En l’espace de quelques jours, deux polémiques un peu bancales ont agité les réseaux et certains commentateurs médiatiques de chaque côté de la Manche. Elles avaient en commun d’être alimentées par le bleu et le jaune du drapeau européen.

Dans notre Assemblée nationale nouvellement composée, Jean-Luc Mélenchon a été suivi par la presse, le 20 mai, avec les quinze autres nouveaux députés La France insoumise (LFI). La Chaîne parlementaire les a filmés découvrant l’intérieur de l’Hémicycle. Le nouvellement élu député des Bouches-du-Rhône tique quand il voit le drapeau européen à côté du français. Il s’adresse alors autant à la caméra qu’à ses collègues :

« Franchement, on est obligés de supporter ça ? C’est la République française ici, pas la Vierge Marie. Je ne comprends pas. Ce truc n’est pas constitutionnel. Ils l’avaient mis dans le projet de Constitution, tu sais, le drapeau de l’Europe. »

La vidéo ne tarde pas à tourner, et les articles « Mélenchon s’énerve », « Mélenchon ne supporte pas » avec. Les arguments les plus faciles sont qu’il a été député européen pendant huit ans, et que ça ressemble un peu à quelqu’un qui « crache dans la soupe », ou qu’il est tout simplement foncièrement antieuropéen et aime bien le montrer.

Motifs européens et chapeau royal

Le lendemain, au palais de Westminster, la reine Elizabeth II prononçait un discours sur la politique générale du gouvernement de Theresa May, actuellement en difficulté après les législatives. La « priorité, a dit la reine, est de garantir le meilleur accord possible alors que le pays quitte l’Union européenne ». Certains n’écoutaient pas vraiment son discours, mais tentaient plutôt une analyse de son chapeau, potentiellement européen.

Sur une photographie prise de la reine à son arrivée, qui a forcément pas mal circulé en ligne, on voit très bien les motifs de son chapeau. Un bleu profond, comme celui de la robe, avec des fleurs de la même couleur, au centre jaune. « Ce n’est pas si éloigné de la robe imprimé de la collection printemps/été 2017 de Balenciaga », s’extasient ceux qui le voient à travers le prisme de la mode. « En gros, la reine est en train de porter un drapeau européen sur sa tête », répondent ceux qui se concentrent davantage sur les signaux politiques.

Mèmes et origines religieux

Les choix vestimentaires de la reine d’Angleterre sont régulièrement interprétés, mais rarement aussi politiquement. Le choix de venir habillée en bleu et jaune le jour où elle doit évoquer un Brexit, aux contours inconnus, n’est pas anodin. De là à dire qu’elle n’a pas respecté son rôle protocolaire non-partisan et apolitique… évidemment beaucoup l’ont dit, il y avait juste assez d’ambiguïté pour le faire. Le Guardian s’est ému de sa reine qui a peut-être « trouvé son chemin de Damas ».

« C’était sans doute le jour le plus important du calendrier vestimentaire de la reine. Elle ira ensuite à Ascot, et choisira quelque chose d’aussi “snapchatable”. Quant à savoir si ce jour restera comme celui où elle a contourné l’impartialité en protestant silencieusement avec son chapeau, nous ne le saurons probablement jamais. Mais on peut s’amuser avec des mèmes. »

Et des mèmes, il y en a eu, des centaines de juxtapositions entre le chapeau royal et le drapeau européen avec quelques punchlines plus ou moins bien senties. Le hashtag #QueensSpeach s’est en partie envolé dans les trending topics sur la force de ces blagues. Signe que le court cycle de vie de cette « polémique » s’est achevé,@euro_hat, un compte Twitter pour le chapeau de la reine, est apparu ; 472 personnes ont cru bon de le suivre.

Quant à Jean-Luc Mélenchon et ses propos interprétés à l’aune d’une certaine image antieuropéenne, il existe aussi une explication. A ceux qui titrent sur le coup de colère du leader de LFI, La Vie répond par l’article « Drapeau européen et Vierge Marie : pourquoi Mélenchon a raison ». Le « drapeau bleu sur lequel se détachent douze étoiles, pointes hautes, formant un cercle » a été choisi sur proposition d’Arsène Heitz, « un fonctionnaire du Conseil, discret et artiste ». Et il a bien une origine religieuse car il est inspiré de la Sainte-Vierge de la chapelle parisienne de Notre-Dame-de-la-Médaille-Miraculeuse, comme Heitz l’admettra plus tard.