Danièle Van de Lanotte, la mère de Mathias Depardon, le photojournaliste détenu en Turquie, lors d’un rassemblement de soutien devant la mairie du IVe arrondissement, à Paris, le 7 juin 2017. | GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

« Nous nous mobiliserons de manière croissante jusqu’à obtenir la libération de Mathias Depardon », annonce Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières (RSF), devant la mairie du IVe arrondissement de Paris, où s’est tenue, mercredi 7 juin, une manifestation de soutien au photojournaliste français détenu en Turquie depuis le 8 mai. Le but, selon M. Deloire, est d’envoyer un message à Ankara, « sensible à ce genre de démonstration ». Un rassemblement pour que « son visage soit connu de tous », déclare Christophe Girard, le maire du IVe arrondissement, devant un portrait du journaliste affiché sur la façade de l’hôtel de ville.

« Il est bien traité »

Cette manifestation « symbolique » se déroule à la veille de la visite en Turquie de la mère du photographe, Danièle Van de Lanotte, et de Christophe Deloire. Ils doivent retrouver Mathias Depardon le 8 juin au matin à Gaziantep (sud-est) pour « peut-être une heure », espère Mme Van de Lanotte. La visite « survient un mois après son arrestation », souligne le secrétaire général de RSF. La mère du journaliste, très émue lors du rassemblement, s’est peu exprimée : « Je suis touchée. Je vous remercie beaucoup, je l’embrasserai de votre part. » Elle rassure également les soutiens de son fils : « Il est bien traité », affirme-t-elle en ajustant son écharpe bleue.

Mathias Depardon, établi en Turquie depuis cinq ans, a été arrêté le 8 mai alors qu’il réalisait un reportage sur le Tigre et l’Euphrate pour le magazine National Geographic dans la province de Batman, dans le sud-est du pays. Incarcéré dans un centre de rétention pour migrants clandestins à Gaziantep, près de la frontière syrienne, il avait été arrêté au motif qu’il ne possédait pas de carte de presse turque. Une détention administrative qui aurait dû se clore le 11 mai par son expulsion du pays comme cela avait été annoncé, sans que la procédure soit jamais mise à exécution.

Le président Emmanuel Macron avait demandé, le 25 mai, à Recep Tayyip Erdogan d’examiner le cas du journaliste. Le chef de l’Etat turc avait promis une réponse « rapide ». Le 3 juin, lors d’un entretien téléphonique avec M. Erdogan, M. Macron a, à nouveau, formulé la demande d’un retour en France « le plus vite possible ».

« Prise d’otage institutionnelle »

« Cette détention est illégitime et illégale », estime le secrétaire général de RSF, qui parle même de « prise d’otage institutionnelle de la part de l’Etat turc ». Les soutiens à Mathias Depardon demandent sa libération avant vendredi, date à laquelle expire le délai d’un mois pour une détention administrative en Turquie.

Cependant, après différentes versions, Mathias Depardon, 37 ans, serait maintenant accusé de propagande terroriste à cause de photos montrant un drapeau du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), interdit en Turquie. « Les autorités turques nous mènent en bateau, considère Laurent Joffrin, représentant du comité de soutien à Mathias Depardon et directeur de la rédaction de Libération. La situation est contraire à toutes les règles internationales. » Il estime que cette détention est un moyen de « dissuader les journalistes d’aller en Turquie ».

Dans ce pays, « les journalistes qui font leur travail sont considérés comme des terroristes ou des espions », s’indigne Christophe Deloire. Le ministre des affaires étrangères turc, Mevlüt Cavusoglu, a affirmé lundi que les agences de renseignement européennes se servent de journalistes pour recueillir des informations. Cette méfiance envers la profession est au plus haut depuis la tentative de coup d’Etat du 15 juillet 2016. Dans l’administration publique et dans les médias, de grandes purges s’en sont en effet suivies, ce qui a conduit à l’incarcération de plus de 120 journalistes.

En 2017, la Turquie a été placée 155e sur 180 au classement mondial de la liberté de la presse par RSF. Son secrétaire général juge que la détention de M. Depardon est, pour la Turquie, « un pas supplémentaire de s’en prendre aux journalistes étrangers ».