Ben Bernanke, à Las Vegas, le 17 mai. | Richard Brian / REUTERS

Certains y ont vu un clin d’œil au dix-neuvième opus de la série des James Bond, Le monde ne suffit pas (1999). Lundi 26 juin, à Sintra (Portugal), où la Banque centrale européenne (BCE) tient son forum annuel jusqu’au 28 juin, Ben Bernanke a tenu un discours intitulé « Quand la croissance ne suffit pas ».

Devant plusieurs tablées d’économistes de haut vol, qui l’ont écouté tout en dînant, l’ancien président de la Réserve fédérale (Fed, banque centrale américaine) entre 2006 et 2014, a soulevé ce qui peut ressembler à un paradoxe : pourquoi, alors que le taux de chômage est au plus bas (4,3 %) et que la croissance est solide depuis plusieurs années, les Américains sont-ils aussi insatisfaits de la situation économique ? Insatisfaction qui – on l’a assez dit – a en partie permis la victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle, en novembre 2016.

Phénomènes préoccupants

Pour tenter d’y répondre, Ben Bernanke a évoqué « quatre tendances inquiétantes ». A commencer par la stagnation des revenus des travailleurs moyens. « Depuis 1979, la production réelle par tête aux Etats-Unis a crû de 80 %, alors que, dans le même temps, les revenus hebdomadaires médians des travailleurs à temps plein ont crû de 7 % seulement en termes réels », a expliqué ce spécialiste reconnu de la crise des années 1930.

Autres phénomènes préoccupants : la baisse de la mobilité économique et sociale, la croissance des inégalités de revenus et des richesses ou la méfiance envers les institutions. Autant de tendances alimentées par le déclin de la croissance et de la productivité observé à partir de 1975, une fois la période dorée de l’après-guerre refermée. Ces vingt-cinq dernières années, les Etats-Unis ont, en outre, vu leur puissance économique défiée par la Chine.

« La croissance ne suffit pas »

« Quelle que soit l’opinion que l’on a à propos de Donald Trump, il a le mérite d’avoir, comme candidat à l’élection présidentielle, identifié et exploité les frustrations profondes de l’Américain laissé-pour-compte, a reconnu M. Bernanke. Cette frustration l’a aidé à entrer à la Maison Blanche. »

Pour qualifier la vision économique du nouveau président, l’économiste a évoqué « un mélange imprévisible de populisme de droite et de politique républicaine traditionnelle de soutien à l’offre ».

En somme, a conclu M. Bernanke, la victoire de M. Trump envoie un message important : « La croissance ne suffit pas. » Selon lui, il est urgent de mettre en œuvre, aux Etats-Unis comme en Europe, des politiques aidant les perdants de la mondialisation et les plus fragiles à surmonter les transformations de l’économie. Et ce, par la redistribution, la formation, l’investissement dans le capital humain. Un chemin complexe et de longue haleine que « les politiciens populistes, avec leur impatience et défiance envers les experts, sont probablement peu capables de suivre jusqu’au bout ».