LES CHOIX DE LA MATINALE

Au menu, ce week-end : les images d’Evangelia Kranioti filmées à Rio de Janeiro à la galerie parisienne Vincent Sator ; la passion de Pierre le Grand pour la France exposée au Grand Trianon à Versailles ; des contes venus du Japon par Isabelle Genlis et Fumie Hihara au Théâtre de verdure du Jardin Shakespeare dans le bois de Boulogne ; le hip-hop en fête à la MC93 de Bobigny ; une nouvelle pièce de Pascal Rambert au Théâtre du Vieux-Colombier, avec Denis Podalydès.

ARTS. L’œuvre puissante d’Evangelia Kranioti à la galerie Vincent Sator, à Paris

En 2016, Evangelia Kranioti, née à ­Athènes en 1979, a beaucoup marché avec une caméra dans les rues de Rio de Janeiro, la nuit de préférence. Tantôt, elle captait à la volée ce qui se passait devant elle, dont des moments du carnaval. Tantôt, elle tournait des scènes avec l’un de ses personnages principaux, Luana Muniz, travesti maigre et nerveux au regard ­terrible, et un homme blême grimé en ange. Elle a monté ces séquences en un film, Obscuro Barroco ; et en a tiré ensuite une ­installation en deux écrans et quelques photographies, présentée dans la galerie Vincent Sator à Paris. On s’assied dans le noir et on est très vite pris par la singularité des images, une certaine ­ manière de jouer avec les effets et illusions que permet le numérique, la splendeur des nocturnes traversés de couleurs électriques. Chaque fois que le spectateur est sur le point de céder à la fascination, une rupture de ton et de lumière intervient, cassures d’abord déconcertantes dont la nécessité se comprend peu à peu. Entre fantasmes et mythologies d’une part, et quotidien de l’autre, Kranioti crée une œuvre visuelle et sonore puissante. Philippe Dagen

Galerie Vincent Sator, 8, passage des Gravilliers, Paris 3e. Tél. : 01-42-78-04-84. Du mardi au samedi de 14 heures à 19 heures. Jusqu’au 24 juin.

EXPOSITION. Pierre le Grand et la France au Grand Trianon, à Versailles

Pierre le Grand portant dans ses bras le jeune roi Louis XV, à l’hôtel de Lesdiguières, devant la cour et le régent Philippe d’Orléans, huile sur toile, par Louise Marie Jeanne Hersent (1784-1862). | MUSEE NATIONAL DES CHATEAUX DE VERSAILLES ET DE TRIANON

Jusqu’au 24 septembre est présentée au Grand Trianon à Versailles une exposition consacrée à la visite en France, en 1717, il y a tout juste trois siècles, de Pierre le Grand (1672-1725). Ce premier séjour à Paris du tsar russe est l’acte fondateur des échanges culturels entre les deux pays et le prologue de l’établissement de relations diplomatiques permanentes. Pour l’occasion, la Russie a prêté une centaine d’œuvres, soit les deux tiers des pièces exposées : cartes, plans, manuscrits, objets personnels, peintures, sculptures. Dont les deux remarquables bronzes, ciselés et patinés, de Carlo Bartolomeo Rastrelli, représentant le tsar et le prince Menchikov, son fidèle compagnon, en armures d’apparat. Cette exposition réalisée en partenariat avec le Musée d’Etat de l’Ermitage est une manière d’honorer la mémoire du bâtisseur de Saint-Pétersbourg, capitale de l’Empire russe, que le tsar modernisera sur le modèle européen des Lumières. Florence Evin

Grand Trianon, château de Versailles. Jusqu’au 24 septembre, tous les jours, sauf le lundi, de 9 heures à 18 h 30. Tarifs : de 13 € à 18 €.

CONTES. Avec Isabelle Genlis, le Japon dans le parc du Pré Catelan, à Boulogne

« Princesse Kaguya, la fille du coupeur de bambous », par Isabelle Genlis (récit) et Fumie Hihara (musique) au Théâtre de verdure du Jardin Shakespeare. | MELIE JOUASSIN

C’est dans un cadre original, celui du Théâtre de verdure du Jardin Shakespeare dans le bois de Boulogne, que la conteuse Isabelle Genlis propose plusieurs représentations de deux de ses spectacles, tous les week-ends jusqu’au 25 juin. Accompagnée par la musicienne Fumie Hihara, elle invite le public à plonger dans l’univers dépaysant d’histoires venues d’Asie, et plus précisément du Japon. Le samedi à 17 h 30, elle narre les aventures de la princesse Kaguya, née d’une canne de bambou, qui, une fois arrivée à l’âge de se marier, refuse systématiquement tous ses prétendants en les soumettant à des épreuves insurmontables. Celle dont le nom (Kaguyahimé) signifie littéralement « la Claire Demoiselle des bambous graciles » finira même par repousser la demande en mariage de l’empereur en personne. Ce n’est qu’après bien des péripéties et des rebondissements en tous genres que la jeune fille acceptera de dévoiler son secret.

Le dimanche à 16 heures, place au « Karuta », un jeu de cartes traditionnel japonais. Depuis des millénaires, la règle du jeu est restée la même : un premier joueur choisit une « Torifuda », une carte à jouer, chante le début du poème qui y est inscrit, le « Waka » (lointain ancêtre du « Haïku ») et défie le deuxième de chanter la fin de ce « Waka » sans attendre…Dans la version moderne proposée par Isabelle Genlis, le public choisit sa « Torifuda » et lance un défi au duo formé par la conteuse et sa musicienne. Cette dernière interprète un « Waka » (chanson/poème) choisi selon l’âge des spectateurs. La conteuse le complète aussitôt par une histoire. Une fois ce premier défi relevé, une nouvelle carte est tirée au hasard, et ainsi de suite. Avec à la clé, un véritable voyage à travers les saisons et les récits : les secrets de la carpe, le mystère de la bouilloire, le vieux sage qui fait fleurir les arbres… Cristina Marino

Princesse Kaguya, la fille du coupeur de bambous et Karuta, jeu d’histoires des 4 saisons, par Isabelle Genlis (récit) et Fumie Hihara (musique). Les samedis 17 et 24 juin à 17 h 30 et les dimanches 18 et 25 juin à 16 heures. Théâtre de verdure du Jardin Shakespeare, allée de la Reine Marguerite, route de Suresnes, Le Pré Catelan, bois de Boulogne, Paris 16e. Tarifs : de 10 € à 16 €.

DANSE. Le hip-hop en fête à la MC93 de Bobigny

« Bodies & Soul », une performance chorégraphique de la compagnie pro Bandidas. | MAI-HITOMI-HIME

Entre La Courneuve, Aubervilliers, Pantin, Bobigny, Nanterre et Bagnolet, le festival Danse Hiphop Tanz égrène, depuis le 13 mai, ses performances professionnelles et amateurs sur différentes scènes de Seine-Saint-Denis. Sous la houlette de Yacine Amblard, qui connaît son département et la cause hip-hop sur le bout des baskets, la 19e édition de ce rendez-vous a distingué six spectacles parmi lesquels ceux de la compagnie des Enfants prodiges, de Mehdi Ouachek et Soria Rem ou d’Amala Dianor, mais aussi dix troupes amateurs. Le samedi 17 juin, à la MC93, à Bobigny, ce sera la fête avec le « Tremplin découverte amateur d’Ile-de-France » 2017. Onze groupes rassemblant près de 90 danseurs âgés de 6 à 25 ans vont présenter chacun une forme courte de quatre à six minutes. Pas de jury mais chaque troupe élit sa performance préférée. Le titre de « Découverte amateur Ile-de-France » est accompagné d’une petite tournée sur la saison 2017-2018. Un show des Bandidas, collectif de cinq danseuses, conclura le spectacle. Le vivier hip-hop grandit. Rosita Boisseau

MC93, 9, boulevard Lénine, Bobigny. Tél. : 01-41-60-72-72. Samedi 17 juin à 16 heures. Entrée libre sur réservation (par mail : reservation@mc93.com).

THÉÂTRE. Denis Podalydès dans « Une vie », de Pascal Rambert, au Vieux-Colombier

Denis Podalydès (avec Jennifer Decker en arrière-plan) dans « Une vie », de Pascal Rambert au Théâtre du Vieux-Colombier. | CHRISTOPHE RAYNAUD DE LAGE

Pascal Rambert aime écrire pour des comédiens qu’il aime. Denis Podalydès en est un, avec qui il entretient des relations privilégiées. Après avoir lu Avignon à vie dans la Cour d’honneur du Palais des papes, à Avignon, en 2013, le grand sociétaire de la Comédie-Française a créé Répétition, en 2014, et joue ce printemps le personnage principal d’Une vie : un peintre célèbre interrogé par un critique d’art, dans un studio de radio. Cet homme n’a pas de nom, mais un style : il privilégie la peinture figurative dans une époque qui ne la prise guère, avec une prédilection pour les visages et les sexes. Le critique (Hervé Pierre, magnifique d’onctuosité vaniteuse) lui demande d’expliquer son choix. Mais, comme cela arrive dans les interviews, le chemin de la conversation bifurque, et le peintre en vient à parler de lui. Des vivants et des morts le rejoignent dans le studio, sa mère, sa maîtresse, son frère haï, son ex-meilleur ami, lui-même tel qu’il était à 14 ans…

La frontière entre l’art et la vie, qui devient de plus en plus poreuse, permet à Pascal Rambert de tout dire, au risque d’aligner les clichés, mais au bonheur de s’abandonner à l’amour qui guide sa démarche, comme celle de l’artiste peintre : nommer le monde, avec ses litanies de mots, ses désirs fous, ses sexes jouissants, cette insolence à vivre. A ce jeu, Denis Podalydès est parfait. Il sait toujours tirer le meilleur des textes, et il suffit qu’il entre en scène, avec son jean usé, ses pieds nus dans ses mocassins crème et son regard noir, pour qu’il impose sa présence. La présende d’une vie. Brigitte Salino

Théâtre du Vieux-Colombier, 21, rue du Vieux-Colombier, Paris 6e. Mo Saint-Sulpice. Tél. : 01-44-58-15-15. Vendredi et samedi, à 20 h 30 ; dimanche, à 15 heures. Tarifs : de 12 € à 32 €. Durée : 1 h 50.