François Bayrou pendant sa conférence de presse au siège du MoDem, le 21 juin 2017. | JEAN-CLAUDE COUTAUSSE / FRENCH-POLITICS POUR LE MONDE

La semaine avait pourtant bien commencé pour François Bayrou et le MoDem. Les élections législatives, dont le second tour a eu lieu dimanche 18 juin, ont permis au parti centriste de décrocher un groupe parlementaire avec 42 députés, devenant ainsi la troisième force de l’Assemblée nationale. Une première dans l’histoire du MoDem, créé en 2007.

Mais depuis, le parti, accusé d’avoir rétribué des permanents sur des fonds européens, a enchaîné les déconvenues. Nouvelles révélations sur cette affaire d’emplois fictifs présumés, démissions des ministres MoDem du premier gouvernement d’Edouard Philippe et du ministre de la justice lui-même…

Retour sur cette semaine noire.

  • Des révélations en série dans les médias

Une enquête préliminaire visant le MoDem a été ouverte par le parquet de Paris début juin pour « abus de confiance et recel ». Depuis les révélations de Franceinfo du 8 juin, le parti est en effet soupçonné d’avoir fait financer, à travers le budget alloué par Bruxelles à ses parlementaires, une partie des emplois des salariés du siège du MoDem à une période où les finances du mouvement étaient au plus mal.

Au cours de la semaine, les témoignages à charge se sont multipliés. Le dernier a été diffusé vendredi : sur Franceinfo, un ancien assistant parlementaire du parti centriste, qui « a passé cinq ans [entre 2004 et 2009] à Bruxelles, au Parlement, auprès d’un eurodéputé centriste », affirme « avoir été le témoin d’un système d’emplois fictifs au sein du MoDem ».

« J’ai vu que des parlementaires, à plusieurs, finançaient des temps partiels d’assistants parlementaires qui ne fournissaient aucun travail pour le député. Les budgets des assistants parlementaires servaient à financer le fonctionnement du parti politique, au moins en partie. »

Dans son édition de mardi, deux jours après le second tour des élections législatives, Libération a également dévoilé trois « nouveaux cas problématiques d’assistants d’eurodéputés du parti ». Il a notamment mis en avant la situation d’Agnès Callou, qui a été « assistante parlementaire de Robert Rochefort de septembre à novembre 2014 » avec une « répartition horaire, moitié-moitié, entre Parlement européen et un contrat avec le MoDem ». Pourtant, selon le quotidien, Mme Callou « travaille au siège du parti sur les relations presse et avec Marc Fresneau, le secrétaire général du MoDem ».

De son côté, le site Buzzfeed a fait état du cas de Sophie Bessa, « standardiste du MoDem », qui était « officiellement l’assistante parlementaire à mi-temps de la députée MoDem du Grand-Est, Nathalie Griesbeck, de 2009 à 2014 ». Or un ancien salarié du parti centriste interrogé par le site d’information raconte :

« Je l’ai toujours côtoyée seulement comme standardiste du MoDem (…) Elle était à l’accueil, ouvrait la porte, prenait les appels et distribuait le courrier (…) D’après moi, il est impossible qu’elle ait été véritablement assistante parlementaire. »

Au total, les médias ont recensé près d’une quinzaine de contrats litigieux.

Alors que les révélations dans les médias se succédaient, l’ancien directeur de la communication du MoDem, Matthieu Lamarre, à l’origine du signalement adressé à la justice, a été entendu comme témoin, jeudi 22 juin, dans les locaux de l’office anticorruption de la police judiciaire, à Nanterre. Actuellement conseiller en communication de la maire de Paris Anne Hidalgo, il a été détaché à temps partiel au service de l’eurodéputé Jean-Luc Bennahmias et à ce titre rémunéré sur des fonds européens de décembre 2010 à novembre 2011. Mais M. Lamarre affirme n’avoir jamais travaillé spécifiquement pour l’élu.

  • « Nous n’avons jamais eu d’emplois fictifs » : la défense de François Bayrou

A plusieurs reprises, ces derniers jours, M. Bayrou l’a répété : « Nous n’avons jamais eu d’emplois fictifs » au MoDem. « Pour le prouver, j’ai une absolue confiance en la justice », a-t-il lancé, mercredi 21 juin, au cours de sa conférence de presse au siège du parti. Il a dénoncé « une campagne mensongère » et une « affaire de dénonciations anonymes » contre son parti dont il serait « la véritable cible ».

Mais dans une interview donnée à Sud-Ouest vendredi, le maire de Pau a reconnu que son parti avait « recasé » des salariés à Bruxelles. « Dans une période de mauvaise passe comme toutes les formations politiques en ont connu, vous cherchez à recaser un maximum de salariés, des gens de confiance. Il se trouve que les parlementaires européens recherchaient des assistants locaux. On leur a recommandé ces gens-là », précise M. Bayrou, tout en réaffirmant que « le MoDem n’a jamais eu d’emplois fictifs ».

« Où est l’irrégularité là-dedans ? (…) C’est pareil avec un agriculteur qui ne peut plus supporter le poids d’un salaire. Il cherche un voisin qui a besoin d’un mi-temps. Je répète ma formule : l’emploi au MoDem a été normal, régulier et légal. J’ajoute moral », se défend dans les colonnes du quotidien régional le maire de Pau.

  • Les ministres MoDem démissionnent

L’annonce est tombée mercredi, peu avant 8 heures : François Bayrou annonce qu’il ne souhaite pas conserver son poste de ministre de la justice. Dans la foulée, Marielle de Sarnez, également mise en cause dans l’affaire des emplois fictifs présumés, renonce elle aussi à rester à son poste de ministre des affaires européennes. La composition du nouveau gouvernement d’Edouard Philippe doit être dévoilée dans la soirée.

Les deux dirigeants du MoDem étaient sous pression après l’annonce par Sylvie Goulard, la veille, de sa volonté de ne pas être reconduite au ministère des armées. Dans un communiqué, l’ancienne eurodéputée centriste avait fait part de son intention de démontrer sa « bonne foi » quant à l’enquête préliminaire visant le MoDem :

« Le président de la République a entrepris de restaurer la confiance dans l’action publique, de réformer la France et de relancer l’Europe. Cette entreprise de redressement doit l’emporter sur toute considération personnelle.
Dans l’hypothèse où l’enquête préliminaire visant le MoDem conduirait à vérifier les conditions d’emploi de mes assistants au Parlement européen, je souhaite être en mesure de démontrer librement ma bonne foi et tout le travail que j’y ai accompli. »

La position de François Bayrou devenait d’autant plus intenable qu’il devait porter le projet de loi de moralisation de la vie publique.

Malgré le départ des trois ministres MoDem, le parti centriste reste représenté dans le nouveau gouvernement : la sénatrice du Loir-et-Cher, Jacqueline Gourault, a été nommée ministre auprès du ministre de l’intérieur et la maire de Mont-de-Marsan, Geneviève Darrieussecq, est désormais secrétaire d’Etat auprès de la ministre des armées.

S’il a quitté le gouvernement, François Bayrou a assuré qu’il continuerait à soutenir le gouvernement et Emmanuel Macron. Vendredi matin, sur LCI, le porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner, n’a pas fermé la porte à un retour au gouvernement du maire de Pau :

« Je sais qu’il a une place dans la vie politique française et que, si effectivement, il est libéré de cette pression du moment, il a toute sa place dans la vie politique française. Il peut l’avoir dans le gouvernement. »

François Bayrou : « Nous n’avons jamais eu d’emplois fictifs » au MoDem
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