Dans une salle d’audience surchauffée, la défense de Teodoro Nguema Obiang Mangue, dit « Teodorin », a bataillé, lundi 19 juin, pour tenter de mettre en échec le procès du vice-président de la Guinée équatoriale, accusé de s’être bâti frauduleusement en France un patrimoine considérable. C’était le premier jour d’audience dans l’affaire dite des « biens mal acquis », qui se tient jusqu’au 6 juillet au tribunal correctionnel de Paris.

Fils du président Teodoro Obiang Nguema Mbasogo et ancien ministre de l’agriculture et des forêts, Teodorin Obiang, bientôt 48 ans, est poursuivi pour « blanchiment d’abus de biens sociaux », « détournement de fonds publics », « abus de confiance » et « corruption ». M. Obiang, qui ne s’est pas présenté devant le tribunal, encourt jusqu’à dix ans d’emprisonnement et une amende qui pourrait atteindre 50 millions d’euros.

Les petits voyages de Teodorin Obiang
Durée : 03:25

L’enquête, ouverte après des plaintes des associations Sherpa et Transparency International, a mis au jour son patrimoine considérable : un immeuble avenue Foch, dans l’un des quartiers les plus huppés de Paris, estimé à 107 millions d’euros, et des voitures de luxe et de sport (Porsche, Ferrari, Bentley, Bugatti). Au terme de l’instruction, les juges ont estimé que son patrimoine, évalué à une centaine de millions d’euros, ne pouvait avoir été financé par ses seuls revenus officiels mais était issu de détournements de fonds publics.

Une « immunité de carnaval »

Il y a six mois, Teodorin Obiang avait obtenu un premier report du procès afin d’accorder un délai à ses avocats pour préparer sa défense. Son avocat, Me Emmanuel Marsigny, a demandé en vain, lundi, un nouveau report en attendant l’issue d’une procédure en cours devant la Cour internationale de justice (CIJ), à La Haye, aux Pays-Bas.

Saisie par la Guinée équatoriale, qui conteste les poursuites françaises contre son vice-président, la CIJ a rendu le 7 décembre 2016 une ordonnance selon laquelle la France doit assurer, jusqu’à l’issue de la procédure, l’inviolabilité du luxueux immeuble de l’avenue Foch, saisi par la justice. Malabo présente cet immeuble comme des locaux diplomatiques.

Rejetant la demande de renvoi, le tribunal a estimé que l’instance en cours devant la CIJ rendait « impossible » de mettre en œuvre une éventuelle confiscation, mais pas de la prononcer. Mais la défense soulève d’autres arguments : selon Me Marsigny, l’ordonnance qui saisit le tribunal est nulle, car Teodorin Obiang bénéficie selon lui, le temps de ses fonctions, d’une immunité de juridiction octroyée par son statut de vice-président.

« C’est un faux vice-président », titre donné par son « papa » pour « échapper » à la justice française, a rétorqué Me Jean-Pierre Spitzer, avocat de la Coalition restauratrice de l’Etat démocratique (Cored), qui réunit des opposants au pouvoir en place. « Immunité de carnaval », « de bazar », a renchéri Me William Bourdon, avocat de Transparency International.

Le tribunal dira mercredi, à la reprise de l’audience, ce qu’il entend faire face à la demande de la défense.

La défense crie au « procès politique »

Surtout, la défense estime que, pour juger Teodorin Obiang pour blanchiment, la justice française va devoir déterminer si l’argent qui a servi à financer tous les achats a une origine licite ou non, c’est-à-dire juger selon la loi française un prévenu étranger pour des faits commis à l’étranger. Ce qui « revient de fait à créer une compétence de juridiction universelle », a plaidé Me Marsigny, ajoutant : « C’est un problème juridique majeur. » Selon lui, la France « s’exposerait à une saisine du Conseil de sécurité des Nations unies ».

Sentiment de « nausée, d’écœurement », a répliqué Me Bourdon, interrompu par Me Marsigny, qui crie au « procès politique ». Me Bourdon a poursuivi en reprochant à la défense de Teodorin Obiang de vouloir « creuser le tombeau de ce procès » et ériger le « mausolée de son impunité ». Ce à quoi Me Sergio Tomo, autre conseil de M. Obiang, a répondu en comparant son adversaire, proverbe africain à l’appui, à un crabe qui aurait « du mal à danser » car il a « trop de pattes », ou encore en l’accusant d’attendre la confiscation de l’immeuble de l’avenue Foch pour toucher ses honoraires.