de partis. Assez pour donner à ce procès toute sa pertinence.

  • Que risque Michel Temer ?

Sauf rebondissement susceptible d’ajourner le procès, les sept juges du TSE, dont trois sont également juges de la Cour suprême, analyseront mardi, mercredi et jeudi les arguments de la défense et les accusations à même d’affirmer ou de démentir l’usage d’argent sale ou non déclaré. Les avocats de Michel Temer plaident pour distinguer le cas de leur client de celui de Dilma Rousseff, affirmant que le duo a utilisé deux comptes séparés pour la campagne de 2014. Cette requête a jusqu’ici été refusée.

Après les débats, si rien ne vient suspendre le déroulement des séances, les sept juges devraient annoncer leur verdict. Si une majorité estime que la campagne de 2014 a souffert d’irrégularités, Michel Temer sera accusé, à l’instar de Dilma Rousseff, de « crime électoral ». Son mandat sera alors cassé, il sera tenu de quitter ses fonctions immédiatement et pourrait également être inéligible pendant huit ans.

  • Quelles sont les suites possibles ?

Pugnace, Michel Temer a laissé entendre qu’il userait de tous les recours possibles en cas d’un jugement défavorable du TSE. La procédure offrirait un sursis au chef de l’Etat, le temps que ce recours soit examiné par la Cour suprême. Mais si la plus haute juridiction brésilienne refuse cette ultime révision du procès, le président devra quitter son poste.

S’ensuivrait alors une nouvelle vacance du pouvoir assurée pendant trente jours par le président de la Chambre des députés, Rodrigo Maia. A charge de ce dernier d’organiser des élections indirectes orchestrées par le Congrès.

Sans attendre le verdict du TSE, la succession de Michel Temer s’organise déjà en coulisses. Parmi les candidats qui pourraient prétendre le remplacer, Nelson Jobim (PMDB), ancien président de la Cour suprême et ministre de la défense sous le mandat de Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2011) et de Dilma Rousseff (2011-2016), ou Tasso Jereissati, sénateur et président du PSDB depuis la mise à l’écart de l’ancien chef de parti, Aécio Neves, amoindri par une kyrielle de révélations.

Après l’« impeachment » (destitution) de Dilma Rousseff, considéré comme un « coup d’Etat » par une partie des Brésiliens, la rue acceptera sans doute avec difficulté cette nouvelle élection dont elle sera exclue. Mais un scrutin direct à moins de deux ans de la prochaine présidentielle (octobre 2018) n’est pas prévu dans la Constitution, et le vote d’un amendement constitutionnel pour changer la donne semble, à ce stade, utopique.