L’« Amundsen », en 2015. | CLEMENT SABOURIN / AFP

L’Amundsen, l’unique brise-glace de recherche canadien, a annulé le 12 juin une partie de son expédition annuelle en Arctique à cause de perturbations climatiques sévissant au nord de Terre-Neuve. L’ironie de l’affaire est que les chercheurs à bord devaient y mener une importante étude sur les changements climatiques. Dirigé par l’université du Manitoba avec le concours de quatre autres universités canadiennes, le projet Hudson Bay System (BaySys) devait se dérouler sur quatre ans et bénéficier de 17 millions de dollars canadiens (11 millions d’euros) de financement.

Une quarantaine de scientifiques se trouvaient depuis le 25 mai à bord de l’Amundsen qui voguait vers la baie d’Hudson. Ils devaient y passer plusieurs semaines pour étudier l’impact des changements climatiques sur les écosystèmes et sur des installations hydroélectriques. Au lieu de poursuivre leur route, ils ont été forcés de débarquer à Saint-Jean de Terre-Neuve dans le golfe du Saint-Laurent, car l’Amundsen a été réquisitionné par les gardes-côtes canadiens – auquel il appartient –, pour des opérations de déglaçage et de sauvetage.

Des embâcles se forment souvent au printemps dans le détroit de Nares entre le Groenland et l’île d’Ellesmere, empêchant la banquise de descendre au sud. Mais cette année, au contraire, une importante partie de la glace du haut Arctique a emprunté ce passage pour s’avancer bien plus au sud, s’accumulant notamment dans le détroit de Belle-Isle, entre le Labrador et l’île de Terre-Neuve, ainsi qu’au large de la côte nord-est de l’île.

De plus en plus de situations extrêmes

« De nombreux bateaux de pêche étaient pris dans la glace ou coulaient. Les gens étaient secourus par hélicoptère, des navires chargés de carburant devaient être escortés pour ravitailler des communautés », a raconté David Barber, professeur à l’université du Manitoba, spécialiste des changements climatiques en Arctique et chef scientifique de l’expédition.

Les nouvelles conditions climatiques réduisent non seulement l’étendue et l’épaisseur de la glace de mer arctique, mais augmentent aussi sa mobilité. Du coup, explique M. Barber, les conditions de glace seront de plus en plus variables et risquent de reproduire des situations extrêmes comme celle-ci.

A bord d’un brise-glace canadien au-delà du cercle polaire
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Images : AFP/Web

Louis Fortier, directeur scientifique de l’Amundsen et professeur de biologie à l’université Laval, a annoncé que l’expédition 2017 reprendrait le 6 juillet, afin de réaliser des études océanographiques et de poursuivre une enquête sur la santé des Inuits du Nunavik, le reste de la mission devrait être reporté à 2018. Il a cependant déploré qu’aucun autre brise-glace des gardes-côtes canadiens n’ait été dépêché sur les lieux. Selon M. Barber, les autres équipements lourds de ce type étaient tous en réparation.

Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, les chercheurs ont recueilli des données sur la physique de la glace, de l’océan et de l’atmosphère au large de Terre-Neuve. Avant d’être contraints de quitter le navire, ils ont pu confirmer qu’une large part de la glace rencontrée provenait bien du haut Arctique. Cet épisode malheureux confirme ce que les recherches canadiennes indiquent clairement, a précisé M. Barber : « Le changement climatique n’est pas quelque chose qui se produira dans l’avenir : il est déjà présent ».