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Editorial du « Monde ». « Laissez-lui une chance », imploraient à l’unisson les partisans d’Emmanuel Macron avant ces élections législatives. Ils ont été entendus, bien au-delà de leurs attentes. Le nouveau président de la République devrait disposer, dans une semaine, de toutes les chances de mener à bien sa politique. Son parti a reproduit sa propre trajectoire, fulgurante.

La République en marche (LRM), qui n’existait pas il y a seize mois, est en passe de devenir la première formation de France, au moins à l’Assemblée nationale. Elle n’y rencontrera presque aucune opposition : la droite pèse deux fois moins qu’avant, le PS est moribond, le FN et La France insoumise en très net recul par rapport à la présidentielle. En outre, nombre des survivants de ce premier tour meurtrier, socialistes ou Républicains, se sont déclarés compatibles avec le projet présidentiel, et prêts à le soutenir, ce qui ne devrait pas davantage être nécessaire que l’appui du MoDem de François Bayrou, noyé dans la masse des députés macronistes.

Mais il ne faut pas confondre vitesse et élan populaire. Cette poussée des électeurs de LRM, qui a porté presque partout ses candidats en tête, est encore très loin de représenter une large adhésion de pans entiers de l’opinion. La réussite inédite de ce parti à peine formé coïncide avec un autre record historique : pour la première fois dans l’histoire de la Ve République, plus de la moitié des électeurs n’ont pas participé au scrutin législatif. Cette érosion continue depuis l’instauration du quinquennat a connu cette fois une aggravation considérable : 8 points de participation évaporés par rapport à 2012. Là encore, le parti copie le président qui fut élu en mai avec 43,5 % des électeurs inscrits. Cette fois, l’avance conséquente des « marcheurs » repose sur à peine plus de 15 % des inscrits.

Déficit de la représentation

Cette distorsion, préoccupante, est en partie due à des causes circonstancielles. Au bout d’une année d’une campagne présidentielle particulièrement intense, nombre d’électeurs ont pu ressentir une lassitude. Les innombrables déçus de l’issue de ce scrutin, les nombreux déboussolés par la tactique déployée par Emmanuel Macron, ont pu choisir de se retirer du jeu et d’attendre de voir ce que la nouvelle majorité ferait de son pouvoir.

Cette abstention record est aussi le produit de la Ve République. Depuis l’instauration du quinquennat, la présidentielle pèse d’un poids encore accru et dévitalise le scrutin parlementaire. Depuis 1958, la présidentialisation du régime fait tourner notre vie politique autour d’un seul homme, pivot du système. A l’évidence, Emmanuel Macron a tiré le meilleur parti de cette mécanique. Mais saura-t-il – voudra-t-il seulement – en conjurer les risques ?

Le nouveau président semble avoir surmonté l’une des faiblesses des derniers quinquennats : le défaut d’incarnation. Les enquêtes d’opinion le démontrent : son entrée en fonctions réussie, notamment sur la scène internationale, a d’emblée cristallisé les intentions de vote en faveur des candidats LRM. Pour autant, ces élections législatives risquent encore de creuser l’autre grand déficit de notre système politique : celui de la représentation.

Bien sûr, il y aurait une forte dose de mauvaise foi à reprocher au parti du président sa future hégémonie parlementaire, alors que d’autres partis, avant 2017, ont également bénéficié de confortables majorités absolues. Toutefois, aucun n’avait jusqu’ici obtenu autant de sièges avec aussi peu de voix. Et surtout, cette majorité écrasante devra être à la hauteur de la promesse de renouvellement formulée par le président.

Comment respecter l’exigence du débat quand on peut se permettre de ne pas prêter attention à la contradiction ? Comment s’imposer la contrainte d’un changement beaucoup plus profond que celui des personnes : celui des pratiques ? Comment éviter les tentations de l’entre-soi quand on est issu de milieux aussi socialement homogènes ? Comment des députés, pour la plupart novices, qui doivent tout au choix d’un homme, exerceront-ils leur pouvoir, et particulièrement celui du contrôle de l’exécutif ? Comment éviter que la contestation, inexistante au Parlement, cherche à s’exprimer ailleurs ? Il n’est pas trop tard, avant le second tour de ces législatives, pour commencer à poser ces questions aux candidats d’Emmanuel Macron.

Législatives 2017 : « il y a une confirmation de la volonté de renouvellement du système politique »
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