François Bayrou, à Paris, le 1er juin. | Philippe Wojazer / REUTERS

« Un quart du gouvernement qui tombe : c’est une crise gouvernementale majeure et un scandale politique. » A l’instar du vice-président du parti Les Républicains (LR), Laurent Wauquiez, l’opposition a volontairement dramatisé l’annonce des départs de François Bayrou et de Marielle de Sarnez du gouvernement, mercredi 21 juin au matin, après ceux de Richard Ferrand, lundi, et de Sylvie Goulard, mardi, dans l’espoir de fragiliser l’exécutif. « La présidence jupitérienne commence par une crise ministérielle foudroyante. Le macronisme gouvernemental débute dans un amateurisme total. En marche vers le bazar ! », a fustigé à son tour le député LR de l’Yonne, Guillaume Larrivé.

A droite, beaucoup considèrent le départ du ministre de la justice, François Bayrou, comme un dénouement logique, alors que ce dernier devait porter le projet de moralisation de la vie publique comme ministre de la justice, sur fond de soupçons d’emplois fictifs d’assistants parlementaires au sein du MoDem. « C’est une logique imparable qu’il quitte le gouvernement. C’était un scandale démocratique qu’il soit resté au gouvernement, alors qu’il pouvait avoir accès à certains éléments compte tenu de ses fonctions », a jugé le député LR des Alpes-Maritimes, Eric Ciotti. Dans cette affaire, une enquête préliminaire pour abus de confiance a été ouverte par le parquet de Paris, le 9 juin pour chercher à savoir si le MoDem a salarié des employés en les faisant passer pour des assistants parlementaires européens.

« Il faut purger »

« François Bayrou n’avait vraiment pas le choix, appuie le député LR de la Manche, Philippe Gosselin. Il était dans la nasse et pour Macron, il devenait le sparadrap du capitaine Haddock. Le projet du gouvernement sur la moralisation de la vie publique était plombé car la confiance ne pouvait être établie dans ce contexte, avec un ministre visé par une mise examen. » Selon lui, « il faut purger car il y a une attente forte de nos concitoyens sur la probité. » « C’était intenable et d’une certaine façon, il y a une justice », conclut M. Gosselin, en résumant le sentiment ambiant à droite, où le leader du MoDem reste perçu comme un traître depuis son soutien à François Hollande en 2012 : « On ne va pas pleurer sur le sort de Bayrou ! »

Depuis plusieurs semaines, les ténors de LR, en particulier le secrétaire général Bernard Accoyer ne cessaient d’exiger le départ de M. Bayrou du gouvernement. Mercredi matin, la direction du parti se félicitait de ce dénouement : « C’est nous qui avons le plus tapé depuis le début de l’affaire donc notre ténacité a payé. On considérait qu’il était intenable de mener le débat sur la modernisation de la vie publique dans ce contexte. Donc, les faits nous donnent raison. »

« La seule issue possible »

Même sentiment chez l’ancien président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, Olivier Faure : « Le départ du gouvernement de François Bayrou et des ministres impliqués dans des affaires judiciaires était la seule issue possible. Il était inimaginable que le garde des Sceaux qui professe l’exemplarité et porte un projet de loi de moralisation de la vie publique puisse poursuivre son action comme si de rien n’était, alors qu’il est l’objet d’une enquête de ses propres services. » Pour M. Faure, « l’action publique ne peut plus souffrir du moindre soupçon. » « Et si l’hyper pouvoir de Macron n’était que le paravent de l’hyper décomposition ? », s’est interrogé, de son côté, l’ex-patron du PS, Jean-Christophe Cambadélis.

Un autre aspect était dénoncé par la droite, mardi matin : le fait que le ministre de la cohésion des territoires, Richard Ferrand, lui aussi visé par une enquête préliminaire, soit exfiltré du gouvernement pour prendre la tête du groupe des députés La République en marche (LRM) à l’Assemblée nationale. Et que Marielle de Sarnez, ministre des affaires européennes, soit exfiltrée de la même manière en prenant la tête du groupe MoDem dans l’Hémicycle. « Je demande au président de la République de ne pas déporter les problèmes du gouvernement à l’Assemblée nationale », a déclaré Daniel Fasquelle, député LR du Pas-de-Calais, voyant dans ce « recyclage » d’anciens ministres « à des postes majeurs » du Palais-Bourbon « une forme de mépris » à l’égard de cette institution. « Ne mettez pas deux personnages entachés par des affaires comme présidents de groupe à l’Assemblée nationale. Toute la politique française en subirait les conséquences », a également lancé M. Wauquiez sur RMC et BFM-TV.

Du côté des députés de la majorité, l’annonce du départ de François Bayrou et de Marielle de Sarnez a été accueillie avec une forme de soulagement. « On donne de la cohérence, a observé le député LRM de la Manche, Stéphane Travert. Leur départ est une manière de ne pas entraver l’action du gouvernement. Elle ne va pas être polluée par des membres qui pourraient être mis en examen. Ce sont des actes courageux. » « Je pense que maintenant les choses sont clarifiées », a jugé de son côté Cédric Villani, nouveau député macroniste de l’Essonne, sur France inter, en saluant une « décision très honorable ».