La chancelière allemande Angela Merkel lors des 70 ans du plan Marshall, à Berlin, le mercredi 21 juin. | Markus Schreiber / AP

La chancelière allemande Angela Merkel a célébré avec l’ancien secrétaire d’Etat américain Henry Kissinger, mercredi 21 juin, à Berlin, les 70 ans du plan Marshall, le programme économique américain octroyant des prêts aux Etats européens qui leur ont permis de se reconstruire au lendemain de la seconde guerre mondiale.

C’est le 5 juin 1947 que le plan a été annoncé à l’université d’Havard par le secrétaire d’Etat George Marshall, puis signé par seize pays, près de quatre mois plus tard. La République fédérale allemande (RFA) saute le pas deux ans plus tard.

En tout, le plan Marshall a mobilisé 13 milliards de dollars entre 1947 et 1951. En prenant en compte l’inflation du dollar depuis 1947, la somme correspond en 2017 à environ 145 milliards de dollars (130 milliards d’euros). A titre de comparaison, le plan de relance de Barack Obama pour sortir les Etats-Unis de la crise économique de 2008 s’élevait à 787 milliards de dollars (706 milliards d’euros).

Point de départ à la société de consommation européenne

Angela Merkel a souligné, le 21 juin, que le plan Marshall avait bien servi les intérêts américains : « Bien sûr, ce n’était pas une approche altruiste (…). Les pays européens devaient se construire comme associés et partenaires commerciaux des Etats-Unis. » Une position qui n’a rien d’anodin dans un contexte de tension entre la chancelière allemande et Donald Trump. Sans citer ce dernier, Angela Merkel a clairement fait référence au président américain en affirmant : « Le protectionnisme, l’isolationnisme entravent l’innovation et à long terme est défavorable pour tout le monde, notamment pour ceux qui comptent mener une politique isolationniste, même s’ils utilisent une terminologie différente. »

L’aide américaine de 1947 n’était donc pas venue sans contrepartie. Le président Harry Truman (président de 1945 à 1953) a utilisé le plan Marshall pour freiner l’expansion soviétique en Europe. En tout, ce sont 13 milliards de dollars qui ont été mobilisés jusqu’en 1951, sous diverses formes. Les principaux bénéficiaires du plan Marshall ont été la Grande-Bretagne et la France, qui ont reçu 49 % des aides américaines (26 % pour les Britanniques et 23 % pour les Français).

De quoi entretenir l’activité économique américaine, qui a exporté vers l’Europe, nouvellement dotée d’argent, une large gamme de produits, comme des matières premières, de la nourriture, de l’énergie ou des machines. Les marchés européens, notamment français et britanniques, se sont libéralisés pour accueillir toujours plus de produits made in US. Le modèle européen s’est calqué sur celui de l’Oncle Sam. Les ménages ont rapidement pu améliorer leur confort, grâce notamment à l’électroménager et ainsi se libérer plus de temps personnel ; et qui dit temps libre, dit possibilité de consommer.

La Grèce veut toujours que l’Allemagne rende l’argent

Si les Allemands ont aussi bénéficié du plan Marshall à hauteur de 1,4 milliard de dollars, l’influence de l’initiative américaine à travers ce plan ne s’est pas arrêtée là. Afin d’éviter de répéter les erreurs et conséquences du traité de Versailles signé après la première guerre mondiale, Washington a obtenu des signataires du plan qu’ils repoussent toute demande de réparation de guerre auprès de l’Allemagne, au moins jusqu’à une éventuelle réunification.

Le temps venu, le remboursement entrerait alors dans le cadre d’un « traité de paix ». En 1953, les dettes de l’Allemagne envers les pays touchés par la guerre sont définitivement fixées par l’accord de Londres. Et en 1990, lors de la réunification de l’Allemagne, le chancelier Helmut Kohl obtient que le traité de Moscou ne porte pas la mention du « traité de paix ». Il n’est dès lors plus question d’espérer des réparations de guerre.

Grâce à cette protection du plan Marshall, la RFA, et donc l’Allemagne, a bénéficié d’un véritable « miracle économique », qui lui a permis de prospérer durant près de quarante ans. Sauf que ces dettes, certains pays européens, notamment la Grèce, sont loin de les avoir oubliées. « Ils ont pris les réserves d’or de la Banque de Grèce, ils ont pris l’argent grec et ne l’ont jamais rendu. C’est un sujet qu’il faudra bien aborder un jour ou l’autre. » En 2010, le vice-premier ministre grec Theodoros Pangalos, a lancé cet appel lors d’un voyage en Allemagne.

En pleine crise grecque, l’Allemagne s’est fait la porte-parole de la rigueur budgétaire. Un tour de vis qui est mal passé auprès des grecques et les a poussés à contre-attaquer. Ils ont alors exhumé un « prêt » que les nazis ont imposé à la Banque centrale grecque en 1941, pour contribuer à l’effort de guerre. Montant évoqué par la Grèce : 162 milliards d’euros, sans les intérêts. Soit environ de la moitié de la dette grecque.

« Plan Marshall », une expression entrée dans le langage courant

L’expression « plan Marshall » est aujourd’hui souvent employée pour titiller l’imaginaire collectif. Lundi 12 et mardi 13 juin, des chefs d’Etat africains se sont réunis à Berlin pour participer à une conférence lancée par le G20 et consacrée au partenariat avec l’Afrique. Angela Merkel a accueilli les dirigeants présents en appelant à développer des partenariats capables « d’apporter la paix, la stabilité, la sécurité ». Le président ivoirien, Alassane Ouattara, a rapidement employé le terme « plan Merkel » pour qualifier cette volonté. L’expression est rapidement devenue virale. La référence directe au plan Marshall n’a pas échappé aux médias français, africains et allemands.