Futur en Seine a revu ses ambitions à la hausse en investissant la Grande Halle de la Villette. | Michelotti Laura/Le Monde

Dans les allées bondées de la Grande Halle de la Villette, à Paris, les costumes trois-pièces se mélangent aux cartables fluo. Dépassant un groupe de jeunes entrepreneurs parlant business plan, des écoliers retirent leur casque de réalité virtuelle (VR) les yeux brillants. Avant de partir découvrir ce monde étrange, où un robot vous fait de l’œil et où votre poubelle vous apprend à trier vos déchets.

« Notre credo c’est l’innovation numérique, mais quand même orientée vers la découverte pour le grand public, détaille Camille Pène, directrice du salon depuis trois ans. On est autant un événement business, qui va accompagner les jeunes pépites dans leur développement ou les grosses entreprises dans leur transformation numérique, qu’un événement de pédagogie, de décryptage des enjeux du numérique. C’est vraiment une rencontre entre les innovateurs et les gens qui se posent des questions sur comment le monde se transforme avec le numérique, et de quoi le futur sera fait. »

Durant trois jours, les 3 000 km2 de la Grande Halle ont été découpés en plusieurs pôles, comme « travail », « commerce », « santé », « éducation » ou « industries créatives », avec également un espace pour initier les enfants au numérique et un autre dédié aux conférences. Et si beaucoup de stands et d’applications sont davantage à destination des professionnels, certaines sont clairement pensées pour s’intégrer dans la vie quotidienne des familles. Tel un concours Lépine du numérique, les start-up, qui ont toutes moins de trois ans d’existence, proposent, au choix, des applications pour trouver une place de parking, un « chatbot » qui nous explique comment nous habiller, ou des bornes en 3D qui nous font remonter le temps et découvrir des lieux historiques sous leur apparence de l’époque. Un boîtier connecté nommé Eugène va même scanner nos déchets pour nous apprendre comment les trier correctement.

Réalité virtuelle et intelligence artificielle

Parmi les secteurs qui attirent le grand public, celui du jeu est en bonne position. Jeux de cartes connectés ou encore service de jeu en streaming, comme en propose Blacknut, dont le canapé ne désemplit pas. « On a vu passer des personnes qui n’ont pas du tout l’habitude de jouer, constate Eric Bustarret, le directeur technique. On vise un public plus familial que “gamer” et quand on voit l’intérêt que cela suscite autour de nous, on se dit qu’il y a vraiment une opportunité. »

Le système, qui va pour l’instant entrer en phase de bêta test, sera disponible dans quelques semaines, et proposera plus d’une centaine de jeux jouables en streaming, par l’intermédiaire d’un abonnement mensuel payant. Un secteur déjà investi par Microsoft depuis peu, ou encore par Nvidia, pour l’instant sans grand succès. Eric Bustarret précise :

« On promeut vraiment la simplification. Pour jouer, il n’y a besoin de rien, pas de jeux à télécharger ou de console à acheter. Il faut juste une manette, et encore, parfois on peut jouer seulement avec la télécommande ou le téléphone. On veut que ce soit le plus simple possible, avec des jeux qui sont vraiment différents. »

Pas de grosse licence en vue donc, mais plutôt des titres sélectionnés par l’équipe pour leur singularité, comme le jeu de réflexion sortie en 2013, The Bridge.

L’attrait pour la réalité virtuelle (VR) continue de faire des adeptes. Un attrait qui, couplé au retour de Thomas Pesquet, a attiré les visiteurs vers le stand d’Orbital Views, qui, à l’aide d’un harnais et d’un casque de réalité virtuelle, nous fait découvrir la gravité lunaire. « Pour cette année, on a vraiment essayé de proposer au public davantage d’expériences, explique Camille Pène. On a plus de VR, plus de gaming, plus d’expérience immersive. J’ai la conviction qu’on comprend la transformation numérique en faisant l’expérience sensible des innovations. »

Orbital Views, un accès à l’espace et à l’apesanteur de la Lune. | Michelotti Laura/Le Monde

Aux côtés des robots et autres intelligences artificielles (IA), la VR est incontestablement une des stars du festival. En cause, le thème choisi pour cette édition : les intelligences. « On était d’accord pour dire que l’IA est le sujet incontournable, poursuit la directrice du festival, mais au final la question c’est plutôt comment toutes les autres formes d’intelligence, l’intelligence collective, émotionnelle, humaine, vont cohabiter avec l’IA. »

De la VR à Pôle emploi

Si le lancement de la VR dans le monde du jeu n’a pas été forcément concluant, certains croient encore à son potentiel. Chez Manzalab, créateur de serious games pour le secteur de la formation, on a même créé Teemew, imaginé en 2016, qui permet d’organiser et de mener des réunions en réalité virtuelle. « Ça permet de s’affranchir des murs et offre plus d’immersion que des logiciels comme Skype, où il n’y a pas de réelle présence, assure Jérôme Beaune de Manzalab. Quand on montre nos projets aux entreprises, ils nous demandent de plus en plus si c’est possible de l’adapter en VR. » L’entreprise a ainsi créé Emploi Store en partenariat avec Pôle emploi, une simulation d’entretien personnalisée selon le CV. Une création que le service public aimerait adapter en VR, pour pouvoir le déployer dans plusieurs agences. Mais de l’envie à la réalisation, il reste encore du chemin à parcourir, à l’heure où l’ergonomie et le coût des casques constituent encore un frein pour beaucoup d’acheteurs.

Heasy, le robot d’accueil, de vente et de conseil, ici imaginé à l’entrée d’un cinéma. | Michelotti Laura/Le Monde

Et veut miser sur la nouveauté : « On veut vraiment être le lieu de l’émergence, où l’on découvre les pépites de demain que personne ne connaît encore. Il y a d’ailleurs toute une zone dédiée aux prototypes dévoilés en avant-première et qui n’ont jamais été montrés. »

On pourrait s’interroger sur l’avenir de ces centaines de start-up passées par Futur en Seine. Surtout quand l’espérance de vie de beaucoup de ces dernières est souvent éphémère. Pourtant, pour quelques élues, l’aventure a continué. Plume Labs, une start-up qui travaille sur la mesure du taux de pollution dans l’air, présentée il y a deux ans à Future en Seine, a réalisé fin 2016 sa première levée de fonds, pour un total de 4 millions d’euros.