Après vingt-cinq ans d’existence, la Constitution du Mali du 27 février 1992 pourrait connaître sa première révision. Adopté en conseil des ministres en mars, puis par l’Assemblée nationale dans la nuit du 2 au 3 juin, le projet de révision constitutionnelle, annoncé par le président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) en début d’année, doit être soumis à référendum le dimanche 9 juillet. La campagne ne débutera officiellement que le 23 juin mais, déjà, l’opposition s’organise. Des manifestations se sont déjà produites pour dénoncer la volonté du président d’étendre ses pouvoirs.

  • Pourquoi le président veut-il réviser la Constitution ?

Officiellement, l’objectif principal de cette révision est de donner une suite à l’accord d’Alger, signé en mai-juin 2015 entre le gouvernement et la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA). L’accord est toujours en souffrance et cette modification de la loi fondamentale, si elle est adoptée, devrait officiellement permettre une plus grande décentralisation et une meilleure représentation des populations du nord du pays dans les institutions nationales.

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Le projet prévoit ainsi la création, dans les cinq régions administratives du Nord, d’assemblées dotées de pouvoirs importants. La création d’une seconde chambre, le Sénat, doit aussi répondre à cet objectif. Mais, pour l’opposition, le président Keïta, en fonction depuis septembre 2013, veut surtout accroître ses prérogatives, alors que se profile, en 2018, la présidentielle.

  • Quelles mesures du projet sont les plus contestées ?

L’opposition au texte se concentre autour de deux points précis. Le premier concerne le président de la Cour constitutionnelle. Jusqu’ici désigné par les autres membres de la Cour, il sera, si la révision de la Constitution est acceptée, nommé par le président de la République. Or, le président de la Cour constitutionnelle compte, parmi ses prérogatives, la responsabilité de proclamer les résultats définitifs des élections. « IBK » est donc soupçonné de vouloir, par cette mesure, préparer sa réélection en 2018.

La désignation des membres du futur Sénat, dont le nombre de membres n’est pas encore défini, cristallise aussi les mécontentements. Si deux tiers d’entre eux seront élus au suffrage universel indirect, le dernier tiers sera désigné par le président. Une répartition censée permettre au chef de l’Etat d’accroître, là encore, la représentation des autorités traditionnelles, notamment du Nord, au sein de cette seconde chambre. Mais bien que la majorité parlementaire ait annoncé que des lois permettraient d’encadrer cette mesure, rien n’empêchera, de fait, le président de nommer qui il veut.

« C’est une révision pour rien à l’exception de la volonté de créer un monarque, a dénoncé le Parti pour la renaissance nationale (Parena) dans un communiqué du 10 juin. Ce projet codifie la personnalisation du pouvoir, il codifie toutes les dérives autoritaires et autocratiques constatées ces dernières années. »

  • Comment l’opposition se fait-elle entendre ?

Tous les opposants n’ont pas les mêmes revendications. Certains appellent à un vote massif pour le « non » le 9 juillet, quand d’autres veulent faire retirer le projet avant même la tenue du référendum. « Difficile de faire confiance à un régime qui propose un projet de ce genre-là dans un contexte aussi difficile », déclarait ainsi Alhousseïni Abba Maïga, vice-président du parti Forces alternatives pour le renouveau et l’émergence (FARE), à RFI lundi 12 juin.

Dans le nord et le centre du pays, de larges zones échappent encore au contrôle des autorités maliennes et sont régulièrement la cible d’attaques de groupes djihadistes. Beaucoup craignent donc que le déroulement du vote soit perturbé dans ces régions, à l’image de ce qui s’était produit lors des dernières élections municipales, en novembre 2016. « Vouloir organiser un scrutin référendaire dans ces conditions relève de la cécité et du manque de sagesse », affirme le Parena.

Malgré ces divergences, l’opposition tente de montrer un visage uni. Une plateforme, baptisée « An te son, a bana ! » (ou « Touche pas à ma Constitution ! ») vient d’être créée pour organiser les mobilisations jusqu’au vote. Elle appelle à une grande marche dans les rues de Bamako, samedi 17 juin. Avant celle-ci, des manifestations ont eu lieu à Bamako le 8 juin et le 10 juin réunissant une centaine de personnes. Non autorisées et rapidement dispersées, elles se sont conclues par des confrontations avec les forces de l’ordre.