Le gouvernement du premier ministre australien, Malcolm Turnbull, lors de sa prestation de serment, le 19 juillet 2016 à Canberra. | PETER PARKS / AFP

Il faut remonter au XIXsiècle, du temps des colonies britanniques, pour retrouver un tel niveau d’immigration sur l’île-continent : aujourd’hui, 28 % des 24 millions d’Australiens sont nés à l’étranger. Ce taux est l’un des plus élevés au monde, bien au-dessus d’autres pays s’étant construits grâce à l’immigration, comme le Canada (20 % en 2013, selon l’Organisation de coopération et de développement économique) et les Etats-Unis (13,1 %).

Or, ces migrants viennent de moins en moins d’Europe mais davantage d’Asie et, dans une moindre mesure, d’Océanie et d’Afrique, comme le montre l’étude Les immigrés en Australie, une population croissante et de plus en plus diverse, publiée mercredi 14 juin par l’Institut national d’études démographiques français et rédigée par des démographes australiens.

Alors qu’en 1947, 87 % des personnes immigrant en Australie étaient nées en Europe, et principalement au Royaume-Uni, ce pourcentage est tombé à 40 % en 2011. Et cette tendance continue de se confirmer. « C’est un changement considérable. Une plus grande partie de la population vient de Chine et d’Inde. Notre pays est de plus en plus multiculturel », souligne l’un des deux auteurs de l’étude, Tom Wilson, démographe à l’université Charles-Darwin, à Darwin.

La première explication est politique. Dans les années 1960 et 1970, Canberra a mis fin la « White Australia policy », la « politique de l’Australie blanche ». Cette pratique, « très discriminatoire » selon l’universitaire, avait pour objectif de garder une société homogène, britannique de préférence, puis européenne. Il fallait repousser les Chinois, déjà venus par milliers lors de la ruée vers l’or, au milieu du XIXe siècle, ainsi que les travailleurs en provenance des îles du Pacifique.

Le Royaume-Uni toujours en tête des pays d’origine

« La fin de cette politique a marqué un tournant dans l’origine des immigrés », explique Tom Wilson. Le scientifique met aussi en avant la mondialisation, en prenant l’exemple des nombreux Chinois et Indiens qui viennent étudier en Australie puis restent sur l’île-continent après y avoir trouvé un emploi.

Le Royaume-Uni figure toujours largement en tête du classement des pays d’origine des immigrés, avec 1,2 million de Britanniques installés en Australie en 2016, selon les données du Bureau australien des statistiques. Puis viennent la Nouvelle-Zélande (607 000 personnes), la Chine (526 000), l’Inde (469 000), les Philippines et le Vietnam. Mais ces chiffres peuvent être trompeurs car la population originaire du Royaume-Uni stagne, alors que celle venant d’Asie monte en flèche. En 1981, seulement 43 000 immigrés arrivaient d’Inde, contre 325 000 en 2011. Et le nombre de personnes nées dans un pays d’Asie du Sud-Est installées sur le sol australien a également beaucoup augmenté, passant de 140 000 en 1981 à environ 770 000 en 2011.

Le phénomène va s’accentuer car les immigrés originaires d’Europe sont plus âgés que ceux nés en Inde et en Chine. De plus, selon l’étude, « le vivier croissant d’étudiants bien formés et de professionnels qualifiés dans les pays en développement devrait entraîner une hausse de la part d’immigrés venant de ces régions, accentuant la diversité de la population immigrée en Australie ».

Cette forte immigration, qui s’appuie sur deux systèmes complémentaires – visas temporaires et installations permanentes – n’est pas toujours vue d’un bon œil. Les nouveaux venus sont accusés de prendre le travail des Australiens et les Chinois sont régulièrement accusés de faire flamber les prix de l’immobilier à Sydney et à Melbourne.

Durcir davantage l’accès à la nationalité

Mardi 13 juin, le premier ministre australien, Malcolm Turnbull, a demandé aux immigrés de devenir « des patriotes australiens » engagés dans la défense des valeurs du pays. Le gouvernement conservateur doit présenter cette semaine un projet de loi au Parlement afin de restreindre l’accès à la nationalité.

Si la loi est votée, le niveau du test d’anglais que doivent réussir les migrants sera rehaussé. Les prétendants à la nationalité seront également notés sur leur connaissance des valeurs nationales et devront prouver leur intégration dans la société, en montrant notamment qu’ils ont un emploi. Il leur faudra avoir résidé au moins quatre ans de manière permanente sur l’île, contre un an jusqu’à présent.

Tom Wilson ne pense pas qu’il s’agisse d’un tournant dans la politique australienne car, dit-il, « le débat sur la nationalité revient périodiquement ». En fait, le modèle australien est déjà très sélectif : il faut remplir des critères d’âge et de qualification pour venir dans le pays. Cependant, si l’immigration est très contrôlée, « elle joue un rôle important dans la société et l’économie et cela marche bien ». « La population d’origine étrangère va sans aucun doute encore augmenter dans les prochaines années », conclut d’ailleurs l’étude.