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LA NOUVELLE VIE DE PAUL SNEIJDER AU CINEMA LE 8/06/2016

Paul Sneijder ne sourit pas beaucoup. Pas du tout même, au début de cette fable acerbe qui met en scène le malheur d’un homme pour mieux montrer les travers du monde dans lequel il vit. Le film est situé et a été tourné à Montréal en hiver, et les rires qui s’échappent des situations absurdes du scénario se cristallisent en éclats de glace dans l’air gelé enveloppant Paul Sneijder. Ici, la comédie est amère, une nuance que proposent peu les cinéastes français.

La première séquence est située dans un funérarium. Un homme blessé – il boite et s’appuie sur une canne – vient chercher une urne dont on comprend qu’elle contient les cendres de sa fille. Gentiment, la préposée à l’accueil lui propose un pendentif renfermant un peu de ces cendres. L’homme, le regard absent, l’écoute à peine, oublie de se mettre en colère et rentre chez lui, les restes de son enfant sous le bras. Paul Sneijder a le regard clair de Thierry Lhermitte. Mais il faudra attendre presque une heure pour retrouver le sourire de l’acteur. Pour l’instant, il joue l’absence à soi-même, aux autres.

Pierre Curzi et Thierry Lhermitte | Cine Nomine

On découvre rapidement qu’il a survécu à un accident d’ascenseur, en sortant d’un restaurant panoramique dans lequel il venait de célébrer l’anniversaire de sa fille. Mais la femme qui accueille Paul ­Sneijder n’est pas en deuil. Anna (Géraldine Pailhas) a traîné son mari au Québec, où il est resté cadre moyen pendant qu’elle tutoie les échelons supérieurs de la hiérarchie. Elle l’a forcé à distendre ses relations avec sa fille, restée en France. Ensemble, ils ont eu deux garçons, qui sont sur le point d’entrer à l’université. Pour Anna, l’accident est l’occasion de percevoir des dommages-intérêts assez importants pour assurer les études des deux dadais à Harvard.

En état de mort clinique

Le corps brisé de Paul Sneijder se met en travers de cette mécanique. Plutôt que de courir au prétoire, que de reprendre le chemin du travail, il préfère prendre un emploi de promeneur de chiens, à la grande fureur de son épouse. Dans l’intérieur impersonnel des Sneijder, Géraldine Pailhas règne avec une énergie mauvaise qui impressionne d’autant plus que l’actrice ne nous y avait pas habitués.

LA NOUVELLE VIE DE PAUL SNEIJDER - Extrait du Film avec Thierry Lhermitte (2016)

Le scénario habile, adapté du Cas Sneijder, de Jean-Paul Dubois, par Thomas Vincent et Yaël Cojot-Goldberg, fait comprendre que le héros était en état de mort clinique avant l’accident. Si bien que le retour à la vie de Paul Sneijder nécessite d’impressionnants moyens de fiction. Des rencontres à rebours de la logique sociale – il se lie d’amitié avec l’avocat de la société d’ascenseurs qu’il devrait poursuivre, avec le patron de l’entreprise de promenades pour chiens, interprétés par de remarquables comédiens québécois, Pierre Curzi et Guillaume Cyr – et des situations à la frontière de la réalité, filmées sans précipitation dans l’univers glacé de Montréal. Il se heurte aussi à la résistance farouche du monde, dont son épouse est la représentante désignée.

On recommanderait presque de ne pas voir les dix dernières minutes du film, qui injectent un peu d’optimisme dans cet univers dérisoire ne laissant aucune chance à celui qui veut se racheter d’une vie de compromissions. Mais l’optimisme raisonnable de la conclusion permet au moins de voir Thierry Lhermitte sourire.

La Nouvelle Vie de Paul Sneijder, de Thomas Vincent. Avec Thierry Lhermitte, Géraldine Pailhas, Pierre Curzi, Guillaume Cyr (Fr.-Can., 2016, 110 min).