James Comey devant la commission du renseignement du Sénat, à Washington le 3 mai. | JIM WATSON / AFP

Le 27 janvier, James Comey est invité à dîner par le président à la Maison Blanche. Découvrant qu’il est l’unique invité, le directeur du FBI prend place face à M. Trump, séparé de lui par « une petite table ovale ». « Le président a commencé par me demander si je voulais rester directeur du FBI, ce que j’ai trouvé étrange parce qu’il m’avait déjà dit deux fois dans des conversations antérieures qu’il espérait que je resterais, et je lui avais assuré que c’était ce que j’avais prévu. Il a dit que beaucoup de gens voulaient mon travail (…). Mon instinct m’a conduit à penser que ce tête-à-tête et le prétexte de cette discussion sur mon poste signifiaient que le dîner avait pour but, au moins en partie, que je demande de pouvoir conserver mon poste et de créer une sorte de relation de clientélisme. Cela m’a beaucoup préoccupé, compte tenu du statut traditionnellement indépendant du FBI au sein du pouvoir exécutif. »

« J’ai répondu que j’aimais mon travail et que j’avais l’intention de rester et d’aller jusqu’au bout de mon mandat de dix ans [en 2023]. Parce que ce préambule m’avait rendu mal à l’aise, j’ai ajouté que je n’étais pas “fiable” dans le sens où les responsables politiques utilisent ce terme, mais qu’il pourrait toujours compter sur moi pour lui dire la vérité (…). Quelques instants plus tard, le président a déclaré : “J’ai besoin de loyauté, je m’attends à de la loyauté.” Je n’ai pas bougé et j’ai gardé la même expression pendant le silence embarrassant qui a suivi. Nous nous sommes simplement regardés en silence. La conversation a continué, mais il est revenu sur le sujet à la fin de notre dîner (…). Il a dit : “J’ai besoin de fidélité.” J’ai répondu : “Vous pourrez toujours compter sur mon honnêteté.” Il a marqué une pause et a dit : “C’est ce que je veux, une honnête loyauté.” J’ai fait une pause et j’ai dit : “C’est ce que vous obtiendrez de moi.” Comme je l’ai écrit dans la note rédigée immédiatement après le dîner, il est possible que nous ayions compris l’expression différemment. »

« C’est un bon gars »

Le 14 février, James Comey participe à une réunion sur le contre-terrorisme dans le bureau Ovale avec M. Trump. Cinq autres responsables sont également présents, dont son supérieur hiérarchique, le ministre de la justice, Jeff Sessions. A la fin de la discussion, le président invite ses interlocuteurs à quitter la pièce, à l’exception du directeur du FBI.

« Lorsque nous avons été seuls, le président a commencé par dire : “Je veux parler de Mike Flynn.” Flynn [le conseiller à la sécurité du président] avait démissionné la veille. Le président a commencé par dire qu’il n’avait rien fait de mal en parlant avec les Russes, mais il devait partir parce qu’il avait induit le vice-président en erreur. Il a ajouté qu’il avait d’autres préoccupations au sujet de Flynn, qu’il n’a pas précisées. Le président a ensuite fait une longue série de commentaires sur le problème des fuites d’informations classifiées (…), puis il est revenu à Mike Flynn en disant : “C’est un bon gars, il en a bavé” (…). Il a ensuite dit : “J’espère que vous pourrez trouver une façon d’abandonner cela, de lâcher Flynn. C’est un bon gars.” J’ai seulement répondu : “C’est un bon gars.” (…). Je n’ai pas dit que je laisserai filer (…). »

« J’ai compris que le président demandait que nous arrêtions toute enquête sur Flynn dans le cadre de ses fausses déclarations concernant ses conversations avec l’ambassadeur de Russie en décembre (…), pas l’enquête plus large sur la Russie ou des liens possibles avec sa campagne (…). Quoi qu’il en soit, c’était très préoccupant, compte tenu du rôle du FBI en tant qu’organe d’enquête indépendant. »