Le brouillon de Margaux, tout juste sortie de l’épreuve, devant le lycée Jean-Monod à Clamart (Hauts-de-Seine).

Margot jubile. Tee-shirt blanc et lèvres carmin, l’élève de terminale S trépigne d’un trop-plein d’énergie sur le trottoir du lycée Paul-Bert, dans le 14e arrondissement de Paris. il est 7 h 30, jeudi 15 juin, premier jour des épreuves du bac 2017, et les sujets de philosophie glisseront bientôt dans les mains des lycéens. « Je suis trop déter », lâche-t-elle. « Trop déterminée », traduit avec bienveillance son compère Gabriel au journaliste de passage qui a l’âge de son daron. La jeune femme ne doute pas que, stylo en main, elle va tout emporter : « Je suis grave forte en philo ! »

Tous les candidats ne partagent pas l’enthousiasme débordant de Margot. A 7 h 45, Malo, également en terminale S, compulse, acharné, un cahier de révision du bac. Théodore, en rang devant la porte d’entrée du lycée, psalmodie des citations, des œuvres et des auteurs entre deux coups d’œil à ses fiches : « Cela ne peut pas faire de mal », lâche-t-il, inquiet. A l’heure de l’examen, même si 90 % des candidats sont promis au succès, « cela reste stress, reconnaît Valeria, en terminale ES, faut pas faire partie des 10 % de recalés. » « Je suis nulle en philo, poursuit Sarah, je n’ai pas accroché avec la prof. »

Angoissé, Bastien, terminale S, ne l’est pas du tout au petit matin. « J’ai lâché les révisions depuis deux jours. » Pour le jeune homme, bachoter jusqu’à la dernière minute est contre-productif. « J’ai préféré me vider la tête. Pas de soucis, les professeurs nous ont bien préparés et les sujets de philosophie sont tellement vastes qu’il est toujours possible de croiser les notions acquises. » La crainte de la feuille blanche, il ne connaît pas. La matinée sera belle.

Coup de massue dès la première épreuve

A quelques kilomètres de Paris, quelques cerveaux des terminales du lycée polyvalent Jean-Monod à Clamart (Hauts-de-Seine) sont un peu embrumés : « Alors, t’as choisi la philo ? », questionne un candidat sous les yeux sidérés de ses camarades. A 11 h 30 devant les grilles, les premiers à avoir quitté les salles d’examen se retrouvent. « C’est horrible de sortir avant la fin, t’as la pression, tout le monde te regarde genre “t’es sûre que t’as fini ?” », déplore Carla. Si elle a pu boucler sa dissertation sur l’art en à peine deux heures et demie, ce n’est pas par manque d’inspiration, mais grâce à un coup de chance : « J’avais déjà eu exactement le même [sujet] au bac blanc, j’ai écrit six pages sans m’arrêter. » Tellement rapide qu’elle n’a pas eu le temps de finir son pique-nique : Twix, Chocobons et compotes à boire tapissent encore le fond de son sac à dos ; elle les distribue à ceux qui sortent à leur tour, encore un peu hagards.

« T’as mis quoi ? » Si cette question était transformée en mot dièse, elle serait certainement en « top tweet » sur les réseaux sociaux. Brouillons à la main, Dylan, qui passe un bac technologique STMG, et Eliaz, son camarade de S, comparent leurs plans. « J’suis deg, j’aurais voulu les sujets scientifiques. Là, le bonheur, on l’a survolé en cours », se désole Dylan, casquette en arrière solidement vissée sur la tête. Eliaz a rédigé « cinq pages et demie en trois heures ». « V’la, comment t’as charbonné », salue Dylan, impressionné. Ils espèrent bien avoir tous les deux la moyenne, voire « un peu plus » pour Eliaz, qui vise une mention bien. « Je sais que la philo c’est que coeff’3, mais je l’ai pas mal révisée quand même… J’aime bien. » Pas tous stratégiques, les terminales S.

D’autres, moins inspirés, se sont rabattus sur les explications de texte, « pas le choix, je ne connaissais ni l’art ni la raison », les deux sujets de dissertation, tranche Célia, candidate au bac ES. « En plus j’ai dû réécrire mon introduction parce que j’avais oublié de sauter des lignes ». Vent de panique dans ce petit groupe de terminales ES : « Fallait sauter des lignes ? J’ai rien sauté du tout, moi ! » Côté références et citations, Chloé s’inquiète un peu : « J’ai mis plein de trucs, mais pas beaucoup de philo, j’ai parlé des nazis… », « Moi aussi ! », s’exclame Suzy : le point Godwin n’a donc pas épargné la première épreuve du bac. La bande s’essaie finalement au relativisme, « quoi qu’il arrive, ça dépend des profs », puis à la relativisation, « ils savent qu’on n’est pas des philosophes de toute façon », et enfin soupire « au moins, c’est terminé ». Ce qu’ils redoutent vraiment, c’est l’épreuve de vendredi d’histoire-géographie, une matière où il faut « tout connaître par cœur, et ça, ça fait flipper », confesse Félix.

Le vrai bac « commence demain »

Retour sur le trottoir du lycée Paul-Bert. Bastien, rencontré si confiant avant l’épreuve, tire nerveusement sur une cigarette. Pas de page blanche, « mais je me suis bloqué, je n’avais pas les références attendues et enfin je me suis perdu dans la rédaction ». Un coup de massue dès la première épreuve du bac, que le jeune homme encaisse mal : « J’espère que ça ne sera pas comme ça dans les autres épreuves, sinon ça va être chaud. Il ne faut pas foirer une épreuve à coefficient 7. »

Clara, en terminale L, prend une longue respiration en sortant du lycée. Puis elle lâche : « C’était horrible ! Les deux sujets de dissertation m’inspiraient, puis j’ai finalement opté pour l’explication du texte de Rousseau. Mais nous ne sommes pas suffisamment préparés. En 1re, nous n’avons qu’une heure pour nous initier, puis lorsque nous basculons en terminale, nous passons à huit heures ! » Un choc, pas vraiment un accompagnement, regrette la lycéenne, qui ne retient qu’une note positive à cette matinée : « L’épreuve de philo est passée. »

La philo, « c’est un peu chiant », estime Paul, en terminale S. Quant à l’épreuve du matin, « j’ai dormi la première heure. C’était compliqué, je n’avais pas grand-chose à dire et je ne sais pas ce que les correcteurs attendent de moi ». Pour le lycéen, l’épreuve de philo est un satellite négligeable qui gravite autour des planètes mathématiques, physique et sciences de la vie et de la terre. « Ce n’est pas avec la philo qu’on aura le bac », résume Théo, lui aussi élève de S.

Alexandre, également matheux, a fait ses calculs : « Avec 13 en maths et 0 en philo, on a la moyenne. » Hors de question de mobiliser ses neurones pour de l’accessoire : « J’ai commencé à réviser cette matière hier soir en lisant des fiches sur Internet », avoue Ioannis. Les épreuves du bac, les vraies, « elles commencent demain », sourit ce futur étudiant en médecine.