Jeudi 8 juin, des taxis se sont rassemblés à l’appel d’une intersyndicale de taxis parisiens devant la gare du Nord. Ils dénoncent les « zones de non-droit » que seraient devenus les gares et les aéroports. | Camille Mordelet / Le Monde

Les voitures roulent encore plus difficilement que d’habitude devant la gare du Nord, dans le 10arrondissement de Paris. Les taxis ont organisé un rassemblement, jeudi 8 juin, et une dizaine d’entre eux bloquent le boulevard de Denain. Ils dénoncent ce qu’ils appellent les « zones de non-droit » que seraient devenus les aéroports et les gares.

L’appel a été lancé par une intersyndicale de taxis parisiens rassemblant la CGT, la CFDT, Sud, Taxis de France, Elite taxi France, Gescop et le mouvement des taxis solidaires. Les chauffeurs sont là pour interpeller les pouvoirs publics et sensibiliser les voyageurs à ce qu’ils appellent le « racolage ». Pendant que les véhicules attendent à l’extérieur, dans des zones interdites aux taxis, des « rabatteurs » font le tour des lieux pour convaincre de potentiels clients d’abandonner l’idée de prendre un taxi.

« Ces gens sont là illégalement, qu’ils soient VTC ou particuliers, s’indigne Mhamed Tougri, délégué syndical pour Sud. Ce qu’ils font, c’est de la maraude. Ils visent surtout les étrangers ou les touristes de province, qui ne connaissent pas les prix parisiens. Comme ça, ils peuvent leur demander n’importe quel prix exorbitant pour une course ridicule, continue-t-il, avant de rajouter : Après, cela retombe sur les taxis, leur image et celle de Paris. »

80 euros pour se faire amener à une borne

Une même histoire circule au sein du rassemblement pour appuyer ces dires. Celle de touristes qui seraient tombés dans un piège onéreux. Un homme les aurait approchés et menés devant une borne de taxis en les présentant comme des clients qu’il a trouvés. Le véhicule effectue sa course et demande à la fin la somme due. Mais, surprise, les touristes ont déjà payé : ils auraient déjà donné 80 euros à l’homme du début, qui leur aurait fait croire que la somme correspondait à son service et à la course.

La gare du Nord, première d’Europe et par laquelle transitent chaque jour quelque 700 000 voyageurs de plusieurs nationalités, est particulièrement concernée par ce type de phénomène. Le choix d’organiser le rassemblement dans ce lieu n’a donc rien d’anodin et, sur place, des tracts imprimés recto verso en anglais et en français sont distribués. L’en-tête encourage à utiliser des « taxis officiels » pour éviter le risque de « se faire arnaquer » et explique comment reconnaître un véritable taxi. « C’est quand même pas la lune que les flics dégagent les racoleurs au lieu de s’en prendre à nous parce que nous nous arrêtons à dix mètres de notre zone », s’exclame exaspéré un chauffeur de taxi.

Les conducteurs présents s’estiment toujours victimes d’une concurrence déloyale de la part des particuliers et des véhicules de tourisme avec chauffeurs (VTC). Malgré plusieurs concertations et l’adoption, en décembre 2016, de la loi Grandguillaume, rien n’y fait. Les relations entre les VTC et les taxis restent tendues.

Le silence du gouvernement

L’intersyndicale a fait parvenir une lettre sur le sujet à la ministre chargée des transports, Elisabeth Borne, et au ministre de l’intérieur, Gérard Collomb. Depuis ce 31 mai, aucune réponse. « Il y a trois-quatre ans, nous étions dans une logique de négociation », expose Karim Asnoun, secrétaire général de CGT-Taxis, « maintenant, nous voulons revenir sur des actions ciblées. »

L’intersyndicale doit encore en discuter. Mais l’optimisme est loin d’être de mise. Les syndicats ne fondent pas de grands espoirs en Emmanuel Macron et son gouvernement. « A la CGT, nous avions écrit à Emmanuel Macron avant le premier tour de la présidentielle pour lui dire que nous n’attendions rien de lui », raconte Karim Asnoun. Même son de cloche du côté de l’association Elite. « Macron, on espère qu’il ne nous achèvera pas », soupire son porte-parole Gérôme Lassalle. Tous accusent le président de soutenir les VTC. Ils blâment aussi ses rencontres avec les dirigeants des entreprises exploitant ces chauffeurs. Ils en sont persuadés, Emmanuel Macron ne sera pas leur allié.