Le siège de la Réserve fédérale à Washington, le 14 juin. | ANDREW CABALLERO-REYNOLDS / AFP

Ni le ralentissement de l’inflation enregistré ces dernières semaines, ni les incertitudes grandissantes sur la politique économique de Donald Trump n’ont dissuadé la Réserve fédérale (Fed) de poursuivre son mouvement progressif de resserrement monétaire. La banque centrale américaine a effet décidé, mercredi 14 juin, de relever d’un quart de point ses taux directeurs pour les porter dans une fourchette située entre 1 et 1,25 %. En augmentant le loyer de l’argent pour le troisième trimestre consécutif, la Fed fait preuve d’une confiance raisonnable dans la poursuite de la reprise économique aux Etats-Unis.

Cette confiance est illustrée tout d’abord par la décision du comité de politique monétaire (FOMC) de relever de 0,1 point sa prévision de croissance pour 2017, en tablant désormais sur une hausse du produit intérieur brut (PIB) de 2,2 %, tandis que le taux de chômage devrait tomber à 4,3 %, soit 0,2 point de moins par rapport à ses dernières estimations publiées en mars.

La Fed considère que le net ralentissement observé au premier trimestre avec une croissance de seulement 1,2 % en rythme annuel (0,3 % en rythme réel) n’est que transitoire et qu’une sensible amélioration devrait intervenir dès le trimestre en cours. Le marché du travail a « continué à se renforcer », fait valoir le FOMC dans son communiqué publié à l’issue de deux jours de réunion, ajoutant que l’activité économique a « progressé modérément jusqu’à présent ». Les embauches restent « solides », bien que le rythme des créations d’emploi « a ralenti ». Quant aux dépenses des ménages, elles « se sont redressées » tandis que l’investissement des entreprises a « continué à se développer ». A noter que, pour le moment, la Fed n’accorde pas vraiment de crédit aux projections de Donald Trump qui a promis une croissance de 3 à 4 %.

Les « développements » de l’inflation surveillés

En attendant, jusqu’à présent, les précédentes hausses des taux n’ont pas eu d’impact significatif sur la consommation des Américains. Il faut dire que le resserrement monétaire se fait à dose homéopathique. Alors que la plupart des crédits à la consommation connaissent des taux à deux chiffres, un quart de point supplémentaire ne change pas radicalement la donne. « Tout ce que nous faisons en augmentant les taux consiste à alléger un peu la politique accommodante vers un rythme neutre. Nous n’agissons pas d’une façon agressive ce qui freinerait l’amélioration continue du marché du travail », s’est d’ailleurs défendue Janet Yellen, la présidente de la Fed, lors de sa conférence de presse.

En revanche, son enthousiasme à propos d’une reprise de l’inflation, signe d’une accélération de l’activité, est retombé. La hausse des prix devrait plafonner cette année à 1,6 %, alors qu’en mars la Fed projetait encore un taux de 1,9 %, tout près de l’objectif de 2 % qu’elle s’est fixé. Malgré tout, le FOMC pense que cette cible devrait être atteinte en 2018.

Ce ralentissement de la hausse des prix écorne quelque peu la lecture optimiste que la banque centrale fait de la reprise. Mais Mme Yellen s’est employée à ne pas dramatiser la situation. Elle affirme « surveiller étroitement les développements de l’inflation », tout en mettant en garde contre une surinterprétation des derniers chiffres, qui, selon elle, ont été tirés transitoirement vers le bas par les tarifs des opérateurs téléphoniques et le prix de certains médicaments.

En dépit de la faiblesse de l’inflation, la Fed compte procéder à au moins une nouvelle hausse de taux cette année. Le consensus des membres du FOMC table sur des taux d’intérêt qui devraient atteindre les 3 % à la fin de 2019. A ce jour, seul Neel Kashkari, le président de la Fed de Minneapolis, s’est déclaré hostile à la poursuite du resserrement monétaire, considérant que l’économie américaine n’était pas encore suffisamment solide pour absorber ce nouveau relèvement des taux.

Dégonflement du bilan programmé

Confiante dans la poursuite de la reprise, la Fed en a profité pour donner son plan de marche pour alléger son bilan. Dans la foulée de la crise, outre la réduction à zéro des taux d’intérêt, la banque centrale s’était parallèlement lancée dans une politique de rachat d’actifs pour soutenir l’activité. De façon inédite dans l’histoire, elle a ainsi accumulé plus de 4 200 milliards de dollars d’emprunts d’Etat et de titres de créances immobilières (MBS) dans lesquels, jusqu’à présent, elle réinvestissait quand les uns et les autres arrivaient à échéance.

Concernant les emprunts d’Etat, le FOMC a annoncé mercredi que, dans un premier temps, le rythme de ces réinvestissements allait ralentir de six milliards de dollars par mois, puis de 30 milliards d’ici 12 mois. Pour les MBS les réinvestissements chuteront d’abord de quatre milliards par mois, puis de 20 milliards par mois au bout d’un an. Cette politique devrait aboutir à un renchérissement progressif du coût du crédit pour les entreprises et les consommateurs

Mme Yellen n’a donné aucun calendrier précis pour déployer ce programme, mentionnant simplement que cela « pourrait prendre effet relativement rapidement ». On peut donc imaginer que l’allégement du bilan puisse débuter d’ici la fin de l’année, même si la Fed préfère rester prudente en conditionnant le calendrier au fait que « l’économie évolue globalement conformément aux attentes ».

Quoi qu’il en soit, Mme Yellen a expliqué que le but était que « personne ne soit pris par surprise », ajoutant que son espoir était que ce dégonflement du bilan soit un non-événement. « C’est quelque chose qui se déroulera silencieusement, en arrière-plan, sur un certain nombre d’années », a-t-elle estimé. Après avoir été critiquée pour ses atermoiements à durcir la politique monétaire américaine, la Fed commence à retrouver lentement mais sûrement des marges de manœuvre, qui seront bien utiles en cas de retournement de la conjoncture.