Si le projet de loi est adopté tel quel, les préfets pourront instaurer des zones de protection pour sécuriser un lieu ou un événement face à un risque terroriste. Dans ce périmètre, il pourra être procédé à des palpations de sécurité, l’inspection visuelle de bagages et, avec l’accord du conducteur, la fouille des véhicules, des pouvoirs jusque-là soumis à une réquisition judiciaire. | PHILIPPE LOPEZ / AFP

Le projet de loi « renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme » doit être présenté jeudi 22 juin en conseil des ministres. Défendu par le gouvernement comme un moyen d’organiser une « sortie maîtrisée » de l’état d’urgence, il prévoit de transposer plusieurs de ses outils dans le droit ordinaire. Le Monde a révélé mercredi l’avis du Conseil d’Etat sur ce texte.

Si la plus haute juridiction administrative valide l’essentiel du projet, elle formule aussi plusieurs recommandations. D’après l’entourage du ministère de l’intérieur, la version finale présentée en conseil des ministres reprend une partie de ces recommandations. Voici l’essentiel de son contenu résumé :

  • Les périmètres de protection

Si le projet de loi est adopté tel quel, les préfets pourront instaurer des zones de protection pour sécuriser un lieu ou un événement face à un risque terroriste. Dans ce périmètre, il pourra être procédé à des palpations de sécurité, à l’inspection visuelle de bagages et, avec l’accord du conducteur, à la fouille des véhicules, des pouvoirs jusque-là soumis à une réquisition judiciaire.

A la différence de ce qui est actuellement possible dans le cadre de l’état d’urgence, les contrôles d’identité ne pourront pas être décidés d’autorité par les préfets, mais continueront de relever du pouvoir judiciaire.

  • Les fermetures de lieux de culte

Hors état d’urgence, la fermeture d’un lieu de culte relève du pouvoir du maire. Dans le cadre de l’état d’urgence, seize lieux ont été fermés par décision préfectorale. Si le projet de loi présenté au conseil des ministres jeudi est adopté, le préfet pourra continuer d’ordonner des fermetures administratives pour prévenir des actes de terrorisme. La mesure sera effective pour une durée de six mois. Le Conseil d’Etat avait demandé que cette période soit ramenée à quatre mois, en vain.

Le ministère de l’intérieur a en revanche pris en compte l’avis du conseil d’Etat en restreignant les motifs de fermeture de ces lieux. Contrairement à ce qui était envisagé au départ, la provocation à la haine ou à la discrimination ne pourront pas justifier une telle mesure, celle-ci sera limitée aux cas où des propos ou des idées sont diffusés, provoquant à la commission d’actes de terrorisme, incitant à la violence ou faisant l’apologie de tels actes.

  • Les « visites »

Les perquisitions administratives de l’état d’urgence deviennent, dans le projet de loi qui doit être présenté, des « visites » de domiciles. Elles sont possibles lorsque la personne présente une « menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics » et qu’elle est en relation avec des personnes liées au terrorisme ou adhère à des thèses terroristes.

Le gouvernement a amendé la première version de son texte en prévoyant que la perquisition ne sera pas décidée par le seul préfet – comme c’est le cas sous l’état d’urgence – mais devra être autorisée préalablement par un juge judiciaire, le juge des libertés et de la détention. « Cela résulte d’étroites consultations interministérielles » et des avis du Conseil d’Etat, fait valoir l’entourage du ministre de l’intérieur, Gérard Collomb.

  • Les « mesures de surveillance individuelle »

Dans le projet de loi antiterroriste, le mot « assignation » disparaît au profit de celui de mesures de « surveillance ». Mais, comme dans l’état d’urgence, le préfet décide seul de les mettre en œuvre, ce que le droit commun ne prévoyait pas jusque-là. La personne visée est soumise à des astreintes différentes que pendant l’état d’urgence. Elle n’est pas tenue de demeurer à son domicile pendant plusieurs heures de la journée car son périmètre d’assignation ne peut pas être inférieur à celui de la commune où elle réside. Elle signera une fois par jour au plus, et pas trois comme c’est parfois le cas pour les assignés de l’état d’urgence.

Le gouvernement n’a en revanche pas tenu compte de l’avis du Conseil d’Etat qui préconisait qu’une durée maximale de six mois soit fixée. En l’état actuel du texte, la mesure pourra donc être renouvelée tous les trois mois, perpétuellement, à condition que l’administration apporte des « éléments nouveaux ou complémentaires » attestant que la personne constitue une menace.

D’après l’entourage du ministère de l’intérieur, 66 assignations à résidence sont actuellement en vigueur, parmi lesquelles « entre 10 et 20 » le sont depuis plus d’un.

– Le projet de loi antiterroriste prévoit en outre la possibilité d’une surveillance électronique, avec l’accord de l’assigné. D’après la place Beauvau, il s’agit d’affranchir une personne de son obligation de pointage en lui proposant la pose d’un bracelet électronique. Celui-ci n’est pas censé permettre une géolocalisation en temps réel, mais simplement d’alerter les services de police ou de gendarmerie en cas de franchissement du périmètre autorisé, qui ne peut être inférieur au département.

– Au titre des autres mesures de surveillance, le projet de loi prévoit qu’une personne peut se voir interdire d’entrer en relation avec d’autres individus ou être tenue de déclarer son domicile ou encore ses identifiants de moyens de communication électronique (mais pas les mots de passe). Cela visera à « faciliter la mise en œuvre de techniques de renseignement », précise l’entourage du ministère de l’intérieur.

Après sa présentation jeudi en conseil des ministres, le projet de loi doit être débattu au Parlement. Les précédents textes de loi ayant renforcé la lutte antiterroriste ces dernières années ont été adoptés avec des majorités très larges et leurs dispositions souvent durcies.