Des étudiants de l’Ecole polytechnique de Maiduguri fêtent la fin de leurs examens autour de la piscine d’un hôtel à la mode, sans tenir compte du couvre-feu. | BENEDICTE KURZEN/NOOR POUR LE MONDE

Une nuit de mai, à Maiduguri, un garçon dont nul ne connaîtra jamais ni le nom ni l’histoire s’est faufilé dans l’université avec sa ceinture d’explosifs. L’ombre à la voix d’enfant, perchée dans un arbre, a crié une invitation au djihad à l’attention des étudiantes claquemurées dans les dortoirs tout proches.

Mariam, 22 ans, grands yeux noirs, jolies mains ornées de henné, un intérêt prononcé pour la médecine et beaucoup de chance, y était. Elle a entendu la voix et l’explosion. « Les Boko Haram n’ont qu’à rester dans l’ignorance et nous laisser étudier. Ça m’a pris plusieurs années pour être admise à l’université, tu crois que je vais les écouter et retourner chez moi avant les examens ? » dit-elle le lendemain matin, à peine troublée par cette attaque-suicide qui n’a blessé qu’un garde.

Présentation de notre série : Entre Maïduguri et Boko Haram, une lutte à mort

C’est la quatrième fois depuis le début de l’année que l’université de Maiduguri, dans le nord-est du Nigeria, est la cible des kamikazes. « On a l’habitude et je vous assure qu’on ne les laissera pas gagner », disent à l’unisson ses copines Grace et Rhoda, animées par des rêves que les bombes ne semblent pouvoir atteindre : « Ici, étudier est un combat. »

« Des pauvres types inutiles »

Après le « combat », Abubakar, 23 ans, et ses amis étudiants à l’Ecole polytechnique de Maiduguri célèbrent la fin de leurs examens en caleçon dans une piscine privatisée, au son des stars du hip-hop américain et de l’afropop de Lagos. Ces beaux jeunes gens jouent les nababs, dansent, fument et s’éclaboussent, sous les regards espiègles des filles, vêtues de jeans moulants et de voiles délicats.

Chrétiens ou musulmans, ils savourent leur enclave de liberté artificielle, parlent de sexe sans ambages et n’ont cure de la charia en vigueur depuis 2000 dans le nord du Nigeria. « On s’amuse comme on en a envie, lâche Abubakar. Les Boko Haram sont des pauvres types inutiles. Qu’ils aillent se faire foutre. » Ils festoieront jusqu’à l’aube pour s’affranchir du couvre-feu de 22 heures, pour oublier la guerre, la crise humanitaire, et pour avoir l’impression de vivre comme ils l’entendent pendant quelques heures intenses.

Le 7 juin, des kamikazes ont pris pour cible des mosquées et tué quatorze personnes

Chaque nuit ou presque, des kamikazes comme le garçon sans nom de l’université se font exploser à Maiduguri, capitale de l’Etat de Borno, et aux alentours. Ils viennent de la brousse ou peut-être du centre-ville, où Boko Haram compte des relais et où plusieurs unités de fabrication d’explosifs ont été démantelées par les forces de sécurité ces derniers mois. Il y en a sans doute d’autres. Mais qui prendra le risque de les dénoncer, et donc de risquer sa vie, contre une récompense de 2 000 dollars (environ 1 800 euros), comme le promettent des messages sporadiques à la radio ?

Le mercredi 7 juin, en fin d’après-midi, ce sont plusieurs quartiers de la ville qui ont été pris pour cible par trois kamikazes, dont des mosquées à l’heure de la prière. Cette fois, ils ont tué quatorze personnes et en ont blessé 24 autres, selon les forces de sécurité.

Le rire comme thérapie

Pourtant, la ville se remet peu à peu des ravages du monstre qu’elle a enfanté. Les chiffres officiels attribuent à Boko Haram la responsabilité de plus de 20 000 morts et plus de 2,6 millions de déplacés dans le bassin du lac Tchad depuis 2009, année de l’exécution à Maiduguri de Mohamed Yusuf, le fondateur de la secte islamiste Jamaat Ahl al-Sunna lil-Dawa wal-Jihad (Groupe des fidèles du prophète pour la prédication et le djihad, le vrai nom de Boko Haram), et de sa militarisation par son disciple, Abubakar Shekau.

Entre septembre 2016 et janvier 2017, Maiduguri a connu une période sans attentats et les habitants ont voulu croire au retour à la normale rabâché par les autorités : « La situation à Maiduguri est maîtrisée. » Ils ont vécu, festoyé, palabré dehors. Les amoureux étaient réapparus dans les parcs. Il y eut des mariages en plein air, dans la rue. Puis les attentats ont recommencé, sans que reviennent les habitudes du couvre-feu.

Ainsi, un beau matin de mai 2017, Ibrahim et Khadija ont scellé leur union dans une masure ouverte sur une rue terreuse bondée de convives et d’enfants mendiant. Il y eut certes une immense frayeur lorsqu’un tricycle fit une entrée fracassante, sur deux roues. Mais il faisait partie du spectacle. Et tout le monde a fini par rire de ses propres angoisses.

Le rire comme thérapie, telle serait la prescription de Sunday William Omega, 35 ans, dont l’émission dominicale sur Peace FM est très écoutée. Visage rond flanqué d’un chapeau de roi mage, il est un observateur aiguisé des mutations de la ville, lucide sur les maux qui rongent sa société. Comme cette fichue paranoïa qui s’est emparée de Maiduguri, où « confier un sac d’oignons à des amis peut éveiller le soupçon », plaisante-t-il. Boko Haram a voulu faire taire ce joyeux drille qui tente de guérir sa ville malade. « Maiduguri se recroqueville, dit-il. Ma ville est triste et les gens souffrent. Je le raconte avec mon arme à moi, les blagues. Car je veux rendre les gens heureux. »

Scènes de guerre urbaine

Il faut dire que cette cité autrefois prospère et paisible a été ensanglantée par une myriade de scènes de guerre urbaine entre l’armée et Boko Haram, de revanches meurtrières et d’exactions commises des deux côtés. Qu’elle a subi des massacres, avec plus de 1 400 corps de victimes décomptés entre mai et juillet 2013, plus de 1 000 morts en quelques jours en mars 2014, plus de 800 en février 2015.

Aisha, 25 ans, a passé l’année 2016 du côté du monstre. Kidnappée dans son village, mariée de force au cruel Mala Abubakar, un « wali » de Boko Haram, elle a mis au monde il y a un an la petite Fatima, née dans le maquis djihadiste de Sambisa, à 60 km de là – le fief de l’« imam » Abubakar Shekau, qu’elle apercevait parfois dans sa Volkswagen blanche.

Elle a profité d’un accrochage entre les hommes de Shekau et ceux d’Abou Mossab Al-Barnaoui, désigné « émir » de la Province ouest-africaine de l’Etat islamique en août 2016, pour s’enfuir avec sa fille. Visage fermé recouvert d’un voile élimé à travers lequel percent ses yeux sombres, la jeune femme végète aujourd’hui dans l’un des nombreux camps de déplacés improvisés dans la ville.

Aisha a été enlevée en 2016 par Boko Haram puis mariée de force à un djihadiste. Elle a réussi à s’échapper et vit désormais dans un camp de déplacés à Maïduguri. | BENEDICTE KURZEN/NOOR POUR LE MONDE

« Je pensais trouver la paix, de l’aide et du travail. Mais c’est tout le contraire. Personne ne m’a donné un naira [la monnaie nigériane], dit-elle. Je ne peux pas rentrer dans mon village et ici je lutte pour manger. C’était mieux dans les camps de Boko Haram. » Pas de nostalgie ni de syndrome de Stockholm, juste un instinct de survie que l’on comprend mieux lorsqu’un de ses proches susurre qu’elle ne reçoit que peu de nourriture et subit des abus sexuels au sein même du camp. Ses joues ornées de scarifications se strient de larmes.

Ils sont des millions comme elle, à avoir fui les violences et abandonné leurs villages pour s’agglutiner à Maiduguri, qui, malgré les kamikazes, reste plus sûre que les campagnes. Cette ville, créée en 1907 par les Britanniques pour servir de centre administratif et économique pendant la période coloniale, s’est développée avec le commerce transfrontalier et quelques vagues de populations fuyant la famine et la sécheresse du début des années 1970 au Sahel, puis les réfugiés des conflits du Tchad dans les décennies suivantes. Mais aucune arrivée n’a été plus massive que celle des Nigérians de la région fuyant Boko Haram ces dernières années.

« Dollarisation, gangsterisation, prostitution »

La population de Maiduguri a triplé ces trois dernières années, pour dépasser les 3 millions d’habitants. Nul ne sait plus vraiment comment gérer les âmes esquintées qui se bousculent sur les trottoirs poussiéreux bordant des avenues impeccables, construites récemment dans le cadre d’une série d’« investissements psychologiques », comme disent les autorités.

« C’est une ville qui ne se maîtrise plus, surjoue son retour à la paix et enfouit sa souffrance. Elle traverse une période délicate. Le conflit n’est pas fini mais il est minimalisé par les autorités, qui veulent convaincre que c’est désormais l’ère du post-conflit, constate l’historien Vincent Hiribarren, spécialiste de la région au King’s College de Londres. Maiduguri est la vitrine de la résilience de l’Etat de Borno et les investissements récents sont faits pour rassurer, montrer que la ville résiste et ne peut pas tomber. »

Aujourd’hui, le gouvernement local s’efforce de magnifier le mythe de Maiduguri. Dans son vaste et luxueux bureau, au premier étage d’une villa gardée par une armada de militaires sur le qui-vive, Kashim Shettima imagine un avenir grandiose. A 50 ans, cet ancien banquier devenu en 2011 le gouverneur de l’Etat de Borno se définit comme un « visionnaire », selon les affiches collées dans la ville. Mais voilà, il se montre agacé par la situation.

« La ville est devenue sale et je crains que les phénomènes naissants de gangsterisation et de prostitution prennent de l’ampleur. Un homme affamé est un animal dangereux, il faut aller au-delà des solutions à court terme », lâche-t-il. Comme ses rivaux, M. Shettima est allé faire campagne dans les camps de déplacés installés dans l’urgence par les agences d’aide de l’Etat, gangrenées par la corruption et les détournements. Avant de les oublier. Ce qui a provoqué des manifestations contre cette petite élite locale composée de politiciens, de fonctionnaires et de chefs traditionnels cyniques qui détournent argent et sacs de riz.

« Il y a eu des abus de la part d’ONG locales », reconnaît le gouverneur, qui a tenté de fermer ces camps pour débarrasser la ville de ces déplacés qu’il renverrait bien dans leurs villages, autour desquels rôdent toujours les djihadistes. Puis il se lance dans une diatribe contre les ONG occidentales, responsables selon lui de « la dollarisation de l’économie » et de « la hausse des prix ».

Mais sans elles, l’économie de la région serait totalement exsangue, le chômage autrement élevé et la situation humanitaire encore plus épouvantable. Selon les Nations unies, 8,5 millions de personnes dépendent de l’aide humanitaire dans le nord-est du Nigeria. Des « chiffres gonflés », selon M. Shettima. Un brin mégalo, il se vante de voir plus loin. Il a investi 50 milliards de nairas (environ 140 millions d’euros) dans l’achat de matériel agricole haut de gamme pendant que la ville était sous les assauts de Boko Haram. « Sur les 56 moissonneuses-batteuses qu’il y a dans tout le Nigeria, l’Etat de Borno en a 25. Maintenant, je dois gérer le conflit, mais on est prêt pour l’après », s’enorgueillit-il.

Des commerçants désargentés et humiliés

Aux antipodes des prévarications d’une classe politique qui instrumentalise la crise humanitaire, il y a un sage à Maiduguri, un homme simple venu de Maradi, au Niger, il y a un demi-siècle et qui pourrait être un saint du coin. Cheikh Garba Bozu est un guide spirituel respecté, un entrepreneur devenu très riche grâce aux centaines de terrains qu’il accumule, sans plus les recenser.

Cheikh Garba Bozu, 70 ans, est un grand propriétaire terrien. Il prend en charge plus de 7 000 déplacés sur des terrains qu’il a mis à leur disposition. | BENEDICTE KURZEN/NOOR POUR LE MONDE

« La moitié est pour moi et l’autre moitié, je la réserve aux pauvres », dit-il dans le salon exigu de sa demeure, où des sicaires de Boko Haram ont tenté de l’assassiner il y a trois ans. « Moi, je me contente de ce qu’il me faut, c’est-à-dire pas grand-chose. Je n’ai pas de compte en banque et je ne fais que suivre le Coran, qui dit que si tu donnes, tu recevras bien plus. » Alors ce septuagénaire à l’allure de paysan donne à tous ceux qu’il croise ou presque et prend en charge plus de 7 000 déplacés qui vivent sur des terrains qu’il a mis à leur disposition.

Un exemple que le pétrolier Mohammed Indimi, de loin l’homme le plus riche de la région, pourrait suivre. Proche des présidents successifs du Nigeria, il n’a néanmoins investi dans rien d’autre que son palais vide, qui fait face à celui, plus excentrique, de l’ancien gouverneur Ali Modu Sheriff (2003 – 2011), régulièrement accusé d’accointances avec Boko Haram.

Sur le grand marché aux poissons, autrefois prisé dans tout le bassin du lac Tchad, c’est la déprime

Le philanthrope musulman Cheikh Garba Bozu fait sa part. Le magnat attend que la paix revienne et que les prix remontent pour revendre ses terrains. Il a le temps. Mais, à quelques centaines de mètres de sa maison, d’autres s’impatientent : une caste de grands commerçants ruinés se laisse écraser par le soleil, le regard perdu dans des petits tas de poisson fumé qui ne trouvent pas d’acheteurs. Sur le grand marché aux poissons de Maiduguri, autrefois prisé dans tout le bassin du lac Tchad et plusieurs fois visé par des attaques terroristes, c’est la déprime.

« On ne génère plus que 10 millions de nairas de vente par jour sur ce marché, contre 700 millions avant 2009 », déplore Mohamed Laminu, patron du puissant syndicat des pêcheurs et commerçants, qui revendique 47 000 membres, dont une partie, sur le lac Tchad, coopère avec Boko Haram – tandis que 700 autres ont été égorgés ou tués par balle.

Depuis des mois, M. Laminu harcèle le gouverneur Shettima pour accéder à son trésor : un stock de poisson séché d’une valeur de 500 millions de nairas bloqué 200 km plus au nord, à Baga, ville ravagée en janvier 2015 par une des attaques de Boko Haram les plus meurtrières. Seul hic, la route est fermée et la circulation de produits de la pêche est interdite pour le moment, car Boko Haram a infiltré ce secteur lucratif. « Il suffirait que le gouvernement rouvre la route, même un seul jour », dit M. Laminu. Las, le gouverneur ne prend plus ses appels.

Comme sur tous les grands marchés de la ville, terrorisés par les attentats, les commerçants exportateurs d’autrefois, humiliés et désargentés, se retrouvent contraints d’importer les denrées alors qu’il leur est arrivé de fixer les prix pour toute la région.

Aminu Almadji n’est plus employeur mais employé : il travaille pour l’un des derniers exportateurs qui acheminent des camions pleins de produits en Centrafrique, à plus 1 000 km de là, sur des routes souvent périlleuses. « On livre aux Tchadiens et aux Soudanais de Carnot et Bangui. C’est l’aventure mais il y a du business à faire là-bas, dit-il de sa voix rauque de routier aguerri. Ici on se plaint, mais on n’abandonnera jamais notre ville. Ce qui compte, ce n’est pas le temps qu’il faut pour résister, mais le temps qu’il faut pour reconstruire notre société, notre économie. »

Salafisme et fatalisme

On ne vient plus du Tchad, du Cameroun, du Niger, de Centrafrique ou du Soudan pour les grands marchés de Maiduguri, son université, ses innombrables madrasas soufies ou salafistes, réputées pour le meilleur ou pour le pire. D’ailleurs, la plupart des grands leaders religieux ont été assassinés ou ont fui. Asil Alsunusiyyu, le grand imam de Maiduguri, n’a, lui, jamais quitté les lieux. « Tout a changé avec Boko Haram, je ne comprends plus la ville », dit-il d’une voix calme.

Il se trouve sous l’autorité du shehu, le chef traditionnel héritier de la tradition du royaume de Kanem-Bornou, empire fondé vers le VIIIe siècle, qui embrassa l’islam trois cents ans plus tard et s’effondra en 1893. Mais cette histoire ne fait plus vraiment rêver les jeunes. Et l’influence du shehu, lui-même nommé par le gouverneur, s’est considérablement réduite. Tel un fonctionnaire, le grand imam se contente de guider la prière.

« Nous, on n’a pas l’argent pour séduire les jeunes comme le font les politiciens ou des religieux soutenus financièrement, dit Asil Alsunusiyyu, résigné, sur sa terrasse qui permet d’entrevoir une Bentley et une Mercedes sept-portes. Les autorités politiques doivent revaloriser les chefs traditionnels, sinon on ne peut rien faire. » De rite malékite, l’une des écoles les plus tolérantes du sunnisme, l’imam semble avoir abandonné face au wahhabisme, embrassé par l’élite. Impuissant et dépourvu de charisme, il n’a pas médité son échec, n’a pas vraiment de point de vue sur la montée de Boko Haram et, plus largement, sur ce salafisme équivoque qui séduit tant. « La culture des jeunes est en décalage avec la nôtre. On a perdu le contrôle », conclut-il, fataliste.

Plus de 20 000 guerriers autodidactes

Face à des élites militaire, politique, traditionnelle et religieuse discréditées, des jeunes se sont organisés en milices de volontaires pour défendre la ville, seuls ou aux côtés des militaires. Ces héros ordinaires de Borno se sont transformés en guerriers autodidactes et comptent désormais dans leurs rangs des responsables de crimes et d’atrocités. Les autorités les délaissent progressivement et se méfient d’eux. Alors le mécontentement grandit.

« Je dois gérer plus de 20 000 gars qui ne sont toujours pas vraiment payés par le gouvernement. Pourtant, ils risquent leur vie et se sacrifient depuis quatre ans, en première ligne face à Boko Haram », explique Abba Aji Kalli, 52 ans, un ancien fonctionnaire devenu invalide de guerre. A sa manière, il est l’un des nouveaux maîtres de la ville grâce au dérèglement des structures traditionnelles.

Ce stratège tire sa puissance des 26 000 volontaires qu’il coordonne dans tout le Borno et sans qui Maiduguri n’aurait sans doute pas été « nettoyée » en 2013. Or, seuls 2 100 d’entre eux ont intégré l’armée et plus de 600 sont morts, selon ses calculs. « Il faut s’en occuper avant la fin de la guerre, les éduquer, leur assurer un emploi dans les forces de sécurité ou autre. Sinon, je ne sais pas ce qui se passera », dit-il, à la fois exaspéré et en colère, sincèrement inquiet et peut-être menaçant.

A défaut de porter l’uniforme, l’un de ses « gars », Hudu, 27 ans, s’est reconverti de lui-même dans l’organisation d’une sorte de rave party dominicale pour les enfants miséreux dans le parc d’attractions en ruines lové entre le zoo et la haute cour de justice. « La vie est dure et je sais que ces jeunes pourraient faire des problèmes. Là, ils s’amusent. Je gagne un peu d’argent et ça fait du bien à la ville, je crois », dit le chef d’orchestre.

Son DJ maintient le public dans une sorte de transe. Sous un soleil au zénith, ces gamins des rues dansent, font revivre des manèges italiens démantibulés, ravivent les sourires, jusque-là terrifiants, des canards en plastique et des chevaux en bois. Certains de ces illettrés auraient pu sombrer dans le banditisme, dit Hudu avec l’assurance de l’ancien milicien volontaire. Ou céder à la tentation de l’argent et du paradis pour se retrouver de nuit, telle une silhouette sans nom ni histoire, perchée sur la branche d’un arbre de l’université de Maiduguri.

Le sommaire de notre série « Entre Maiduguri et Boko Haram, une lutte à mort »

Présentation de notre série : Entre Maïduguri et Boko Haram, une lutte à mort

Le Monde Afrique propose cinq reportages dans le nord-est du Nigeria, en guerre contre le groupe terroriste Boko Haram.