Les signes d’apaisement ou de détente se multiplient depuis que l’Arabie saoudite et ses alliés ont annoncé, lundi 5 juin, rompre leurs relations diplomatiques avec le Qatar, accusé de « soutenir le terrorisme », ce qui provoque une crise majeure dans la région.

Le ministre des affaires étrangères saoudien, Adel Al-Jubeir, a ainsi qualifié mercredi le Qatar d’« Etat frère » tout en jugeant que c’était à lui de résoudre la crise dans le Golfe en cessant son soutien aux extrémistes islamistes. « Nous considérons le Qatar comme un Etat frère, comme un partenaire (…), mais on doit aussi pouvoir dire à un ami ou à un frère quand quelque chose est bien ou mal », a-t-il assuré lors d’une conférence de presse avec son homologue allemand, Sigmar Gabriel, à Berlin.

« Quand il prend une mauvaise position, on lui donne des conseils pour qu’il prenne une autre position. Et nous avons pris ces mesures [de rupture des liens diplomatiques] pour qu’il change de position », a-t-il ajouté, tout en affirmant que des efforts seraient entrepris pour résoudre cette crise dans le cadre du Conseil de coopération du Golfe (CCG).

Mardi soir, le président américain Donald Trump avait déjà prôné « l’unité » des pays du Golfe dans un entretien téléphonique avec le roi Salman d’Arabie saoudite, après avoir pris, dans un premier temps, le parti de Riyad.

Le Koweït qui, lui, n’a pas rompu avec le Qatar tente pour sa part une médiation. Son émir s’est rendu à Riyad, la capitale saoudienne pour s’entretenir avec le roi. Leur entretien a « [reflété] un intérêt commun à soutenir la bonne marche » du CCG, a déclaré mercredi l’agence officielle Kuna.

Créé en 1981, le Conseil de coopération du Golfe, qui regroupe des monarchies pétrolières sunnites contrôlant le tiers des réserves mondiales de brut, est formé de six pays – Arabie saoudite, Bahreïn, Qatar, Emirats arabes unis (EAU), Koweït et Oman. Seul ce dernier a tenu à rester à l’écart de la crise. La Mauritanie a, en revanche, rejoint à son tour l’Arabie saoudite, Bahreïn, les EAU, l’Egypte, le Yémen et les Maldives.

« Incitation à la haine »

Abou Dhabi et Riyad veulent un « changement de politique » et non pas « un changement de régime » au Qatar, a assuré, mercredi, Anwar Gargash, ministre d’Etat émirati aux affaires étrangères, tout en accusant Doha de se comporter en « champion de l’extrémisme et du terrorisme dans la région ». « Nous avons atteint maintenant un cul-de-sac dans nos tentatives pour convaincre le Qatar de changer de direction », a-t-il ajouté.

Le président français, Emmanuel Macron, a, lui aussi, appelé « à l’unité et à la solidarité » entre les pays du Golfe, se disant prêt à soutenir « toutes les initiatives pour favoriser l’apaisement » dans cette région en crise, lors d’un entretien téléphonique avec l’émir du Qatar, Cheikh Tamim Ben Hamad Al-Thani, a annoncé l’Elysée mardi soir dans un communiqué.

Le porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner, a toutefois ajouté, mercredi, que le Qatar devait répondre aux accusations de soutenir le terrorisme. « La France pose des questions et n’affirme pas, nous ne sommes pas là pour juger, notre volonté n’est pas de prendre parti sur tel ou tel sujet mais de rappeler des règles simples », a-t-il déclaré lors du compte rendu du conseil des ministres.

Mercredi, le Hamas s’est, par ailleurs, dit « choqué » par l’appel de Riyad au Qatar pour qu’il cesse de soutenir le mouvement islamiste palestinien. « C’est une incitation à la haine contre le Hamas », a estimé le parti au pouvoir dans la bande de Gaza par la voie d’un communiqué.

« Il n’y aura pas de pénurie »

De son côté, Doha a rejeté les accusations de « soutien au terrorisme ». Il n’y a « aucun élément prouvant que le gouvernement du Qatar soutient des islamistes radicaux », a plaidé sur la BBC le chef de la diplomatie, Cheikh Mohamed Ben Abderrahmane Al-Thani.

La rupture des relations a entraîné une suspension de vols aériens, la fermeture des frontières terrestres et maritimes avec le Qatar ainsi que des interdictions de survol aux compagnies qataries et des restrictions aux déplacements des personnes. Il a également été demandé aux ressortissants du Qatar, visiteurs ou résidents permanents en Arabie saoudite, aux Emirats et à Bahreïn, de partir dans un délai de quatorze jours.

Bien que les images des rayons vides des supermarchés aient fait le tour du monde, les autorités qataries ont affirmé que le pays disposait de suffisamment de vivres pour un an. Lundi, des habitants paniqués avaient pris d’assaut les supermarchés.

Qatar : les supermarchés pris d’assaut par des habitants qui craignent des pénuries
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« Il n’y aura pas de pénurie de denrées alimentaires et d’autres produits car plus de 95 % des importations du Qatar arrivent par voies aérienne et maritime », a assuré le président de la Chambre de commerce, Cheikh Khalifa Ben Jassem Al-Thani, cité par la presse locale.

Bien que les approvisionnements alimentaires du Qatar transitent d’habitude par la frontière avec l’Arabie saoudite, désormais fermée, les denrées alimentaires peuvent en effet être acheminés directement au port de Doha ou par avion. Le Qatar importe jusqu’à 90 % de ses besoins alimentaires, selon des estimations.