Jean-Luc Mélenchon et les députés de La France insoumise, mardi 20 juin, à l’Assemblée nationale. | MARTIN BUREAU / AFP

Chemise blanche et sans veste, Jean-Luc Mélenchon déboule sur la place du Palais-Bourbon, à Paris. Il est aux anges. Mardi matin, il a donné rendez-vous aux nouveaux élus de La France insoumise (LFI) avant d’entrer en force, mais par la porte, dans le bâtiment qui leur fait face. Le tout nouveau député des Bouches-du-Rhône, qui n’hésite plus à commencer ses phrases par un « nous, les Marseillais », salue chacun avec un grand sourire. « Bonjour, M. le député, bonjour, Mme la députée… » Ils sont seize à être présents – le communiste Stéphane Peu ayant fait défection.

Il y a là ses deux fidèles lieutenants, Alexis Corbière et Eric Coquerel, mais aussi l’ex-Front de gauche, Danièle Obono, ou encore des jeunes pousses comme Adrien Quatennens ou Mathilde Panot. Sans oublier le journaliste François Ruffin ou la porte-parole d’Ensemble, Clémentine Autain. Beaucoup, dans leur vie politique, ont plus souvent connu des défaites que des victoires. L’excitation est palpable. Eric Coquerel glisse être « super ému » : « J’ai toujours rêvé d’être député de la nation ! » A ses côtés, le « rédac’chef » de Fakir, François Ruffin, est assailli par les médias. « L’inquiétude m’a très vite repris, confie-t-il. Je sais qu’on a cette phrase un peu langue de bois en disant : “Je mesure ma responsabilité”, mais c’est vrai ! »

Président du groupe

Après avoir tancé les journalistes qui s’agglutinent autour de lui, Jean-Luc Mélenchon démarre une conférence de presse. Il dit ressentir « une immense fierté » et vante un groupe « à l’image du pays » avec la présence d’une aide-soignante, d’une bibliothécaire, d’un technicien. Un groupe qui sera « le porte-voix du pays » et non « une collection d’individualités ». L’ancien sénateur confirme qu’il va en prendre la présidence. « C’est ce qu’il y a de mieux à faire dans ce moment où il faut donner une impulsion, souligne-t-il. Mes amis me font l’honneur et la confiance de marcher devant. » Une annonce qui risque de refroidir ses anciens alliés communistes qui n’ont toujours pas indiqués s’ils rejoignaient ou non le groupe de La France insoumise. L’affaire semble mal engagée. « Il y a plusieurs questions à régler », balaye M. Mélenchon.

Devant les micros, le tribun de la gauche radicale embraye sur le troisième tour social qu’il appelle de ses vœux : « Nous souhaitons que le peuple se mette en mouvement ! » Pendant sa campagne législative, il n’avait cessé de dénoncer le « coup d’Etat social » que préparerait Emmanuel Macron. Dimanche, au soir de sa victoire à Marseille, il avait réclamé un référendum sur la future loi travail. Pour être au cœur du réacteur, il pourrait aussi être tenté de postuler à la commission des affaires sociales où sera examiné le projet de loi d’habilitation qui permettra au gouvernement de réformer le code du travail par ordonnances.

Refus de se plier au protocole

De quoi donner le ton. D’autant qu’avant même d’avoir mis un pied à l’Assemblée nationale, « JLM » a lancé un premier buzz, en critiquant Cédric Villani, mathématicien et médaillé Fields, élu de La République en marche dimanche dans l’Essonne. « J’ai vu le matheux, là. Je vais lui expliquer ce qu’est un contrat de travail, il va tomber par terre, parce qu’il ne le sait pas. Il ne sait pas que la journée de 8 heures, c’est cent ans de lutte ! Le gars, il croit que ça a toujours été comme ça ! » La réponse de l’intéressé n’a pas traîné, sur Twitter : « Cher@JLMelenchon, Directeur de l’IHP [Institut Henri Poincaré], j’en ai vu des contrats de travail… mais c’est tjs un plaisir de recevoir des cours particuliers ! »

La petite troupe se dirige alors vers l’entrée du Palais-Bourbon. En chemin, une photo de famille ponctuée d’un sonore « Et à la fin, c’est nous qu’on a… gagné ! » Signe des temps, le slogan de Fakir est passé du futur au passé. « Nous voilà ! », lance M. Mélenchon, bras dessus, bras dessous avec Eric Coquerel. Tous les seize, ensemble, en bande, ils remontent l’allée qui mène à l’entrée des Quatre Colonnes. Nouvelle photo, le poing levé cette fois, avant d’y pénétrer. Le chef de file de La France insoumise reprend la parole et cite Jean Jaurès. « On a le cœur gros comme ça… Nous sommes la suite de cette histoire », lâche-t-il.

Jean-Luc Mélenchon et les députés de La France insoumise, mardi 20 juin, à l’Assemblée nationale. | CHARLES PLATIAU / REUTERS

A l’intérieur, l’ancien socialiste n’en fait qu’à sa tête. Il veut emmener ses amis voir le monumental haut-relief en bronze de Jules Dalou. Mirabeau répondant à Dreux-Brézé représente le député du tiers état, au moment il aurait prononcé cette célèbre réplique : « Nous sommes ici par la volonté du peuple et nous n’en sortirons que par la force des baïonnettes. » Mais pas question pour le député « insoumis » de se plier au protocole. Le voilà qui repousse l’huissier qui souhaitait le guider dans le parcours réservé aux nouveaux élus.

La suite se lit sur son compte Twitter. A 65 ans, Jean-Luc Mélenchon est comme un gamin. Lui qui avait fréquenté l’Assemblée quand il était ministre de Lionel Jospin redécouvre les lieux et fait le guide. Une vidéo est postée sur l’entrée des députés LFI dans l’Hémicycle. Plus tôt, c’était une photo où on le voyait tout sourire passant sa célèbre cravate rouge au cou d’Alexis Corbière pour la photo officielle. Un geste qui revêt une signification politique ? « Evidemment », répond son bras droit. Chez Jean-Luc Mélenchon, tout est politique, même sa cravate.