Séance d’apprentissage à l’auto-médication du diabète par injection d’insuline à Nairobi, Kenya, en mars 2011. | Gil Corre

L’épidémie de diabète ne cesse de progresser, tout particulièrement en Afrique, sous l’effet conjugué de l’urbanisation rapide, la modification des habitudes alimentaires, l’augmentation de l’espérance de vie, sans oublier les mutations environnementales.

La Fédération internationale du diabète (IDF) estime aujourd’hui à plus de 415 millions le nombre de personnes vivants avec le diabète dans le monde, dont plus de 77 % dans les pays à faible et à moyen revenu, pour un coût estimé par IDF Diabetes Atlas à 673 milliards de dollars annuel.

D’ici 2040, on dénombrera 642 millions de malades, dont plus de 42 millions en Afrique. Le diabète est la cause de 5 millions de décès par an, soit une mort toutes les 6 secondes. C’est aussi la première cause de cécité, mise sous dialyse ou amputation non traumatique, alors même que les maladies non transmissibles (MNT) sont déjà responsables de 69 % des décès dans le monde. En Afrique, le diabète est responsable de près de 10 % des décès.

Pourtant, malgré la gravité de la situation, les financements mondiaux consacrés à ce défi majeur de santé publique restent limités (de l’ordre de 2 %). Dans ces conditions, comment imaginer faire face à une telle transition épidémiologique aux multiples facettes (humaines, sociales, économiques), couplée à une bombe à retardement pour ce qui concerne les coûts de santé ? Comment améliorer, sur le continent le plus démuni, l’Afrique, la prise en charge déjà limitée des malades et soutenir des systèmes de santé déjà défaillants ?

Pétition en ligne

Une mobilisation internationale s’impose d’urgence. Pour sensibiliser sur ce fléau trop longtemps oublié, et surtout pour soutenir et redonner espoir aux malades, le plus souvent démunis, privés d’accès aux soins et des traitements adaptés. Nous appelons donc à largement signer notre pétition en ligne.

Le soutien à l’innovation médicale et sociale s’avère tout aussi crucial pour favoriser l’évolution des pratiques de soins et renforcer l’autonomie des malades et la défense de leurs droits. Le développement de plateformes d’acteurs coalisés, regroupant associations de malades, chercheurs, pouvoirs publics et bailleurs, secteur privé, est également nécessaire. Il permettra de renforcer la lutte et la prise de conscience, porter la voix des patients, mobiliser les bailleurs de fonds et les acteurs multilatéraux. Et surtout de pousser l’industrie pharmaceutique à revoir les prix des traitements des maladies chroniques en Afrique afin de garantir un accès aux patients les plus démunis. Comment justifier, en effet, que l’insuline, un traitement pour le diabète de type 1, découvert il y a presque 100 ans, reste inaccessible à la majorité des patients en raison de son prix ? En Afrique, une année d’approvisionnement en insuline représente plus de 17 % des revenus d’une famille.

Il ne s’agit pas là uniquement d’une question de solidarité, mais de justice et d’équité pour les malades. En effet, le diabète et l’ensemble des MNT vont peser toujours plus lourd sur les conditions de vie des populations les plus pauvres, singulièrement en Afrique. Investir aujourd’hui, c’est non seulement prévenir une catastrophe plus importante demain, mais aussi redonner aux patients un pouvoir central dans la prévention et la lutte contre la maladie. C’est changer la façon dont la santé mondiale est appréhendée et financée. Ne pas anticiper l’émergence des MNT en Afrique, c’est prendre le risque de voir des systèmes de santé déjà fragiles tout simplement imploser, mais aussi compromettre le développement social et économique de nombreux pays.

Couverture universelle de santé

Alors que l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) vient de porter à sa tête pour la première fois un représentant africain, l’Ethiopien Tedros Adhanom Ghebreyesus, l’essor des maladies chroniques en Afrique nécessite de lancer sans délai une révolution radicale en matière de santé mondiale. C’est la responsabilité des leaders africains, de l’Union africaine et de ses organisations sous-régionales, mais aussi des Nations unies et des bailleurs internationaux.

Les succès obtenus dans la lutte universelle contre le SIDA, le paludisme ou la tuberculose montrent que cela est possible. Mais, au contraire d’une nouvelle approche verticale par maladie, il s’agit avant tout de privilégier le renforcement des systèmes de santé nationaux, pour les rendre plus résilients. Face à l’essor des MNT, la prévention, mais aussi la promotion d’une prise en charge intégrée et de qualité des maladies, et des comorbidités comme le diabète et la tuberculose, deviennent centrale. C’est certainement la meilleure façon d’envisager le développement de la couverture universelle en santé appelée de ses vœux par les Nations unies, et l’atteinte des Objectifs du développement durables (ODD).

C’est pour cela que nous appelons d’urgence à une mobilisation internationale autour des personnes vivants avec le diabète, avec les acteurs de soins, les leaders africains et internationaux, et l’ensemble des acteurs de la santé mondiale.

Il s’agit en priorité de :

  • Reconnaître le diabète comme un fléau mondial, et reconnaître le double fardeau nutritionnel auquel l’Afrique est désormais confrontée ;

  • Adapter l’organisation des soins et des services de santé pour répondre au défi des MNT et favoriser le développement de systèmes de santé plus intégrés et donc plus résilients ;

  • Renforcer le dépistage et la prise en charge du diabète gestationnel encore trop peu pris en compte dans les politiques de santé maternelle et infantile ;

  • Développer une réponse internationale ambitieuse et innovante avec un financement du diabète et des maladies non transmissibles à la hauteur des enjeux.

Premiers signataires de la tribune qui est à signer en ligne ici : Stéphane Besançon (DG ONG Santé Diabète), Pr Jeffrey Sachs (économiste), Pr Marion Nestle (nutritionniste et écrivaine), Cynthia Fleury (philosophe et psychanalyste), Dr Olivier Veran (neurologue, CHU de Grenoble), Pierre Salignon (chef de projets, Agence Française de Développement), Pr Naby Baldé (endocrino-diabétologue, chaire Afrique, Fédération internationale du diabète), Dr Kaushik Ramaiya (diabétologue hôpital Hindou Mandal Dar-es-Salam, Tanzanie) et Dr David Beran (chercheur, service de médecine tropicale et humanitaire des Hôpitaux universitaires de Genève)