Benjamin Griveaux (candidat LRM à Paris) et Edouard Philippe, à Paris, le 9 juin. | PATRICK KOVARIK / AFP

Dans cette morne campagne, peu de sujets ont émergé. Néanmoins, l’opposition – les oppositions plus exactement – a tenté d’enfoncer un coin sur deux sujets sensibles : la fiscalité et les ordonnances en préparation pour réformer le code du travail. De là à faire trébucher les « marcheurs » ?

  • Code du travail

La droite critique le recours aux ordonnances. « Recourir aux ordonnances sur un texte comme celui-là est un message catastrophique », dénonce Christian Jacob, l’ancien président du groupe Les Républicains (LR) de l’Assemblée nationale, qui y voit « une preuve supplémentaire du mépris dans lequel le gouvernement tient le Parlement ». « Si la démocratie les ennuie, qu’ils dissolvent le Parlement », s’emporte le député de Seine-et-Marne.

Les tirs de barrage, cependant, sont essentiellement venus de la gauche. Pour l’ancien candidat du PS à l’élection présidentielle, Benoît Hamon, « le code du travail proposé par Emmanuel Macron, c’est une vraie régression sociale ». Jean-Luc Mélenchon n’a pas de mots assez durs pour vilipender « un coup d’Etat social sans précédent ». Il prédit rien de moins qu’« un retour au XIXe siècle ». « Les Français sont maintenant prévenus : s’ils font les moutons autour du berger Macron, ils seront tondus », avertit le leader de La France insoumise.

Quant à Marine Le Pen, elle affirme que M. Macron prévoit ni plus ni moins que « la disparition du droit du travail ».

  • Hausse de la CSG

La droite veut rejouer la séquence du « matraquage fiscal ». L’essentiel de sa campagne consiste à tirer à vue sur le projet d’Emmanuel Macron de financer la suppression de cotisations sociales payées par les salariés par une hausse de 1,7 point de la contribution sociale généralisée (CSG) prélevée sur l’ensemble des revenus ou presque. « Nous ne voulons pas d’augmentation d’impôts, nous ne voulons pas de la hausse de la CSG », martèle le chef de file de la campagne de la droite, François Baroin, omettant systématiquement le premier terme de l’équation, à savoir la suppression de certaines cotisations sociales.

De fait, tous les salariés touchant jusqu’à un peu plus de 33 000 euros par mois seront gagnants. Pour les fonctionnaires et les indépendants, des mesures de compensation sont envisagées. Seuls les retraités dont la pension mensuelle dépasse 1 200 euros, soit quand même 60 % des retraités, subiront une baisse de pouvoir d’achat. Toutefois, les retraités dont les revenus annuels sont inférieurs à 20 000 euros pour une personne seule et à 40 000 euros pour un couple bénéficieront dans le même temps de l’exonération de la taxe d’habitation promise par M. Macron. « Nous allons rythmer la mesure CSG avec la mesure taxe d’habitation pour que les deux se contrebalancent », a précisé le premier ministre, Edouard Philippe.

Qu’à cela ne tienne, la droite pilonne la hausse de la CSG, affirmant redouter « un choc fiscal sans précédent si En marche ! a la majorité à l’Assemblée ». Elle s’efforce de coller ce sparadrap à la majorité présidentielle avant les législatives, comme la gauche avait concentré ses attaques sur le projet de création de la TVA sociale après l’élection de Nicolas Sarkozy en 2007.

La droite n’est pas seule à cogner sur ce thème. Jean-Luc Mélenchon recourt au même argument, en ne s’encombrant guère de nuances ni de la vérité. Selon lui, le projet du gouvernement représente « une perte de 260 euros annuels pour les petits salaires et les petites retraites ». « Au niveau macroéconomique, il s’agit d’un retrait de près de 20 milliards dans l’économie réelle », ajoute-t-il. Tandis que Marine Le Pen prévoit « du sang et des larmes pour les retraités ».

  • Exonération de taxe d’habitation

C’est une des mesures phares du programme d’Emmanuel Macron. Tous les ménages dont le revenu fiscal de référence est inférieur à 20 000 euros, pour une personne seule, 40 000 euros pour un couple, soit 80 % des ménages, devraient être exonérés de la taxe d’habitation, l’Etat s’engageant à reverser aux collectivités un montant équivalent. Toutefois, des hausses postérieures du taux de la taxe ne seraient pas prises en compte. Ce dispositif devrait être mis en œuvre progressivement, en trois paliers, entre 2018 et 2020.

Mais les élus locaux craignent que la compensation promise « à l’euro près » ne tienne pas dans le temps. « La première année, le montant couvre totalement les pertes puis, peu à peu, celui-ci s’effiloche. Depuis bien longtemps, l’Etat ne compense plus réellement les conséquences de ses propres décisions », dénonçait récemment Philippe Laurent, secrétaire général de l’Association des maires de France (AMF). L’AMF, présidée par François Baroin, fustige « une mesure démagogique, non financée et attentatoire aux libertés locales ».

Toutefois, ces angles d’attaque semblent commencer à ébranler une partie de l’opinion. Selon l’enquête réalisée par Ipsos-Sopra Steria réalisée du 2 au 4 juin auprès d’un échantillon de 2 103 personnes, 50 % des personnes interrogées trouvaient que l’action du président de la République allait « dans la mauvaise direction », contre autant « dans la bonne direction », dans deux domaines : la fiscalité (incluant la suppression de la taxe d’habitation et la hausse de la CSG) et la réforme du code du travail. Alors que le président de la République recueille autour de trois quarts d’opinions favorables dans les autres domaines, ces réserves sonnent comme un premier signal d’alarme à la veille des élections législatives.