La Porsche 919 Hybride nº 2 pilotée par le Néo-Zélandais Earl Bamber remporte la 85e édition des 24 Heures du Mans, jeudi 18 juin à 15 heures. | DAVID VINCENT / AP

Comment dit-on « scoumoune » en japonais ? Le sort semble s’acharner sur l’écurie nipponne Toyota qui, une fois encore, échoue à remporter son premier succès aux 24 Heures du Mans. Dimanche 18 juin, elle a laissé la victoire à Porsche, déjà vainqueur en 2016, et sa numéro 2 pilotée par Brendon Hartley, Earl Bamber et Timo Bernhard. L’écurie allemande est donc la seule représentante de la catégorie reine (LMP1, Le Mans prototype 1) à monter sur le podium devant deux LMP2, la numéro 38 de Jackie Chan Racing et la numéro 13 de Vaillante Rebellion. Un scénario inédit en 85 éditions.

Rien ne s’est déroulé comme prévu depuis samedi 15 heures et le départ donné par Chase Carrey, grand patron de la Formule 1. Ainsi en a décidé le sort.

La malédiction de Toyota

Le constructeur japonais pensait pourtant son heure venue, après l’annonce, à la fin de 2016 par Audi, 13 fois vainqueur des 24 Heures, de son retrait de la compétition pour cause de « dieselgate ». Ce renoncement fut d’ailleurs une « tuile » pour les organisateurs de l’Automobile Club de l’Ouest (ACO), qui voyaient là partir un partenaire de poids, se retrouvant avec seulement deux écuries à aligner en LMP1.

Pour étoffer l’offre, ils autorisaient alors Toyota à inscrire trois voitures et Bykolles Racing Team à prendre le départ en LMP1 « privée ». Celle-ci abandonnera après une demi-heure de course.

Trente ans après sa première participation aux 24 Heures, Toyota semblait enfin en position de force face aux deux Porsche. Une impression confortée par une domination nette lors des qualifications, sanctionnée par une pôle position et un record du tour.

« Je pense que les Porsche seront aussi rapides en course que les Toyota », pressentait toutefois, samedi matin Franck Lagorce, ex-pilote de F1, dix Le Mans au compteur et désormais consultant pour France Télévisions.

Les pilotes Stéphane Sarrazin et Mike Conway assistent, samedi 17 juin à 23 h 45, à l’abandon sur panne de leur Toyota nº 7. Au volant, leur coéquipier Kamui Kobayashi. | JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP

Stéphane Sarrazin maudit

Ce qui n’était pas prévisible en revanche, c’est l’abandon de deux Toyota sur trois, les numéro 7 puis 9, à une demi-heure d’intervalle, après dix heures de piste. Du technicien au manager, tous les membres de l’équipe semblaient atterrés.

Lors de l’édition 2016, Toyota semblait assurée de la victoire jusqu’à ce que la voiture s’arrête sur panne mécanique à moins d’un tour de la fin. Le Français Stéphane Sarrazin était déjà pilote du team nippon. Il semble aujourd’hui poursuivi par le destin, alors qu’il partageait le volant de la numéro 7. A 41 ans, lui aussi court après sa première victoire malgré seize participations.

Les premières heures dominicales inauguraient une configuration de course surprenante. La Porsche nº 1 du trio Lotterre-Tandy-Jani se trouvait seule en tête devant les LMP2 de Jackie Chan DC Racing pilotée par Tung-Laurent-Jarvis et deux Vaillante Rebellion. La LMP1 suivante, la Porsche nº 2, pointant alors à la 16e place, et l’unique Toyota hybride nº 8 de Buemi-Davidson-Nakajima à la 52e.

« Jackie Chan est-il au courant ? »

A quatre heures de l’arrivée, le schéma directeur semblait organisé derrière la Porsche nº 1. Suivie par la numéro 38 de Jackie Chan Racing, qui bénéficiait de l’abandon notable de la LMP2 nº 31 pilotée par Nicolas Prost – fils d’Alain –, Bruno Senna – neveu de la légende Ayrton – et Julien Canal.

La star de cinéma chinoise Jackie Chan « est-elle tenue au courant de l’exploit de son écurie ? », demandait alors le commentateur de la course. Dans les stands, l’équipe était visiblement dépassée par ses propres résultats. « Nous ne savons pas vraiment. Et puis il y a le décalage horaire… »

Tout peut arriver au Mans, c’est ce qui rend cette course mythique. A 11 h 12, dimanche, la Porsche de tête roule au ralenti avant de s’arrêter. Les visages masqués changent de camp. Les treize tours d’avance de la Porsche fondent au soleil. A midi moins cinq, l’Oreca de Jackie Chan Racing prend la tête du général. Derrière, la Porsche nº 2, en constante remontée, se lance à sa poursuite, avec deux tours de retard.

La logique de la puissance l’emporte. La LMP1 et ses mille chevaux l’emportent. Loin derrière, la seule Toyota LMP1 encore en piste passera de la 52e à la 9e. Comment se dit remontada en japonais ?

24 Heures du Mans: 12h00, une LMP2 en tête de la course
Durée : 01:23

Première dans les catégories Grand Tourisme (LMGTpro) l’Aston Martin nº 97 de Turner-Adam-Serra, 18e au général, devance la Ford nº 67 de Priaulx-Tincknell-Derani et la Corvette nº 63 de Magnussen-Garcia-Taylor.

La meilleure LMGT amateurs, la JMW nº 84 de Smith-Stevens-Vanthoor, 27e au général, précède la Spirit of Race nº 55 de Cameron-Scott-Cioci et la Scuderia Corsa nº 62 de MacNeil-Sweedler-Bell.

Course de « deuxième » catégorie

Un lot d’imprévus supérieur à la moyenne, qui faisait la joie des spectateurs et des commentateurs, mais pose aussi de vraies questions. Les 24 Heures du Mans ont-ils vocation à se métamorphoser en course de « deuxième » catégorie, faute de moyens suffisants pour maintenir une catégorie d’élite ? L’arrivée annoncée du constructeur français Peugeot devrait apporter un début de réponse.

Dans les tribunes, le débat avait été tranché en amont. Sensible au départ d’Audi, à la menace terroriste, aux élections législatives (?), mais aussi au Brexit – ce qui a fait renoncer une partie des Anglais – le public était annoncé moins nombreux cette année. Selon les chiffres de l’ACO publiés après l’arrivée, 258 500 personnes ont assisté aux 24 Heures du Mans 2017, contre 263 500 lors de l’édition 2016.