Députés, mais pas que. Pas moins de 327 des 577 membres de l’Assemblée nationale élue dimanche 18 juin disposaient d’au moins un autre mandat à la date de leur élection, selon notre enquête sur les profils des nouveaux députés. Mais toutes les situations ne sont pas égales au pays des cumulards. Sur les bancs du Palais-Bourbon, on trouve aussi bien des « petits poissons » que des « requins », qui cumulent jusqu’à quatre mandats électifs, sans même compter les diverses responsabilités liées à leurs fonctions. Inventaire.

  • Quatre députés sur dix vont devoir abandonner au moins un mandat

223 députés concernés par les nouvelles limitations de cumul des mandats

Après la conquête de l’Assemblée nationale, voici venue l’heure du choix pour les cumulards les plus gourmands. Les 577 députés fraîchement élus sont en effet les premiers concernés par la limitation du cumul des mandats imposée sous François Hollande. La nouvelle règle interdit de cumuler un mandat de député avec un exécutif local, c’est-à-dire de siéger au Palais-Bourbon tout en étant maire, président de région, à la tête d’un département ou même adjoint ou vice-président d’une collectivité.

Deux cent vingt-trois députés, soit 38,6 % de l’hémicycle, sont dans cette situation. Ils ont trente jours à compter de leur élection pour déclarer quel mandat ils souhaitent conserver, faute de quoi ils devront, par défaut, rester député et abandonner leurs autres responsabilités.

Ce dilemme touche en premier lieu les fameux députés et maires : pas moins de 135 nouveaux élus à l’Assemblée nationale ont cette double casquette. Ce sera ainsi la fin d’une longue histoire pour le fantasque Jean Lassalle, qui va devoir choisir entre la petite mairie de Lourdios-Ichère (Pyrénées-Atlantiques) qu’il dirige depuis 1977 et son siège de député qu’il occupe depuis 2002.

Dans le détail, on ne trouve aucun maire de ville de plus de 100 000 habitants qui siège à l’Assemblée, mais quatre maires d’arrondissements de grandes villes : Paris (Claude Goasguen), Marseille (Valérie Boyer) et Lyon (Thomas Rudigoz et Hubert Julien Laferrière). Deux autres sont maires de villes de 50 000 à 100 000 habitants : François Pupponi (Sarcelles), et Michel Herbillon (Maisons-Alfort). Derrière ces quelques cas, le gros du contingent est maire de villes de 10 000 à 50 000 habitants (42 députés et maires), 2 000 à 10 000 (48) et de moins de 2 000 (39).

A tous ces élus s’ajoutent en outre 49 adjoints au maire, eux aussi concernés par la loi qui restreint les possibilités de cumul.
Soit 184 élus qui vont devoir lâcher les rênes de leur commune.

Mais les députés n’ont pas que des mandats municipaux. Dans la nouvelle Assemblée, on compte également quatre présidents de départements : Eric Ciotti (LR, Alpes-Maritimes), Eric Straumann (LR, Haut-Rhin), Maurice Leroy (UDI, Loir-et-Cher) et Hervé Saulignac (PS, Ardèche). Auxquels s’ajoutent 27 vice-présidents de départements ainsi que 17 vice-présidents de région, également concernés par la nouvelle loi.

Du côté des autres mandats parlementaires, qu’il n’était déjà pas possible de cumuler avec un siège de député, on compte :

  • deux sénateurs : Béatrice Descamps (LR) et Luc Carvounas (PS) ;
  • quatre eurodéputés : Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise), Marine Le Pen (FN), Louis Aliot et Constance Le Grip (LR).
  • Plus d’un député sur deux a au moins un autre mandat électif

L’entrée en vigueur de la loi de 2014 ne signe pas la fin du cumul pour autant : il reste en effet tout à fait possible de conserver plusieurs mandats, à condition qu’ils ne soient pas exécutifs. De quoi rassurer les 328 députés, soit 57 % de l’Assemblée nationale, qui ont au moins un autre siège en parallèle.

La réforme de 2014 devrait quelque peu alléger l’emploi du temps surchargé de certains élus. On pense par exemple à Béatrice Descamps (Les Républicains), qui était jusqu’ici à la fois sénatrice du Nord, maire de Météren et vice-présidente du conseil départemental du Nord, avant même d’être élue députée. Un cas de figure unique dans la nouvelle Assemblée nationale.

Mais derrière ce cas particulier, on trouve tout de même pas moins de 85 députés qui exercent en parallèle deux autres mandats, soit 15 % environ et 241 autres (42 % de l’hémicycle) qui en ont un autre. Ils ne seront que 43 % à se consacrer uniquement à la députation.

Certains députés concernés par les nouvelles limitations du cumul ont d’ailleurs déjà trouvé la parade pour conserver le pouvoir. Agé de 29 ans, le maire LR de Marck (Pas-de-Calais) et désormais député, Pierre-Henri Dumont, a prévenu qu’il comptait rester maître de sa ville, bien que contraint par la loi de passer les rênes à un de ses adjoints en conservant une simple fonction de conseiller municipal. Une ficelle popularisée par Christian Estrosi, qui quittait en 2015 sa mairie de Nice, tout en y restant conseiller, pour prendre la tête de la région PACA… Fonction qu’il a abandonnée en mai pour redevenir maire et que bien des députés pourraient imiter.

Pour aller plus loin, Emmanuel Macron a promis pendant sa campagne de limiter également le cumul dans le temps, en interdisant aux élus d’enchaîner plus de trois mandats identiques consécutifs. Si elle entre en vigueur, cette réforme ne devrait concerner qu’une mince partie des députés élus en ce mois de juin : l’Assemblée vient d’être renouvelée aux trois quarts, et 68 d’entre eux n’ont fait qu’un mandat auparavant, ce qui laissera dans tous les cas moins d’une centaine d’élus potentiellement concernés.

Du haut de ses six mandats législatifs passés, le député LR Jean-Luc Reitzer ne serait ainsi pas concerné en 2022 par une telle limitation, car il n’a pas siégé de 2012 à 2017. Ses collègues Olivier Dassault (LR) et Jérôme Lambert (PS), seuls autres députés à commencer leur septième mandat, seraient en revanche concernés car ils n’ont plus été battus depuis 2002.

La palme de la longévité revient, quant à elle, à un trio de députés LR (François Cornut-Gentille, Gilles Carrez et Guy Teissier) ainsi qu’à l’UDI Charles de Courson, tous élus sans discontinuer depuis 1993, ce qui fait qu’ils amorcent leur sixième mandat de suite.

  • La droite championne du cumul

Si le « renouvellement » dont se targue La République en marche est à relativiser, notamment par la forte présence dans ses rangs de personnalités qui n’avaient jamais été élues mais étaient déjà engagées dans la politique au sens large, il est encore plus loin de se trouver à droite. C’est simple : 96 % des 136 députés LR, UDI et divers droite exerçaient déjà au moins une fonction élective à la date de l’élection.

Même constat à gauche (PS et apparentés), où 92 % des élus détenaient déjà au moins un mandat, ainsi qu’à l’extrême droite (90 %) et chez les régionalistes corses et ultramarins confondus (100 %). A l’arrivée, seule la gauche radicale et La République en marche ont fait élire environ un député sur deux sans mandat électif.

Autre phénomène parlant : là où un député sur quatre de la majorité présidentielle et de la gauche radicale va devoir abandonner au moins un mandat, cette proportion est trois fois plus importante à droite.

Seuls deux députés de la droite et du centre droit n’ont jamais exercé de mandat électif avant d’être élu à l’Assemblée. Il s’agit de l’élu des Vosges Christophe Naegelen (divers droite) et de l’UDI Béatrice Descamps. Le parti Les Républicains n’a donc fait élire aucun novice de la politique.

#QuiSontVosDéputés : enquête sur les 577 élus de l’Assemblée nationale

Age, études, métiers, passé politique, mandats passés et actuels, profils sur les réseaux sociaux... Le Monde a épluché la liste des 577 députés élus à l’issue des élections législatives des 11 et 18 juin 2017 pour donner une photographie détaillée de la nouvelle Assemblée nationale.

Voici les principaux volets de notre enquête :